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BARTHELEMY (LA SAINT)

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mesiu-e de salut public. Le Roi est affolé par la terril )le nouvelle ; cependant il résiste d’abord au projet meurtrier. Mais l’imminence du scandale et du péril, la crainte de nouveaux troubles, la pression de sa mère, de son frère, de ses conseillers, lui arrachent enfin les commandements nécessaires au massacre. Les préparatifs occupent le reste de la nuit.

Le 24 août 1572, dès la première heure, l’amiral de Coligny est assassiné par les gens du duc de Guise ; les seigneurs protestants, logés au Louvre, sont poussés dans la cour du château et tués par les soldats. Méthodiqueuient, les exécutions s’opèrent dans tous les quai’tiers. La plupart des chefs huguenots sont égorgés dans leur lit. On signale, au nombre des Tictimes. La Rochefoucauld, Soubise, Renel, Quercy, Téligny. Pendant ce temps, la cloché du Palais sonne le tocsin. Bientôt les meurtres se multiplient, car la populace y prend spontanément un rôle. L’exemple des soldats de la Cour a vite fait d’exciter à son paroxysme la haine habituelle des Pai’isiens contre les hérétiques : haine que les huguenots ont encore fait grandir par leurs bravades et menaces publiques des jours précédents. Il ne s’agit plus, dès lors, de massacrer uniquement les seigneurs et chefs du parti, selon l’ordre du Roi : mais c’est le massacre de tous les huguenots de toute catégorie, que l’on peut reconnaître et atteindre.

On les tue à coups d’arquebuse, à coups de piciue, à coups de poignard. Des vengeances privées se mettent de la partie, et certains catholiques sont massacrés pêle-mêle avec les protestants. Soldats et gens de la lie du peuple ajoutent le pillage à l’assassinat. Charles IX demeure impuissant à faire cesser les violences, comme l’en adjurent les autorités municipales. Il y a encore des meurtres pendant les journées qui suivent le 24 août. Paris compte environ deux mille victimes.

La circulaire, expédiée par la Cour dès le 2^ août, présente les désordres comme le résultat d’un conflit entre les partisans de l’amiral de Coligny et les partisans du duc de Guise. Mais, le 26, au Parlement, Charles IX revendique pour lui-même la responsabilité du drame, en déclarant qu’il a été contraint de prévenir par un acte de justice sommaire l’attentat que complotaient les huguenots contre le gouvernement et la famille royale. Bientôt, un arrêt du Parlement condamne Coligny mort et deux de ses amis encore vivants, comme criminels de lèse-majesté. C’est le triomphe de Catherine de Médicis. Lorsque ees nouvelles parviennent en province, l’exemple de Paris produit des résultats contagieux. Certains gouverneurs s’opposent énergiquement aux tueries, mais d’autres se montrent hésitants, et les huguenots sont massacrés par centaines à Lyon, Bordeaux, Toulouse, Orléans, Meaux, Troyes, Rouen, ailleurs encore. Ce sont des actes de fanatisme populaire, de la part des catholiques, analogues aux actes de fanatisme déjà commis en divers endroits par les huguenots : tel avait été, à Nîmes, en 156^, contre les catholiques, le massacre appelé : la Michelade.

Nous pouvons donc tirer les conclusions suivantes au sujet du vrai caractère de la Saint-Barthélémy.

a) L’exécution générale des huguenots de tout rang a été un acte spontané de violence populaire, comme l’histoire des guerres de religion en offre trop d’exemples : mais plus grave et plus sanglant que tout autre, par suite des circonstances.

^) Le meurtre des chefs du parti protestant a été un coup de politique italienne, improvisé par Catherine de Médicis et son entourage, afin de conjurer le péril qu’a causé l’échec de l’attentat commis, le 22 août, contre l’amiral de Coligny.

y) La Saint-Barthélémy n’ayant pas été préméditée,

les motifs de Catherine ayant été uniquement personnels et politiques, on doit reconnaître que l’Eglise catholique est tout à fait innocente de la préparation du massacre.

20) L’Eglise catholique et la glorification du massacre. — A Paris, le clergé catholique célèbre une cérémonie solennelle, avec messe et procession, en actions de grâces de la Saint-Barthélémy (28 août).

A Rome, Grégoire XIII prononce une allocution consistoriale pour glorifier ce même événement. Il fait chanter ensuite le Te Deum à Sainte-Marie-Majeure (5 septembre). Trois jours après, le Saint-Père, entouré des cardinaux, préside la cérémonie d’actions de grâces à Saint-Louis-des-Français (8 septembre). Le Pape fait frapper une médaille, représentant l’ange exterminateur, avec la légende : Hugonotorum strages. Il envoie un légat, le cardinal Orsini, jîrésenter à Charles IX ses félicitations. Enfin Grégoire XIII ordonne la composition de la fresque fameuse de Yasari, où l’on voit la tentative contre Coligny, la décision de Charles IX et l’exécution des huguenots.

L’Eglise catholique n’a-t-elle donc pas, après la Saint-Barthélemj’, approuvé le massacre et glorifié les massacreurs ?

Tout dépend de l’idée qu’on se faisait, à Paris et à Rome, de l’acte du 24 août ib’j2. Massacre et assassinat, ou bien mesure de légitime défense ? — Dans le premier cas. les cérémonies d’actions de grâces font participer les chefs de l’Eglise à la responsabilité des coupables. Dans le second cas, les mêmes cérémonies n’ont rien que de très naturel et de très inoffensif.

a) Le clergé de Paris savait alors de lévénement ce qu’en savait le reste de la population catholique. Il savait donc que les seigneurs huguenots, à la suite de l’attentat contre Coligny, avaient circulé en armes dans la Aille, et proféré publiquement des menaces. Il savait que, dans la nuit du 28 au 24 août, Charles IX avait appelé au Louvre le prévôt des marchands pour lui faire prendre toutes les mesures défensives, nécessaires à déjouer une conspiration imminente des huguenots contre l’Etat. Il savait qu’un arrêt du Parlement de Paris a^ait authenticjué cette interprétation des tragiques scènes du 24 août. Beaucoup de catholiques, même parmi les plus haut placés, croyaient à la réalité du complot : telle Marguerite de Valois. Comment donc le clergé parisien aurait-il pu se refuser à célébrer, d’accord avec le peuple, les cérémonies d’actions de grâces demandées olliciellement par la Cour et le Parlement, pour fêter la préservation du Roi et l’anéantissement des rebelles ? De bonne foi, il n’y a ici nulle matière raisonnable à grief.

h) Le Pape Grégoire XIII a. mis certainement beaucoup de spontanéité, puis d’insistance, à se réjouir de la Saint-Barthélémy. Sous quelles couleurs a-t-il connu l’événement ? — Pour répondre, nous avons la très impartiale publication documentaire du continuateur de Baronius (Aug. Theiner, Annales ecclesiastici. Rome, 1856, in-f’^. Tome I). M. Boutaric en a reproduit et commenté les pièces diplomatiques les plus instructives (La Saint-Barthélémy, d après les archives du Vatican : dans la Bibliothèque de l’Ecole des Charles, 5’= série, tome III, 1862, in-S", pp. i à 87). Le Pape a reçu la nouvelle de la Saint-Barthélémy par le sieur de Beauvillier, que Charles IX avait envoyé immédiatement à Romc.N’ul doute que le courrier royal ait exposé à Grégoire XIII la Aersion olFicielle de la Cour de France : le complot cahiniste écrasé juste à temps. Le même Beauvillier remet au Saint-Père une lettre d’explications, écrite dès le 26 août par Louis