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AGNOSTICISME

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menccr une sério qui, elle, est dans le temps, ne soit pas compris : on nous i)rcte l’agnosticisme deMaïmonide. La conclusion de Kant en faveur de la lil)erté, qu’il confond sciemment avec la spontanéité indépendante, est d’ailleurs aussi fausse que les prémisses : il n’v a pas, et il ne peut pas y avoir, dans les causes Unies, de commencement absolument premier. Depuis trois siècles, les bannéziens essayent en vain d’acculer les molinistes à cette absurdité ; et Kant sait bien que les molinistes la rejettent comme leurs adversaires. Telle (prdle est, cette argumentation de Kant se réduit donc à l’affirmation pour le lini d’une absui’dité, sous l’apparence d’une déduction e.r coiicess’s des principes du théisme. On nous prête à la fois un anthropomorphisme et un agnosticisme que nous rejetons également : et on conclut à la contradiction, tout en déduisant soi-même de nos prétendus principes une absmdité. La contradiction réelle et l’absurdité n’est pas entre la thèse et l’antithèse de la 3’antinomie. Au sens où Kant les entend, elles sont contradictoires et absurdes, l’une et l’autre, parce que, ni dans l’une ni dans l’autre, Kant n’a voulu tenir compte du concept de la causalité piu-e : principe d’effet et non d’opération.

Dans la 4*^ antinomie, Kant applique exactement le même procédé. On lit dans l’antithèse : il n’existe aucun être nécessaii’e. « Supposez qu’il y ait hors du nu)nde une cause du monde absolument nécessaire, cette cause étant le premier membre dans la série des causes du changement du monde, commencerait d’abord l’existence de leur série. Mais il faudrait alors qu’elle commençât aussi à agir et sa causalité ferait partie du temps et par là même rentrerait dans l ensemble des phénomènes, c’est-à-dire dans le monde, et par conséquent la cause même ne serait pas hors du nionde, ce qui contredit l’hypothèse » (cité d’après la traduction Tremesaygues et Pacaud, p. /io3 s(iq.). Que la causalité de la première cause lasse partie du temps, cela n’a de sens que si on suppose (ju’elle admet des changements d’état, une détermination à ses elTets du même ordre tpie celle que nous observons en nous ; que si dans l’expression

« commencer à agir « , entendue de la cause

première, on introduit subrepticement les relations temporelles et locales que nous nions avec S. Thomas et Maïmonide. La seconde conséquence ne suit même pas correctement de cette double absurdité qu’on nous prête : quand même, pour que Dieu commençât à agir, il faudrait en lui une nouvelle détermination

— hypothèse depuis longtemps connue dans les écoles sous le noni de Cajetan, — la conséquence que Dieu « rentrerait par là dans l’ensemble des phénomènes » ne suit légitimement que si l’on a recours au principe de Proclus et d’Averroès : non enim videtur passe contingere cjuod aliquod agens nunc incipiat operari cuni prius non operatum fuerit, iiisi forte aliquant exteriori mutatione præsupposita. Kant, introduit ici cette dernière hypothèse, puiscpi’il convient (jne l’argument de son anlithèseetccluidesa thèsene font qu’un. Or quand dans la thèse il essaie de prouver (pu- le passage à une cause absolument nécessaire est illégitime, il n’a rien auti-e chose à donner comme raison (jue ce fait : toutes les causes que nous observons cmpiri(pu’ment siq)posenl quelque changement, ne serait-ce que le cours du temps. Mais ceci revient à dire ([ue Kant dans la f antiiu)mie n’envisage pas la thèse théiste d’un être nécessaire, liors de la durée successive et cause du temps. La /(* antinomie n’est donc comme la troisième (lu’une ignoratio elenclii sublilenu-nt déguisée.

