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AGNOSTICISME

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tant qu’il est souverain », p. 158. — Réponse. Il s’agit là de la connaissance par dénominations extrinsèques et par pures périphrases ; ces noms de Dieu sont bien, comme le veut Maïmonide, « dérivés de ses actions » ; nous sommes d’accord : ces noms par eux-mêmes ne nous apprennent rien de l’essence divine, que cependant ils désignent ; et ils se ramènent à des termes figurés. Voir supra, V, 2. — Mais le théologien juif ajoute : « C’est là ce qui est arrivé dans /o ; s les livres tles prophètes et de la Loi, lorsqu’il s’agissait de connaître Dieu fl, p. 158. Reprenant la même idée, pour arriver à la même conclusion. M. Tyrrell dit aussi que tous les énoncés prophétiques sont en termes ligures, Scxlla, ch. Révélation, initie. — Réponse de S. Thomas : i Non, tous les noms de Dieu ne sont pas métaplioriques, mais, comme le dit S. Ambroise : siint quædam nomina qiiæ e^’identer proprietutem dii’initatis ostenduut (Sitmtna, I, quæst. 13, art. 3). 2’^ Maïmonide commet perpétuellement un double sophisme : a) en supposant sans preuves que les termes figurés n’ont pas d’autre sens que les pures négations, comme incorporel, de pot., q. g, art. 7, ad 2 et 6 ; h) en prenant pour accordé que les termes figurés, comme la colère, n’expriment pas au fond quelque chose d’intrinsèque à Dieu : ainsi la colère se dit de Dieu non coinpetenter I, dist. 35, quæst. i, art. I, ad 2), mais la justice est en Dieu. Sunima, 1, q. 21, a. I, ad 4- ^1- Tyrrell se réclame de S. Thomas ; ces réponses du grand docteur, écho fidèle de la tradition, démolissent à elles seules toutes les théories de M. Tyrrell siu" la Révélation et la Foi.

2° Après avoir, comme Avicenne, indiiment ramené tous les noms divins à n’être que des attributs relatifs, Maimonide cherche à prouver que les attributs relatifs ne peuvent rien nous apprendre de la nature intrinsèque de Dieu : en d’autres termes nous ne pouvons pas légitimement passer du sens relatif, de fait et sjmbolique, au sens absolu, de droit et objectif. La question ainsi posée touclie aux plus dilTiciles problèmes de la théodicée et de la théologie : ceux qui concernent la nature de l’acte libre en Dieu. Voici le procédé de Maïnujnide : les attributs négatifs d’éternité et d’immensité ne signifient en Dieu aucune relation temporelle ou locale ; donc il en faut dire autant des attributs d’action. Pour conclure au srnibol (>-/idéisnie. équivalent adouci de l’agnosticisme croyant, Lobstein, Etudes sur la doctrine chrétienne de Dieu, Paris, 1907, raisonne sur l’éternité et la toute-présence d’après l’analyse du temps et de l’espace de Kant ; appliquant le même procédé à la science, à la puissance et à la personnalité de Dieu, il aboutit comme Maïmonide, bien qu’il essaie de sauver la personnalité, sans logiquement y réussir. Ce résultat n’a rien d’étonnant, car la troisième et la quatrième antinomie de Kant ne sont, nous le verrons, que la reprise du procédé du Guide des égarés. avec une confusion que ne commet pas l’auteur juif. Enfin, tous ceux qui, après Hume, Kant et Spencer, nous répètent (jne « notre i<lée de cause, transportée à Dieu, perd toute signification >>, que nous ne sommes pas « sûrs du contenu métaphysicpie de l’idée de cause entendue d’une cause i)remière » (Salkillks, La foi et la raison, trad. de Newnuin, Paris, iijoô, p. XXVI) ; ou avec M. Le Roy, <pie pour applicpier à Dieu la notion de paternité à notre égard & il ne faut garder à peu près rien de ce qui la constitue propreuu’ut dans le mon<le de notre expérience « (Dogme, p. 71) ; tous ceux-là. sans peut-être le connaître, pensent comme Maïmonide.

