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AGNOSTICISME

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les pierres, qu’il n’est j^as connue les brutes ; chap. 58, p. 244- ^) Celui qui y rc-nécliira — mais c’est une doctrine ésotérique — conqirendra que, si tel est le sens de ces noms, tout revient à dire que nous n’avons aucune connaissance de l’essence divine et que les idées que nous avons de Dieu sont purement subjectives : « nous disons de ce quelque chose qu’il existe, c’est-à-ilire que sa non-existence est inadmissible », p. 243. 6"^ Deux remarques conlirment la doctrine : a) Cette interprétation des noms de Dieu est la seule qui se concilie avec la sinqilicité divine : cela suit de la distinction de l’essence, de l’existence et de l’unité : car parler de l’existence, de Vunité, de Dieu au sens positif serait le faire composé, puisque l’existence et l’unité dont les choses qui ont une cause nous donnent la notion, sont distinctes de l’essence ; chap. 5^. intitulé « plus profond que ce qui précède ». 0) Les docteurs sont unanimes à dire que nous ne « saisissons de lui autre chose, sinon qu’il est, mais non pas ce qu’il est » ; chap. 58, intitulé a plus profond que ce cpii précède », p. 241. 7" Mais si

« pour lui le silence est la louange », au sens négatif

indiqué par les docteurs, p. 253, à quoi servent et que valent les noms donnés à Dieu dans l’Ecriture ? a) Ils ont un usage normatif et régulatif, soit dans l’Ecriture, soit dans le livre de la prière (Haniilton, Mansel. Tyrrell), p. 255. b) Ils ont aussi une valeur pragmatique et morale, puisqu’ils nous apprennent comment en tout nous devons agir : nous devons rendre nos actions semblables aux siennes, p. 224 (Hampden, Le Roy, Tyrrell).

La méthode que suit S. Thomas dans la Somme pour réfuter Maïmonide est des plus instructives pour l’apologiste. Il va d’un pas au cœur de la dilUculté, la résout par des principes simples et évidents, puis reprend en détail l’argumentation de son adversaire. Il connnence par concéder ce que nous avons rapporté et expliqué plus haut : les noms négatifs et relatifs ne sig-nitient pas directement la substance divine, Summa, I, q. 13, art. 2, cf. art. ; , ad 1. Cette concession faite, S. Thomas ne s’arrête pas à faire remarquer que, par les termes figurés de l’Ecriture, c’est bien Dieu véritablement que nous désignons ; que ces termes sont très utiles pour les simples et aussi pour les doctes : sapientibus et insipientibus debitor sum, Summa, I, q. i, art. g ; I, dist. 34. q. 3, art. i ; de pot., q. 9, art. 3 ; que de ces termes pris au sens relatif nous pouvons passer et passons de fait au sens absolu, comme il arrive pour les attributs d’action et pour les attributs négatifs. A quoi bon toutes ces remar(pies ? Le sens absolu, c’est ce que nie Maïmonide : S. Thomas connnence par l’établir. Il ne perd pas son temps à discuter de l’univocité ou de l’analogie avec un adversaire qui nie que les attributs soient en Dieu : on ne peut discuter si les perfections sont univoqucs ou analogues en Dieu et dans les créatures, (ju’après qu’on est convenu que ces iierfections sont en Dieu. De même S. Thomas ne dit pas un mot de l’usage régulatif et pragmatique des formules religieuses : qu’elles aient ce but et cet usage, c’est évident ; et que, de cet usage, on puisse, d’une manière réflexe, remonter à Dieu, la chose n’est pas douteuse, puisque cet usage même fait, comme tout le restei partie du per eu quæ facta sunl ; mais prendre là (piestion par ce biais, c’est laisser à l’adversaire le moyen de se dérober à l’inlini. En elFet, puisqu’il admet l’existence de Dieu, il lui restera toujours l’échappatoire de dire qu’il concède quelque chose <rol)jeclif, et que la réalité sous-jacente des formules dogmali(iues u contient (sous une forme ou sous une autre) de quoi justilier, comme raisonnalde et salutaire, la conduite prescrite ». Le Roy, Dogme, p. 25. Ces réponses ne sont que la réplique de la thèse

fondamentale du système : « Nous ne connaissons Dieu que par dénominations extrinsèques, sans pouvoir jamais porter de jugement déterminé et valable sur sa nature intrinsèque. » C’est donc cette thèse qu’il faut d’abord attaquer.