On soutiendra que Kant n’ignore pas mais exclut notre thèse. Réponse. lo Le procédé kantien ne peut pas logiquement aboutir à cette exclusion, puisque

le moyen terme employé (l’acti ité causale est dans la durée) n’est que la simple négation de la thèse théiste. 2° Kant, pour donner une valeur universelle à ce moyen terme, remarque que les causes empiiùquement connues sont dans la diu"ée. Cette obsei’vation est exacte. Mais sviit-il de là que la première cause soit soumise à cette condition ? Oui, répondent S. Thomas et Maïmonide, si l’on s’en tient à l’imagination et si, par un réalisme outré, on suppose, avec Kant, que le temps réel est la continuation physique du temps imaginaire : ce qui amène à donner à l’Intini des relations temporelles et locales. Suit-il de là, comme le c. Kant, (ju’il y ait un saut et un sophisme dans le passage des causes conditionnées à la cause inconditionnée ? Oui, si la condition envisagée est celle du temps et non celle de la connexion ou dépendance causale. Non, si la preuve de l’existence de Dieu par la causalité conclut directement à l’existence de la première cause, c’est-à-dire à celle qui n’est pas ab alio ; d’où l’on A’oit, pai- le principe de raison suffisante, que cette cause est nécessaire, cujus posse esse et esse intrinsecus et extrinsecus re idem sunt. Et ce n’est qu’après ces déductions, d’ailleurs faciles, qu’on peut résoudre cette question métaphysique de la simi :)licité divine et de son éternité. En d’autres ternies, les premes de l’existence de Dieu ne donnent pas explicitement tout ce que nous savons de Dieu. Elles concluent à la première cause, i. e. à laça use qui causalement ne dépend pas, ex eis in hoc perduci possumus ut cognoscanius de Deo, an est ; il reste à chercher ensuite : ea quæ necesse est ei convenire, secundum quod est prima omnium causa excedens omnia sua causata. Summa, I, q. I2, ai"t. 12.

3" a) Les attributs essentiels — vivant, puissant, sachant, voulant — se ramènent, d’après Maïmonide, aux attributs d’action. Les attributs essentiels expriment, dit-il, un rapport comme les attributs d’action ; mais j’ai montré, ajoute-t-il, qu’il ne saurait y avoir aucun rapport entre Dieu et la créatui’e, t. I, p. 21 4, 2Z2, 301. Ce que nous venons d’exposer sur les attributs relatifs suffit à résoudre la dilliculté, en ce qui regarde ces attributs comme ayant poui- objet ce qui n’est pas Dieu, 1, dist. 8, a. i, ad 2. En tant que ces attributs sont absolus, ils rentrent dans ce qui va suivre. Foui" discuter tout ce cjue dit ici Maïmonide, il faudrait écrire un traité sur chacun des attributs, ce qui n’est pas notre sujet. On trouvera les réponses de S. Thomas dans les passages déjà indiqués ou à citer.

b) Ce qui nous intéresse davantage, au point de vue de l’agnosticisme, c’est la seconde raison qu’apporte Maïmonide, pour conclure que nous ne savons rien de la nature intrinsèque de Dieu par les attributs absolus, quels (ju’ils soient. Si l’on admet tpie les attributs essentiels sont quelque chose de réel en Dieu, ils expriment donc une qualité, une manière d’être de Dieu, à laquelle les (jualités créées sont semblables. Mais « la similitude est un certain rapport entre deux choses, et toutes les fois qu’entre deux choses on ne peut admettre aucun rapport, on ne peut non plus se figurer une siniililu(ic entre elles », chap. 56, p. 227. Car le « rapport n’existe nécessairement (ju’cntre deux choses qui sont sous une même espèce prochaine ; mais lors(ju’elles sont seulement sous un même genre, il n’y a jKis de rapport entre elles)>, p. 201. Ainsi il n’y a pas de rapport entre cent coudées et la chaleur du poivre, ni entre la science et la douceur ; et on ne dit pas : telle chaleur est semblable à telle couleur. « Comment alors pourrait-il y avoir un rapport entre Dieu et une chose d’entre ses créatures ? » p. 203. Ainsi donc

« ceux qui croient fpi’il y a des attril>uts essentiels qui

s’appli(iiicnt au Créateur, savoii-, (ju’il a ïexistencc,