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dive, lente et laborieuse. On a souvent parlé de pèlerinages faits par les empereurs à sa tombe. C’est là une erreur historique. Ils s’arrêtèrent parfois devant la tombe du Sage, comme devant les autres curiosités du pays, au cours de voyages qui avaient un tout autre but. Ceux qui travaillèrent délibérément à o-lorifier Confucius lurent, notons-le bien, des empereurs chinois hétérodoxes, ou des conquérants étrangers. Ils honorèrent Confucius, afin de se faire pardonner par les Lettrés, les uns le péché de superstition, les autres le crime d’usurpation. Ils se prosternèrent devant le Maître, pour gagner le cœur des disciples, et par eux celui du peuple. Politique, non dévotion ! … Près de mille ans après sa mort, en 4^2 après J.-C, un empereur taoïste élève au Sage un temple près de sa tombe. En ^j3, un roi tongouse fait duc héréditaire le chef de sa postérité. En 505, un empereur bouddhiste élève au Sage le premier temple ({u’il eut à la capitale. En ôSy. un ministre qui favorisa tous les cultes assigna à l’image de Confucius la place d’honneur dans les écoles. En 665, un empereur, qui pratiqua toutes les superstitions, lui conféra le titre de Maître suprême. En 789, un empereur taoïste lui accorde le titre de roi, et lui fait une cour de ses disciples. En 982, un empereur turc fait graver ses livres jusque là peu répandus, et procure ainsi la diffusion de sa doctrine. En 101 3, un empei-eur taoïste ayant transféré au dieu Pur Auguste le titre alors porté par Confucius, conféra à celui-ci, pai" manière d’indemnité, le nom de Sage parfait^ qu’il ])()rle encore. En lo^S, la robe impériale lui fut concédée, un peu en fraude. En 1807, l’empereur mongol Ou l’exalta, comme jamais personne n’avait fait, lie l’aveu des Lettrés. En 1330, l’empereur mongol Wen anoblit ses ancêtres. Le 6 janvier 1907, en compensation apparente de la modification du système des examens, mesure qui annule pratiquement la caste des Lettrés, le gouvernement mandchou élève le culte de Confucius au rang de culte du premier degré. Si l'édit est appliqué, ce sera la suppression de ce culte dans l’empire, les fonctions des cultes du premier degré étant réserA'ées au seul empereur. — Quant à la signification moderne du culte rendu à Confucius, nous savons à quoi nous en tenir. D’après Tchou-hi l’exégète officiel, l'àme d’un homme s'éteint d’autant plus vile après sa mort, que cet homme avait été plus sage durant sa vie. Or Confucius étant le Sage parfait, il s’ensuit que son àme est retournée dans le néant, il y a de cela plus de 28 siècles, et que le culte qu’on lui rend ne s’adresse qu'à son nom et à sa mémoire, que cet hommage doit glorifier et perpétuer. Des pièces toutes récentes ne laissent aucun doute à ce sujet. Elles montrent aussi combien la Cliine tient à cet hommage extérieur. Dans son Aiao-ou-ki-liao, bref recueil des questions religieuses, publié pour servir de guide aux mandarins peu versés dans cette matière, Tchkou-fou, gouverneur du Chan-tong et depuis vice-roi des deux Koang, expose d’abord au long une consultation du Tribunal des Rits de l’an 1701, adressée à l’empereur K’ang-hi, laquelle porte en toutes lettrcs(chapitre 4, '-i' section, page 12 verso, colonne 2) ces mots : « Xotis vos serviteurs ayant délibéré, sommes d’avis cjue se prosterner devant Confucius, c’est le vénérer comme le maître et le modèle des hommes, ce n’est pas lui demander fortune, talent ou dignités. » Tcheou-fou cite encore une requête au trône du tao-t’ai de Tientsin en 1874 (chapitre 4, i" section, page 9 face, col. 8 et 10), qui porte : « Confucius est le grand Sage de la Chine, que, depuis l’antiquité jusqu'à nos jtmrs, souverains et jjcuple ont vénéré à I’cua i. Le chrétien qui ne reconnaît que Dieu, et qui renie Confucius, en quoi diffère-t-il d’un rebelle ? » Enfin

