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CHINE

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pagodes et de tours. Les bonzes reclus se comptèrent par milliers. Dans le peuple, sur dix familles, neuf étaient bouddhistes ». — En 899, le bonze chinois Fa-hiex alla chercher dans l’Inde les textes authentiques, et revint après quinze années de voyages et d’études. D’autres pèlerins imitèrent son exemple. Tous les livres bouddhistes furent successivement apportés en Chine et traduits en chinois. — En 446, un magasin d’armes ayant été découvert dans une bonzerie, il s’ensuivit pom- le Bouddhisme une éclipse de favem*, qui ne dura que peu d’années. — En 514, il y avait dans la ville de Lao-yang plus de trois mille bonzes étrangers, sans compter les bonzes indigènes ; et, dans la Chine du Nord seulement, plus de treize mille pagodes. La dévotion de la reine Hou augmenta encore cet entrain. En 538, la Chine du Nord comptait trente mille pagodes, et deux millions de bonzes et de bonzesses. — Par la raison des contraires, le Taoïsme était discrédité, persécuté, prohibé parfois sous peine de mort. Les gouvernants avaient lini par se rendre compte des dangers politiques de cette secte incendiaire. Les prophéties des devins taoïstes lançaient les révolutions. Leurs oracles faisaient siu"gir les prétendants et lem* suscitaient des adhérents. En 548, édit de proscription, cfui fit au Taoïsme un très grand mal. A ce propos l’histoire officielle remarque que la vitalité du Taoïsme fut toujours moindre que celle du Bouddhisme ; que le Taoïsme s’est toujours relevé lentement et avec peine des coups qui lui ont été portés, tandis que le Bouddhisme s’est chaque fois redressé plus florissant et plus vivace, au lendemain même de la persécution. La remarque est vraie. Quelle est la raison de ce phénomène ? C’est que le Taoïsme alchimique ne satisfaisait le peuple guère mieux que le Confucianisme dégénéré ; tandis que le Bouddhisme donnait au cœiu’et à la conscience populaire une satisfaction relative. Morale bonne, sanctions justes, charité sincère. Pas de divinité, il est vrai ; mais le peuple s’en fit une, ou d’Indra, le dieu du ciel brahmanique conservé pai* les Bouddhistes, ou du Dieu qui se révèle dans la conscience humaine. Il en appela au Vénérable Maître du ciel, dans ses maux et ses angoisses. Il se consola de l’oppression, en pensant que l’oppresseur l’expierait un jour, comme bœuf ou prêta famélique. Durant les siècles de barbarie de cet âge de fer et de sang, les âmes assoiffées de paix n’en trouvèrent quelque peu que dans les bonzeries. Réunissez ces données ; elles expliquent poiu-quoi le peuple chinois devint bouddhiste alors, et l’est resté depuis… Notons l’anecdote suivante, presque comique : En 555, Kao-yang roi de T’si, une brute célèbre, imagina d’en finir avec le Taoïsme par voie de persuasion. Il réunit en champ clos un nombre égal de bonzçs et de tao-che, et les fît argumenter. Les arbitres ayant déclaré les tao-che vaincus, le roi leur ordonna de couper leur longue chevelure, et de devenir bonzes ras. Ils protestèrent. Le roi fit couper quatre têtes. Les autres préférèrent ne se faire couper que les cheveux. — Dans la Chine du Sud, dans l’empire, le Taoïsme régnait encore en maître au milieu duiv* siècle. En 364, l’empereur Nai devint idiot, pour avoir pris une drogue qui devait le rendre immortel. Mais bientôt le Bouddhisme envahit aussi l’empire. Entravée d’abord, sa marche devint vite ti’iomphale. En 38 1, l’empereur Niao-Ou des Tsin établit dans son palais une communauté de bonzes, avec lesquels il vivait et psalmodiait. En 435, un préfet déclare à l’empereur Wen des Song : « Les statues de Bouddha, ses images, ses temples, ses bonzeries, se comptent maintenant par milliers dans l’empire. Les richesses gaspillées, les dépenses faites pour son culte, ne se calculent plus. Oubliant le ciel et la terre, le peuple ne pense plus qu’à cet honune. » En 52 1,

le bonze hindou Bodhidharma convertit l’empereur Ou des Leang, qui se fit bonze en 52’ ;. Donc, au commencement du vi’siècle, toute la Chine, nord et sud, fut bouddhiste, officiellement. — Et le Confucianisme ? … Oublié ! … Il faudra que la politique rende un jour à ce cadavre une vie factice.

