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CATACOMBES

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chrétiens ne cessèrent pas tout à fait de tenir des assemblées liturgiques dans les grands cimetières confisqués, ou même d’y déposer leurs morts : ils parvenaient à s’y introduire par des entrées secrètes, ordinairement par des arénaires mis en communication avec les galeries : on a trouvé dans le cimetière de Calliste une inscription funéraire portant la date de 30~, c’est-à-dire d’une année où il était encore sous la main du fisc.

Cependant, l’Eglise de Rome avait recouvré la paix dès 30C), sous Maxence, alors que la persécution sévissait encore en Orient. Mais les biens confisqués ne furent pas rendus tout de suite. En attendant cette restitution, Marcel pourvut de son mieux au rétablissement de l’administration ecclésiastique : « Il organisa, dit le Liber pontificalis, les A’ingt-cinq titres que renfermait la ville de Rome en autant de paroisses pour la réception par le baptême et la pénitence des multitudes qui se convertissaient à la foi. et pour la sépulture des martyrs. » Ces paroles indiquent la relation désormais établie entre les titres ou paroisses et les cimetières. En 310 seulement, ceux des cimetières qui avaient été saisis par le fisc furent rendus. Un document cité par saint Augustin dit que

« le pape Miltiade députa au préfet de la ville des

diacres porteurs de lettres du préfet du prétoire, les autorisant à recouvrer les biens confisqués pendant la persécution >. Après en avoir repris possession, Miltiade transporta dans le cimetière de Calliste le corps de son prédécesseur Eusèbe, mort en exil, et le déposa dans une des plus vastes chambres de cette catacombe. La prudence ne permettait pas encore de déterrer le caveau ordinaire des papes et les galeries qui y menaient.

La paix fut tout à fait consolidée après la Aictoire de Constantin sur Maxence. Un premier édit, qu’il publia en novembre 3 12, à Rome, conjointement avec Licinius, permit aux chrétiens de tenir leurs assemblées ordinaires, de faire tous les autres exercices de leur religion et de bâtir des églises. Un second édit des mêmes empereurs, promulgué l’année suivante à Milan, proclama une entière liberté de conscience et mit le christianisme sur le pied d’égalité avec tous les autres cultes ; il ajoutait que tous ceux <iui avaient acheté du fisc ou reçu en don des lieux destinés aux assemblées des fidèles ou appai-tenant en quelque manière « au corps des chrétiens, c’est-à-dire aux Eglises, et non à de simples particuliers

« , les restitueraient immédiatement et s’adresseraient

au fisc seul pour être indemnisés. Le triomphe politique du christianisme est désormais certain. Miltiade, le premier pape qui ait habité le palais de Latran, est aussi le dernier qui ait été enterré dans une chambre du cimetière de Calliste.

A partir de cette époque, les sépultures deviennent plus rares dans les catacombes, et plus nombreuses dans les basiliques ou dans les cimetières extérieurs. On continue cependant à creuser, pendant les règnes de Constantin et de ses fils, des galeries souterraines ou même des catacombes entières. Le premier étage du cimetière de Sainte-Sotère date de ce temps. Le vaste cimetière de Balbine, d’un développement architectural plus régulier et plus grandiose que tout ce qu’avait offert jusqu’à ce jour Rome souterraine, fut créé sous un champ de roses (fundiis rosariiis), donné par Constantin au pape saint Marc. Les inscriptions à dates consulaires indiquent approximativement les proportions réciproques qui s’établissent peu à peu entre les deux modes de sépulture. De 338 à 360, les deux tiers des inhumations se font encore sous terre. C’est le moment où l’on commence, dans le cimetière de Calliste, la construction de la vaste région dite libérienne, remanjuable par l’ampleur de

ses cryptes, la largeur de ses luminaires, le grand nombre des arcosolia. De 364 à 369, les sépultures à la surface du sol deviennent aussi nombreuses que les sépultures souterraines. Cependant, en 870 et 871, la proportion change : la presque totalité des épitaphes appartenant à ces deux années provient de tombeaux souterrains. Les grands travaux faits par le pape saint Damase dans les catacombes ont renouvelé la dévotion pour les tombeaux des martyrs, en ont facilité l’accès et ont ravivé chez les fidèles le désir de reposer dans leur voisinage.

A la fin du iv’siècle, les catacombes sont devenues des lieux de pèlerinage. Quelquefois les cryptes célèbres ont été transformées, comme à Sainte-Agnès, à Saint-Laurent, à Sainte-Domitille, en vastes basiliques semi-souterraines : à Sainte-Agnès, la construction ne se fit pas aux dépens de galeries préexistantes ; mais il en fut autrement à Saint-Laurent et à Domitille. Ces transformations ruineuses eurent lieu avant et après saint Damase ; jamais elles ne furent l’œuvre de ce pontife, respectueux jusqu’au scrupule de l’intégrité des catacombes. Il se contenta de décorer d’épitaphes, d’inscriptions en vers, de marbres, de peintures, et même d’orfèvrerie, les chambres où reposaient les saints : par ses soins, des escaliers spacieux y descendirent, de larges vestibules ou des corridors agrandis livrèrent passage à la foule des visiteurs, empressés de graver leurs noms ou leurs pieuses invocations sur le stuc des murailles. Souvent des basiliques furent bâties au-dessus, et les pèlerins, après une station au tombeau, y remontaient pour assister au divin sacrifice. Le poète Prudence, qui visita Rome dans les dernières années du iv’siècle, a tracé le tableau vivant et pittoresque du pèlerinage qui se rendait, le 13 août, à la crypte de Saint-Hippolyte, sur la voie Tiburtine :

« L’impériale cité vomit la foule comme un torrent, 

plébéiens et patriciens cheminent confondus vers le sanctuaire où leur foi les pousse. Des portes d’Albe sortent aussi de longues processions qui se déroulent en blanches lignes dans la campagne. Toutes les routes qui avoisinent Rome retentissent de bruits confus. L’habitant des Abruzzes, le paysan de l’Etrurie viennent, le Samnite, le citoyen de la superbe Capoue et celui de Noie sont là. Hommes, femmes, enfants, se hâtent gaiement vers le terme. Les vastes plaines suffisent à peine à contenir ces joyeuses foules, et même là où l’espace semble sans bornes, leur marche se trouve retardée. Sans doute la caverne vers laquelle elles se dirigent, si large que soit son entrée, est trop étroite pour leur donner passage ; mais près d’elle est un autre temple, enrichi par une royale magnificence, que les pèlerins peuvent visiter. »

Les sentiments que traduisaient avec tant d’éclat ces grandes manifestations portèrent beaucoup de chrétiens à préparer pour eux-mêmes ou pour leurs proches un tombeau voisin du sépulcre de quelque martyr. Ils espéraient par là, comme le dit saint Ambroise dans l’épitaphe de son frère Uranius, honorer le défunt et lui assurer une part dans les mérites du saint près duquel ils le déposaient. A cette époque, on se faisait enterrer par dévotion dans les catacombes, comme plus tard dans les églises. Cependant des abus ne tardèrent pas à se faire sentir. A la fin du ive siècle, les tombes souterraines paraissent avoir cessé d’être creusées aux frais de l’Eglise : elles devinrent l’entreprise privée des terrassiers ou fossores attachés au service des catacombes ; ceux-ci concédèrent désormais les sépultures à prix d’argent, et à leur profit. Plus d’une fois, une piété indiscrète obtint de leur trop facile conq)laisance l’excavation d’une niche sépulcrale tout contre le tombeau d’un martjr et amena ainsi la destruction totale ou par-