Tcheou-fou lui-même reprend ainsi ces idées (postface, page 8 rcA-ers, col. 4, et page i revers, col. 5) :

« Depuis l’origine des temps, c’est l’usage en Chine

de se prosterner pour honorer. Ce n’est pas Confucius qui a institué cette manière de saluer. On n’en use pas que pour lui. Ce n’est pas un acte de religion, mais un rit déterminé par le gouvernement. C’est un rit des plus importants, qui oblige tous les officiers et gens du peuple. Quiconque le refuserait, serait réfractaire à la loi. » Les mêmes choses ont été dites aussi clairement que possible, par M. Chex-t’oxg-yen. Parlant aux élèACs du grand collège de Tsientsin, au jour anniversaire de la naissance du Sage, en 1904, cet orateur officiel s’exprima ainsi : « C’est aujourd’hui la fête de Confucius, le grand Sage de notre nation, l’auteur de la doctrine classique. Nous devons l’honorer, mais de quelle manière ? Non pas certes en sollicitant de lui des faveurs, par des prières ou des prostrations. Mais en imitant les exemples que nous a laissés ce parfait modèle des Lettrés. C’est dans ces sentiments que nous allons saluer sa tablette. Elle est pour nous un mémorial ; ce que la croix est pour les Protestants. « (Journal officiel Koanpao, numéro du 12 décembre 1904.) — Voir l’article CmxE. RELiGioxs ET DOCTRINES, V, X ct XI ; et la bibliographie à la fin du dit article.

Léon WiEGER S. J.


CHINOIS (LIVRES). — Il ne faut pas parler de LiTes sacrés de la Chine, aucun livre classique chinois n’exposant une religion. On peut appeler canoniques, les King, ouvrages reconnus par la caste des Lettrés comme contenant leur doctrine, et qui forment le canon dit confucianiste. La formation de ce canon fut lente et laborieuse. Ne furent reconnus d’abord, que deux ouvrages, les Odes et les Annales coUigées par Confucius. Puis on en admit cinq, enfin treize ou plutôt quatorze. Ces livres ne sont pas reconnus et acceptés en entier. Sauf les Odes, presque tous ont été retouchés, interpolés, mutilés, falsifiés. Chaque pièce a son histoire, sa marque, sa cote particulière. Certaines sont rejetées par tous, mais on les laisse en place, le texte étant intangible. Il ne faut donc pas croire qu’on a émis un argument irréfutable, quand on a cité les Annales : car 19 chapitres de cette collection sont notoirement faux. Ainsi des autres livres. C’est là une des grandes difficultés de la sinologie. Aucun index européen, qualifiant individuellcment les textes classiques, n’a été dressé jusqu’ici. — Voici la liste des Livres canoniques. Les renvois 1. c. se rapportent à l’article Chine, religions

ET nOCTRlNES.

1. f-kiug, lesMutations. traité dedivinationbasé SUT les diagrammes ; œuvre de T’chang et Tan de Theou. commentée par Confucius ; 1. c. m. — 2. Che-king, les Odes, chants populaires et rituels des xviii'-viiie siècles avant J.-C. choisis par Confucius. Livre précieux, incomplet, mais authentique, sa forme rytlimée ayant enqx-ché de le falsifier. — 3. Chou-king, les Annales, j)ièces anti « piesdcs xxive-vii'" siècles avant J.-C colligées par (lonfucius, reconstituées de mémoire après la destrmtion des livres. Les 31 j)ièces authentiques sont des documents de la plus haute valeur. Les 19 autres ont été fabriquées au n *= siècle de l'ère chrétienne. — 4- Icheou-li. le Rituel des fonctionnaires, sous la dynastie Tcheou. Inconqilel. interpolé, mais la criticpic a assez bien dt-terminé les textes authenlifpies, lesquels sont importants. — 5. /-//, le Rituel des particuliers, sous la nu’mc dynastie. Intact. Livre très estimé. — 6. /.i-ki, le Mémorial des Rits, compilation faite sous la première dynastie Han. peu avant l'ère chrétienne. Contient de tout, du vrai