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CHINE

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admira leur œuvre, et y ajouta sa prose… En résumé, deux idées successives tirées au sort, pour conjecturer sur une question donnée. Si la seconde modifie la première en bien, c’est faste, avancez ! Si la mutation est en mal, c’est néfaste, reculez ! Pas plus de mystère que dans le jeu de l’oie. — Durant la même période, l’astrologie officielle se développa aussi considérablement. Aucune décision importante ne se prenait, sans avoir auparavant demandé aux sorts la voie du Ciel… La mentalité chinoise est ainsi faite : hésitation a^ant, résignation après. Plutôt que de se tourmenter, on jette les sorts. Ensuite, le gouvernement se repose, le peuple s’apaise. Si tout va mal, c’est que cela devait être ; tout ira bien, une autre fois. — Du reste, pendant toute cette période, les textes des Odes et des Annales, relatifs au Ciel et au Sulîlime Souverain, textes nombreux et clairs, montrent que, sur ce point, la croyance de ces quatre siècles fut la même que celle des siècles précédents. Même constatation pour ce qui est des cultes secondaires rendus aux êtres transcendants. Même constatation pour ce qui concerne le culte des mânes. Cependant dans le rituel Tcheou-Ii de la dynastie, apparaissent des nouveautés, pas substantielles, mais importantes, à cause des suites qu’elles eurent… Quelles furent les causes de ces innovations ? Les critiques chinois en énoncent deux : l’ambition séparatiste de certains feudataires ; la contamination des Chinois par les aborigènes, dont l’absorption commença durant cette période. J’en ajoute une troisième : l’importation probable d’idées hindoues… Omettons les points de moindre importance, pour ne nous attacher qu’aux deux principaux, (7/// <jr Souverains et Sorcellerie.

Les Lettrés affirment unanimement, que les Cinq Souverains ne sont pas des souverains autres que le Sublime Souverain, le Souverain universel. « Alors que sur la terre il ne saurait y avoir deux empereurs, comment au ciel y aurait-il six souverains ? » Les Chinois comptent cinq éléments, et cinq régions de l’espace, nord, sud, est, ouest, centre. Les Cinq Souverains sont, pour eux, le Sublime Souverain agissant par les cinq éléments, dans les cinq régions de l’espace. Nous dirions qu’ils sont sa quintuple action. « L’homme, qui est un, agit par sesquatre membres. Le Sublime Souverain, qui est un, agit par les cinq éléments dans les cinq régions. Quand on considère son immensité, on l’appelle Sublime. Parce qu’il habite le ciel, on l’appelle Azuré. Quant à son être, on l’appelle Ciel. Quant à son pouvoir, on l’appelle Souverain. Les Cinq Souverains sont sa quintuple manifestation. Ce ne sont pas cinq chen dist incts, ses ministres, comme certains l’ont imaginé. » Les certains anonymes visés dans ce texte, sont divers imposteurs dont le premier fut Sin-yuen-p’ing (165 avant J.-C), qui personnifièrent les Cinq Souverains, les peignirent de la couleur des cinq éléments et des cinq régions, et leur donnèrent des attributs absolument identiques à ceux des Tchatiir Maharadjas, rois des quatre éléments et régions, du Brahmanisme et du Bouddhisme. Il en fallut cinq en Chine, le système chinois étant quinaire… Aucun doute n’est possible sur les interprétations données ci-dessus. La question a été traitée magistralement par les Lettrés les plus célèbres, K’oang-heng en Sa avant J.-C, Wang-sou en 266 après J.-C, etc. Si elle fut souvent reprise, ce n’est pas qu’elle fût obscure ; c’est que, à toutes les époques, les Taoïstes firent rage pour arriA’er à loger leurs chen dans le ciel des Lettrés, sous le couvert des Cinq Souverains. Finalement, en l’an 1067, l’empereur Chcn-tsoung des Song trancha la question par l’édit suivant : ’< Le rituel Tcheou-li se sert des trois termes, Splendide Ciel, Sublime Sou verain, Cinq Souverains. Ces dénominations diverses désignent toutes un seul et même Souverain. » Cette décision impériale ayant été insérée au rituel olQciel, depuis lors il n’a plus été question des Cinq Souverains. .. Bien avant les tentatives des Taoïstes, des princes avaient rendu un culte à l’un ou à l’autre des Cinq Souverains. Mais la nature de ces faits est très ditférenle. Les entreprises des Taoïstes furent hérétiques, celles des princes ne furent que schismatiques. Les Taoïstes voulurent faire de nouveaux dieux, les princes tirèrent à eux celui de l’empire. L’empereur seul avait le droit de sacrifier au Sublime Souverain. En’j^o avant J.-C, le comte Siang de T’sin, pratiquement rebelle, se donna son culte à lui. N’osant tout de même pas s’approprier le Sublime Souverain, ce qui aurait excité l’animosité universelle, il éleva un tertre au Souverain Blanc, c’est-à-dire au Sublime Souverain en tant que protecteur de l’Ouest, région dans laquelle se trouvaient ses domaines, et dont la couleur est le blanc dans le système quinaire chinois. Le culte séparatiste rendu plus tard par d’autres princes à d’autres Souverains, eut la même origine.

