Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/278

Cette page n’a pas encore été corrigée

539

CIRCONCISION

540

une consécration, par un sacriûce sanglant, de la vie sexuelle à laquelle le jeune homme est désormais admis… Le rite est un rite d’initiation. « Et il ajoute cette réflexion fort juste : « C’est en même temps le terme d’un tabou très sage qui préserve le jeune homme d’excès prématurés, semblable à celui qui protège la croissance des fruits et des céréales et qui cesse par le sacritice des prémices. « (Etudes sur les religions sémitiques, p. 243.) — Faut-il, pour finir, mentionner l’idée émise par l’abbé Bros que l’objet de la cérémonie pourrait être « la purification par l’expulsion du sang, véhicule de mauvais esprits « ? {La religion des peuples non ci^^ilisés, p. i/io.) L’idée de purification est bien ici fondamentale, en effet ; seulement on ne voit pas ce que viennent faire en cette opération les mauvais esprits véhiculés par le sang : ne serait-ce pas là une conception de civilisé qui s’est fait une théorie animiste de la mentalité sauvage, et qui, bon philosophe, y ramène tout ? Car enfin, si refi’nsion du sang avait pour ])ut d’expulser les mauvais esprits qu’il véhicule, ne serait-il pas beaucoup plus simple, plus pratique et moins douloureux de faire une coupure au doigt ou de provoquer un saignement de nez ?…

De toutes lesconceptions de la circoncision, lapins vraisemblable, la plus compréliensive et la plus conforme à la pensée du Primitif reste donc celle que nous avons exposée : un rite, faisant à l’origine partie de l’initiation de l’adolescence, et qui parait avoir été avant tout une IcA’ée d’interdit, enlevant la souilliu-e inhérente aux organes de la génération et rendant licite l’acte conjugal.

Maintenant, que cette idée se soit plus ou moins effacée, ici et là, dans l’esprit des populations, devant le caractère extérieur et immédiatement perceptil)le de la cérémonie, la chose n’a rien de surprenant. Mais l’idée primitive de purification par enlèvement de souillure est restée quand même, maintenue peut-être par le caractère hygiénique et moral de l’opération : ce qui tendrait à le faire croire, c’est que, de fait, la circoncision ne s’est guère conservée que dans les paj’s intertropicaux, c’est-à-dire là où, à ce double point de vue, elle est le plus utile.

IIL — Après ces explications, il nous sera plus facile d’aborder les questions spéciales qui concernent la circoncision chez les Juifs, les Musulmans et celles des populations chrétiennes ou païennes qui l’ont conservée,

I" Pour les Juifs, la matière se présente maintenant à nous comme très claire et très simple : il suffit de lire la Genèse (Gen. xvii), dont le texte s’éclaire de lui-même à la lumière des données précédentes.

« Lorsque Abram fut arrivé à l’âge de 99 ans, Jehovah

lui apparut et lui dit : Je suis le Dieu tout-puissant ; marche devant ma face et sois irréprochable. Je veux établir mon alliance avec toi, et je te multiplierai à l’infini…’On ne te nommera plus Abram (père élevé), mais Abraham (père d’une multitude), car je te fais père d’une multitude de nations… J’établis mon alliance, une alliance perpétuelle, avec toi et tes descendants après toi. Et toi, tu garderas mon alliance, et tes descendants après toi. Et voici… Tout mâle parmi vous sera circoncis… et ce sera là le signe de l’alliance entre moi et vous. » (Gen. xvii, i-i i.)

Ainsi, Abraham est l’objet d’une élection spéciale en vertu de laquelle il devient le père d’un peuple immense, qui sera le peuple de Dieu. C’est ime bénédiction qui est promise, et une alliance qui est proposée : la circoncision sera le gage de l’une ctlamarqvie extérieure de l’autre. C’est un signe déjà connu, puisqu’il n’est pas autrement décrit, mais, ici, il est relevé et transformé en un rite particulièrement sacré.

Sa signification est aussi claire que nouvelle, aussi haute que précise ; les mâles en seront seuls marqués ; la cérémonie se fera dans la maison paternelle ; elle aura lieu huit jours après la naissance de l’enfant, et c’est à ce moment aussi qu’on lui donnera son nom : tous caractères qui dégagent la circoncision des superstitions ambiantes et lui donnent un sens nouveau.

Cette adoption d’un rite déjà connu, d’ailleurs respectable, et maintenant sanctifié, n’a rien que de très naturel. Plus tard, quand le grand descendant d’Abraham, le Messie, sera né de cette race ainsi marquée, l’alliance avec Dieu, la Nouvelle Alliance, se traduira par un autre signe, et cet autre signe, lui aussi, sera emprunté à ce qu’il y a de plus commun sur la terre, à l’eau. Alors le baptême chrétien, succédant au baptême juif, fera tomber la circoncision, désormais sans signification et sans but : cette chute, le premier concile de Jérusalem la consacrera, et saint Paul ne se donnera pas de repos qu’il n’ait fait adopter cette décision solennelle par ses communautés de Colosses, de Galatie, de Corinthe et de Rome.

Mais pourquoi, demande-t-on, ce rite a-t-il été adopté pour signifier l’alliance entre Dieu et la race d’Abraham ?

C’est cpie, d’abord, il était éminemment sjmbolique, étant destiné à rappeler aux Juifs, d’âge en âge, et pendant toute la vie, qu’ils étaient les enfants d’Al )raliam, que Dieu les avait choisis poiu’garder la vérité, que leur race était piu’ifiée, et que de leur sang devait naître le Messie,

De plus, ils étaient appelés à passer en Egypte et à y séjourner. L’Eternel, qui le savait, les prépare à cette phase longtemps à l’avance, et fait en sorte qu’ils ne soient pas, eux qu’il a faits siens, comme un ol)jet de mépris et de dégoût au milieu d’une population infidèle, pour laquelle tout incirconcis est un impie (avia).

Plus tard, ils se trouveront en contact avec les Philistins et autres « incirconcis », Il était tout aussi important, pour l’intégrité de la mission providentielle à eux confiée, qu’ils se tinssent éloignés des coutumes abominables de ces peuples : la circoncision assurait ce résultat.

La purification extérieure étant le symbole de la destruction du péché, la circoncision, encore, rappelait à l’Israélite, par un signe indélébile, que son Dieu est le Très Saint et que toute impureté lui est odieuse.

Enfin, il est permis de penser que si le caractère hygiénique et moralisateur de cette pratique n’a pas été la raison première et déterminante du précepte qui en fut fait pour Abraham et ses descendants, ce caractère cependant n’a pu que la rendre plus acceptable et contribuer à la maintenir.

2" Conformément aux ordres reçus, le vieux Patriarche, après s’être exécuté lui-même, circoncit son fils Ismaël, alors âgé de 13 ans, et tous les hommes de sa maison. Les descendants d’Ismaël gardèrent fidèlement la tradition, et quand, de longs siècles plus tard, Mohammed parut au milieu d’eux, il la trouva pleinement en vigueur, toujours pratiquée sur les enfants vers ce même âge, et si bien entrée dans les coutumes qu’il ne pensa même pas à l’inscrire dans le Koran. Des Arabes, l’institution a passé à tous les

« fidèles)’comme la première condition de leur adhésion

à l’Islam, Dans l’esprit du nuisulman, elle est essentiellement le signe de la purification (toharà), sans laquelle il est impossible d’avoir des rapports avec Dieu : c’est pourquoi l’incirconcis est pour lui

« l’infidèle », « l’impie », « le kafir ». A son approche, 

on se bouche le nez poui* ne pas être contaminé par ses émanations, on évite de manger avec lui, et si les