IX. Soei et T’ang. Restauration. Jeu de bascule. — Cette période s’étend de 689 à 960… Le restaurateiu " de l’unité de l’empire, Yang-kien, empereui’Ven des Soei, fut bouddhiste, et hostile au Confucianisme, dont il ferma les écoles en 60 1. Il traita les Lettrés en malfaiteurs, dit l’histoire ofticielle, qui le compare à Che-hoang-ti. Son fils, le fameux empereur Yang, n’eut pas le loisir de se faire une croyance. En tout cas il n’aima pas les Lettrés, lesquels le lui rendirent et souillèrent sa mémoire. — Li-yuen renversa les Soei et fonda les T’ang. Pour lancer cette révolution, il lui fallut un ressort. Il s’adressa au Taoïsme persécuté durant les derniers siècles. Les devins de la secte découvrirent que Li-yuen descendait de Lao-tse. Les Lettrés i-irent, mais Li-yuenréussit. Son fils et successeur Li-che-min s’empressa de prohiber la divination, qui venait de donner l’empire à sa famille. Bon pour soi, pas pour un autre. Rien de plus singulier que le jeu de bascule religieux, sous ce règne et sous les suivants. Politique, pas conviction, évidemment. En 687, Confucius reçoit la place d’honnem" dans les écoles, et la collection des treize classiques, avec les commentaires anciens, est éditée. Les Bouddhistes et les Taoïstes sont mal vus et contenus. Le Mazdéisme est favorisé. Le Nestorianisme reçoit gracieux accueil. Le Mahométisme s’introduit. L’eriipereur T’ai connut nombre de cultes, les patronna tous, et n’en pratiqua aucun. En 666, son fils l’empereur Kao sacrifia au Ciel et à la Terre sur le mont T’ai-chan. Le même visita la patrie de Confucius et celle de Lao-tse, aima également les Confucianistes, les Taoïstes et les Nestoriens. Sa veuve, la fameuse impératrice Ou, choya les Bouddhistes, et accueillit en 694 les Manichéens. Son fils l’empereiu " Joei caressa les Taoïstes… Bien entendu que la vogue populaire suivait, comme pour tout en Chine, ces oscillations de la faveur impériale, causées par la politique le plus souvent, ou par l’influence temporaire d’un imposteiu- habile, d’un mignon chéri, d’une concubine favorite. — L’empereur Hiuen sévit contre les Bouddhistes en 714, sacrifie au Ciel sur le mont T’ai-chan en 725, et qualifie les Manichéens de secte perverse en 732. En 787-739, les classiques confucianistes devinrent sujets du programme des examens : point dedépai’tdu relèvement de la caste des Lettrés ; des écoles sont créées jusque dans les hameaux ; Confucius reçoit le titre et le rang de roi. Puis soudain revirement complet ; l’empereur Hiuen devient dévot Taoïste. En 74 1 sa piété lui valut une apparition de Lao-tse, auquel il offrit des sacrifices solennels. Il parait que les Nestoriens célébraient volontiers leurs offices devant ce saint païen… Notons que, en 740, il y avait dans la ville de T’chang-nan, maintenant Si-nan-fou, 91 pagodes et couvents bouddhistes, 16 temples et couvents taoïstes, 2 églises nestoriennes, 4 temples mazdéens et manichéens. L’empereur Hiuen finit par devenir à peu près fou. Une rébellion le chassa de sa capitale. Elle fut réprimée par son fils l’empereur Sou, au moyen de troupes étrangères, Ouïgours manichéens, Arabes musulmans, qui propagèrent leurs religions en Chine. Personnellement, l’empereur Sou fut taoïste, bouddhiste, nestorien, et le reste, tout à la fois. Son fils l’empereiu- Tai fut franchement bouddhiste. En 768, il dut rapporter la censure de l’an 782 contre le Manichéisme, à la demande de ses alliés les Ouïgours. L’empereur Hien fut aussi