Nous conqirenons leur difliculté. aucun problème n’ayant été plus agité en tiiéologie fine celui qui les préoccupe : on compte jusipi’à seize essais de solution, qui se ramènent à quatre types. Kant dans ses anti nomies n’en connaît ou n’en rapporte que deux, et d’une façon inexacte, ce qui lui permet 1° de les opposer ; 2° de conclure à l’absurde. Suarez, sur les traces de S. Thomas, a donné la solution communément admise aujourd’hui, Disp. metaph., 30, seet. 9, et à laquelle se sont peu à peu ralliés les thomistes depuis les Salmaxticexses et Godoy, — voir la raison dans Vasquez, édit. Vives, Paris, 1906, t. I, p. 535, net. edit. Cependant le même Suarez en écrivtiit : difficultas numquani satis a theologis exaggerata vel declarata oh suani obscurifateni ; opusc. 4, de libert., disp. i, sect. 2, n. 24. édit. Vives, t. XI, p. 408. Mais S. Thomas n’a pas de peine à montrer à Maïmonide qu’il raisonne mal. Maïmonide, de ce que Dieu n’est pas un corps, conclut, et à bon droit, qu’il n’a pas de relation temporelle ou locale ; mais il est inférieur à son sujet, puisqu’il omet de considérer i( l’action ». In hoc autem déficit multipliciter Rabhy quod voluit probare* quod non esset relatio inier Deuni et creaturam ; de pot., quæst. 7, art. 10. Cf. Cont. gent., Il, cap. 6-1 4, avec le commentaire de Ferrariexsis. in cap. 9. Il est malheureusement impossible d’entrer ici dans les profondeurs de la réponse de S. Thomas : nous nous contenterons de la signaler et d’en indiquer brièvement le sens général.

On nous demande qu’avant de nous servir du principe de causalité, pour en déduire l’existence de Dieu, nous soyons sûrs avant tout du contenu métaphysique de l’idée de cause, entendue d’une cause première. On poiu-rait ici répondre 1° que si on n’admettait aucun théorème de la géométrie avant d’avoir épuisé la notion du quantum euclidien contenue dans le fameux postulat, nous n’aurions encore aucun moyen de mesurer nos champs ; 2" que l’idée de cause, entendue de la cause première, n’interAÎent en aucune façon dans les prémisses des preuves de l’existence de Dieu : on peut donc poser ces prémisses sans avoir satisfait aux exigences de M. Tyrrell et de ceux qui s’inspirent de ses doctrines. L’idée de cause, entendue d’une cause première, se trouve dans la conclusion, où elle est à sa place. 3" Mais on peut satisfaire à ces exigences et déterminer le contenu métaphysique de la dite notion entendue de la cause première : c’est précisément, dans une terminologie qui n’est plus la nôtre, mais qui est fort précise, ce que fait S. Thomas pour Maïmonide.

Hamilton et Mansel sont les deux agnostiques modernes qui ont le plus insisté sur la répugnance de la cavisalité de l’Absolu, et Spencer n’a fait que les répéter. Premiers principes, ^ 12 sqcj., p. 31 ; Hamilton, Discussions on philosophv and literature. p. 40 ; Maxsel, The limits of religions thought. p. 77 sqq. Leurs arguments se réduisent à ces deux points : i" La causalité impliciue une relation ; mais l’Absolu est, par définition, ce qui est hors de toute relation. 2° La causalité implique un changement, passage de l’inaction à l’activité ; et cette détermination à une activité déterminée ne va pas sans dépendance. Cf. le théologien protestant IIodge. Systematic theology. London. 1871. t. I, p. 348, qui réfute bien ces deux agnostiques ; lioEDDER, Theologia naturalis, Friburgi, 1890, append. 2. Il est très vrai, répond Suarez, a) que nous ne pouvons pas concevoir la causalité libre de Dieu, sans concevoir un changement en dehors de lui, un terme différent « le lui : il en est ici comme de la connaissance divine, que nous ne pouvons pas concevoir, sans penser à une distinction de l’objet et du sujet, h) De même, nous ne pouvons pas penser à l’action libre de Dieu au dehors, sans concevoir un additum en lui. Mais nous savons très l)ien que Dieu est un pouvoir causal indépendamment des termes