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BAPTEME DES HERETIQUES

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sentence d’excommunication*, et encore aujourd’hui l’on soutient avec une égale conviction le pour et le contre. Peut-être la divergence serait-elle moindre entre les avis opposés, si l’on tenait compte des temps et de la discipline alors en vigueur. Disons simplement ce qui ressort des documents anciens, laissant à d’autres le soin de trouver la formule la plus juste pour caractériser une situation qui n’a peut-être de parallèle exact à aucune époque de l’Eglise.

Que le pape Etienne ait enjoint aux évêques d’Afrique et d’Asie de renoncer à leur usage, et cela sous peine d’excommunication, c’est très sûr, car nous le lisons dans les lettres de Cyprien et de Firmilien. (Cyprien, Ep. lxxiv, 8 : Bat kunorem Deo qui, hæreticoruni uniicus et iriiiniciis chri.stmnoruni, saceidotes Dei veritaiem Chrisii et Ecclesiæ unitateni tuentes abstinendos piitat ? — Firmilien, Ep. lxxv, 24 : Peccatuni i-ero quam magnum tibi exaggei asti, quando te a tôt gregibus scidisti ? Excidisti enim te ipsum, noli fallere, siquidem ille est vere schismaticus qui se a communione ecclesiasticæ unitatis apostatam fecerit. Dum enim putas omnes a te abstineri posse, soluni te ab omnibus abslinuisti.)lln’est pas moins sûr que ni les uns ni les autres ne se départirent d’un usage qu’ils regardaient comme seid légitime ; mais qu’en agissant ainsi, ces évêques n’entendaient pas, il s’en faut bien, rompre avec l’unité de lEglise. A ce moment, la rupture était, de la part d’Etienne, virtuellement consommée ; de la part del’épiscopat africain et asiatique, elle ne l’était pas. Y eut-il un pas de plus fait dans la voie de la séparation ? Oui, si nous prenons à la lettre certaines expressions de Firmilien, qui semble considérer cette séparation comme un fait accompli, et en prendre son parti sans trop de peine, considérant qu’Etienne, en croyant mettre ses contradicteurs hors de l’Eglise catholique, s’y est mis lui-même tout le premier. Mais ce sont là des formules oratoires qui, dans un morceau passionné tel que la lettre de Firmilien, doivent être commentées avec prudence. Le jour où Etienne ferma sa porte aux délégués du synode africain et les exclut de l’hospitalité chrétienne, il les traita en excommuniés ; néanmoins, on ne saurait conclure de ce fait que, dans la pensée du pape, l’épiscopat africain fût dès lors séparé de l’Eglise. Tout n’était pas nécessairement consommé par ce premier mouvement : le temps, la réflexion, la droiture nuinifeste de ses adversaires, la gravité des conséquences pour l’Eglise, la médiation opportune de l’évêque d’Alexandrie, qui sans doute dit à Etienne ce qu’il devait redire à son successeur : Considérez la grandeur des intérêts engagés, ^/.o’-nu ri }i.i-/=Jj-^ : , rcû ~pc/.yy.y-oç, toutes ces circonstances réunies ont pu prolonger la période d’hésitation, et empèciicr Etienne de fulminer la sentence qu’il tenait suspendue sur la tête des rebelles. D’autant qu’une sentence d’excomuiunication, au sens canonique attaché à ce mot par l’usage postérieur, constituerait, au milieu du m" siècle, un anaclironismc : il ne saurait être question, à cette date, que d’une rupture ollicielle de relations, et il demeure

1. Voir J. Er>st dans Zeiixclirifl ꝟ. kalh. Théologie. 18’J’t, p. 47j-’199 : Wàr der heiligc Cyprian excominunicirt ?

— Déjà Baro.nius croyait à roxcoinmunication ; hi même opinion se rolrouve, avec des nuances, chez FF.ciiTHur’, Der heiligc Cyprian, p.’l. et seq. ; Nelki : , Chronologie drr Korrespoiidenz. ^. 10’. », 120, 12’J et seq. ; Hahnack, Chronologie der ACL, 11, p. lO.i, affirme rexconununicatioii de Firmilien. Nous ne citons que des auteurs récents.

— Au CdfUraiie, nient rcxcuinmuriicalion : Guisar, Opposihonshonzil gcgen l’apst SIephanu.i, dans Zdchr. /’. kath. Theol., 1881, p. 19 ; { et seq. ; Bknson, Ci/prian, p. 3.i’i et seq. ; Bardicniikwkr, Gcschichie der ÀKL, 11, p. 401 ; Eknst, l’apH Slcphan I und der Ketzertaufstrcit, p. 80 cl seq. /. 1

douteux qu’après les menaces que nous avons rapportées, cette rupture ait été notiliée derechef. Les documents du iii siècle ne le disent pas, et la tradition postérieure donne une autre impression.