Pour ce qui est de la sorcellerie, qui s’introduisit, se répandit, et acquit même une situation olhcielle durant la jjériode qui nous occupe, les Lettrés aflirment unanimement que les Chinois l’acceptèrent des aborigènes absorbés par eux. Il est probable qu’ils reçurent aussi, médiatement ou immédiatement, des superstitions venues de l’Inde. Ainsi la théorie des éclipses, les pratiques pour délivrer le soleil ou la lune, sont si absolument identiques dans l’Inde et la Chine à cette époque ; le génie noir des Chinois est si incontestablement le Rahu des Brahmanes, qu’il est impossible de ne pas penser à une communication, à un emprunt… Les sorciers et sorcières étaient considérés comme possédés par un chen. Ils devaient obtenir la pluie en cas de sécheresse, conjurer les calamités, préserver des microbes, guérir les maladies, expulser les lutins malfaisants qui font leur première apparition à cette époque. Pour ces diverses opérations, ils se servaient de tambours, de verges et de balais, de formules et de gestes tout à fait semblables aux tantras et aux mudras de l’Inde.

IV. Sous les Tcheou, adultérations. — Cette ])ériode s’étend du ïx° au vi’siècle avant J.-C. Les textes sont nombreux et explicites. Certains traits des notions primitives s’accentuent, d’autres s’altèrent. — La notion primitive de l’Etre supérieur, du Sublime Souverain, reste ce qu’elle était, s’accentue même, sans dégradation. Il devient de plus en plus personnel. Il règne, gouverne, récompense et châtie. Il apparaît en songe. Les opprimés lui portent plainte. Il fait droit à leiu-s requêtes et leur rend justice. On ne le trompe pas. Nul n’échappe à sa vindicte. Il bénit et exalte les hommes de bien. — La notion primitive des êtres transcendants se précise aussi, mais se dégrade. La distinction des chen et des Ai s’efface. Les k’i sont oubliés. Les chen sont des défunts illustres et puissants. Ils bénissent ou maudissent comme jadis. Mais ils mangent, tandis que les chen anciens ne mangeaient pas. Ils revêtent des formes animales. Leur catégorie s’élargit, poiu* recevoir des êtres malfaisants d’origine hétérodoxe, ondins, dryades, et autres qui ressemblent singulièrement aux nagas et aux prêtas indiens. — La notion primitive des mêmes se précise aussi, mais s’altère. La survivance est crue plus fort que jamais. De rares incrédules qui se demandent si les défunts sont doués de connaissance, sont blâmés. Les ancêtres bénissent, maudissent ; les défunts apparaissent, avertissent. Mais eux aussi ont, à cette époque, appris à manger ; si bien même que, si on ne les nourrit pas, ils souffrent de la faim, volent les