Aussi S. Thomas néglige-t-il, au moins pour commencer, tous ces débats adventices. Il prend les conclusions de Maïmonide, rapportées n. 4 et 5, dans le sens de leur auteur — ce que ne font pas toujours les mystiques médiévaux qui citent notre rabbin en leur faveur — ; et sa réponse se réduit à deux remarques d’une force invincible : i" Le système de Maïmonide est contre la pensée intime des chrétiens : voilà l’argument théologique, et il est de première valeur. 2° Le principe de raison suflisante (.S. Thomas suppose connue Maïmonide que l’existence de Dieu a été démontrée par le principe de causalité) exige que les perfections créées aient en Dieu leur fondement. C’est toute l’argumentation de S. Thomas, Summa, I, q. 13, art. 2. Maïmonide soutenait que la prétendue connaissance de Dieu par des attributs allirmatifs

« élimine de la croyance l’existence de Dieu », 

t.I, p. 203. M. Le Roy va moins loin, et à travers tout son ouvrage Dogme et critique il se contente de prétendre que la même connaissance n’est qu’agnosticisme ou anthropomorphisme. S. Thomas, au contraire, conclut de son argumentation que nous avons de Dieu une connaissance imparfaite, il est Arai, mais objectivement valable et portant sur la nature divine en soi. Il donne ensuite une explication dialectique (les trois voies) et psychologique (connaissance par abstraction) de la connaissance intellectuelle que nous avons de la substance divine : les trois voies écartent tout danger d’anthropomorphisme, puisqu’elles sont le fondement de l’analogie logique, admise par toute l’Ecole, sans en excepter — quoi qu’on en ait dit — les scotistes ; la connaissance par abstraction écarte l’agnosticisme, puisqu’elle est la solution du problème de la représentation intellectuelle de l’être immatériel. Contre les réclamations de certains modernistes, l’tipologiste observera que, à supposer que cette explication dialectique, logique et psychologique de la connaissance que nous avons de Dieu, soit fausse — ce que je n’admets en aucune façon, car je la crois vraie en elle-même et l’Ecole tout entière l’a admise, — l’agnosticisme n’y gagnerait rien, et l’argumentation de S. Thomas contre Maïmonide subsisterait en entier. En effet, l’argument théologique, tiré du sentiment des chrétiens, est indépendant de toute théorie sur l’origine des idées ; et l’argumentation philosophique, basée sur les principes lie causalité et de raison suflisante, ne paraîtra jamais faible qu’à ceux qui mettent les vues systématiques au-dessus du bon sens. Dès que S. Thomas a sa conclusion : « Les attributs absolus signiiient la réalité intrinsèque à Dieu », il passe à la discussion, non plus des conclusions, mais bien des arguments de Maïmonide. Suivons-le en les reprenant dansfordremême oùnous les avons rapportés et sous les mêmes indications numériques et littérales.

1° Maïmonide constate « qu’il y a une grande différence entre amener quelqu’un à la sim])le notion de l’existence d’une chose, et approfondir son essence et sa substance. En effet, on peut dii-iger les esprits vers l’existence d’une chose, même au moyen de ses accidents et de ses actions, ou bien même au moyen de rapports très éloignés qui existeraient entre cette chose et d’autres » ; ch. 4^, p. 15^. Si je désigne un roi en disant : c’est celui qui a bâti cette muraille, consti’uit ce jjont, c’est celui que les voleurs craignent et qui ainsi est la cause du bon ordre de la cité ; Cl dans ces exemples, il n’y a rien qui indique l’essence du souverain et sa Aérilable substance en