Si la rupture avait été effective et officielle sous le pontificat d’Etienne, il aurait fallu renouer officiellement sous le pontificat suivant. Or, nous voyons au contraire les relations se rétablir sans secousse, comme après un malentendu, au contentement des deux parties. Ecrivant au pape Sixte siu- la question baptismale, Denys d’Alexandrie dit que les évêques orientaux avaient reçu d’Etienne une menace d excommunication, motivée par leur coutume de rebaptiser les hérétiques ; il ne les montre pas en état de schisme (Eusèbe, //. E., VII, v) : ’Ez--Tâ^v’.£i ph r.lrj

TlpOTSpOV /Mi TZipl’E/î'vOJ zat Ttipl ^ip>xÙ.l(X.WJ VdvTOiV T£ TÎiv

TtdvT&JV Tûv iK’f, i ôpopvyjT’jiv kOycùv, Oi ; oi/Stv îxîrj^i^ zstvwv/.T&iv Six T/, y « ùtï ; v TKUzriV airtcf.v, èTîîtS/j T5Ù ; oûpsTixoiJi, fr, ^iv. àva-Q’xr-i ^’jU71. Les paroles véhémentes que nous avons relevées chez Firmilien ne représentent que le relief un peu fort de cette même épître comminatoire. La correspondance de Denys n’avait rien offert de plus décisif à Eusèbe, qui résume la situation (//. is’., VII, m), en disant qu’Etienne voyait avec impatience les pratiques anabaptistes des Eglises africaines, « ri Toi/Tw Stv/avcoîTct. Et saint Augustin, évoquant le souvenir de la querelle baptismale devant une chrétienté qui ne se souvenait pas d’avoir été schismatique, dit expressément que Cyprien ne se sépara point de l’unité catholique (De baptismo contra Dunatistas, I, XVIII, 28, PL., XLIII, 124 : At » /j se illetamen a ceteris di’ersa sentientibus separata communione disiunxit ; V, xxv, 36, PL., XLIII, 194 : Stephanus auteni etiam abstinendos putaverat qui de suscipiendis hæreticis priscam consuetudinem convellere conarentur ; iste autem quæstionis ipsius difficultate permotus et sanctis caritatis visceribus largissime præditus, in unitate cum eis manendum qui dii’ersa sentirent. Ita quamvis commotius, sed tanien fraterne. indignaretur, vicit tanien pax Christi in cordibus eorum, ut in tali disceptatione nuUum inter eos malum schismatis orirettir). Quand donc Fechtrup nous assure (Kirchenle.rikon, art. Ketzerlaufstreil, p. 4 16) que lEglise de Rome cessa de mêler à ses prières officielles le nom du primat de Garthage, nous réclamons des preuves qu’il ne saurait produire, et quand il ajoute (jne le nom du pape Etienne fut effacé des diptyques de Carthage, nous n’hésitons pas à croire qu’il se tronq)e, car, si la rupture fut quelque temps effective, Cyprien du moins ne s’y résigna jamais’.

¥ai voilà plus qu’il n’en faut peut-être pour écarter l’idée d’une sentence pontificale retranchant de la communion romaine. l’Afrique et une partie de l’Asie, constituant les évêques de ces contrées en état de schisme et leurs diocèses en interdit. Contre une telle exagération l’hisloirc proteste, car c’eût été là un événement bien autrement grave « lue le schisme

1. Je ne yeux pas insinuer que Firmilien s’j résigna, car les mêmes raisons qui empêchent de croire à un scliisme africain cmpoclieiil de croire à un schisme asiatique. M. IIahnac.k aflîrme l’excommunicatiDn de Firmilien, non celle de Cyprien ; M. Eknst semble croire que Firmilien, par son intransi^fcance, rendit etlcctive lu sentence portée roiulilionnellemeiit contre lui. Ces distinctions lue paraissent [)eu fondées en histoire. Cyprien et Firmilien didéraient par le caractère, non par l’attachement à l’Eglise, et dans cette querelle baptismale, ils ne cessèrent de faire cause commune. —.Sur l’iiagiographic de Firmilien, voir li. Bossvk, De S. t’irmiliano episcopo confcssore Cæsarræ in Cappadocia commciitarius historiens ; dans.icta Sanctorum octobris, t. XII, 1867, p. 470510.