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AGNOSTICISME

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philosopliic positive n’accepte pas l’athéisme. A le bien prendre, l’athée n’est point nn esprit véritablement émancipé ; c’est encore, à sa manière, iin théoloijien ; il a son explication sur l’essence des choses… Ceux qui croiraient que la philosophie positive nie ou aflirme quoi que ce soit sur les causes jn-emières ou linalcs, se tromperaient : elle ne nie rien, n’allirme rien ; car nier ou allirmer, ce serait déclarer ique Ion a une connaissance quelconcjue de l’origine des êtres et de leur lin. » Paroles de philosophie positive, p. 31 sqq. On voit que le positivisme repousse l’athéisme déclaré, simplement comme dérogeant au principe que la Science n’a pour ol)jet que les faits positifs, les phénomènes et leurs lois. Mais, « entendu dans le sens d’une science qui n’accorde pas de place à l’idée de Dieu, l’athéisme est une des ])ases essentielles de hi doctrine de Comte ». (Xaville, P/<//o.sophies négatives, p. 82 ; Comte, Système de philosophie positive, t. I, p. 46 à 53.) Donc, quatre thèses caractéristi ([ues : i<^ Il est impossible de prouver l’existence de Dieu : cette démonstration supposerait cpie notre connaissance n’est pas bornée aux phénomènes. 2° Il est également impossible, el pour la même raison, de prouver la non-existence de Dieu. 3’^' Toute connaissance de la nature intrinsèque de Dieu est impossible, en vertu du même principe. 4" L’idée de Dieu n’a point de place dans la science, ni par conséquent dans l’histoire qui comme les autres sciences est soumise à la loi de ne s’occuper que des faits et de leurs lois, suivant la conception de la science que nous a léguée le dix-liuitième siècle.

Tel est en substance l’agnosticisme pur, et c’est celui que décrit tout d’abord l’Encyclique Pascendi, ^ Jam ut a philosopho : k I.a raison humaine, enfermée rigoureusement dans le cercle des phénomènes, c’est-à-dire des choses qui apparaissent et telles précisément qu’elles apparaissent, n’a ni la faculté, ni le droit d’en franchir les limites ; elle n’est donc pas capable de s’élever jusqu’à Dieu, non pas même pour en connaître, par le moyen des créatures, utiit per ea qiiæ videntur, l’existence. D’où ils infèrent deux choses : que Dieu n’est point objet direct de science, ([ue Dieu n’est point nn personnage historique. » Cependant l’idée de Dieu est un fait comme un autre : à ce titre elle est un ol)jet de science ; mais la réalité divine n’existe pour l’agnostique, qui s’occupe de l’histoire des religions, que dans l’esprit du croyant, comme objet de son sentiment et de ses aflirmations : ce qui ne sort pas, après tout, du monde des phénomènes.

« Si Dieu existe en soi, liors du sentiment et

hors des atlirmations, c’est de quoi il n’a cure : il en fait totalement a])straction » ; §§ Atque hæc, Yenera])iles. Cf. Bk.nx, op. cit., t. I, p. 16.

L’argumentation de l’Encjclique contre l’agnosticisme pur est très courte, i" Elle fait remarquer que cette hérésie a déjà été condamnée par le concile du Vatican, en elle-même el dans ses conséquences. a) En elle-même : car lorscpu- le Concile délinit contre les traditionalistes que par les lumières naturelles de la raison l’homme a hi juiissance physicpie de connaître Dieu avec cerlilude, de fa(, ’on à commencer sa vie morale el religieuse, Acta Valicaiii (coll. Lacensis), 133 a, il avait aussi en vue la position nommée depuis l’agnosticisme pur. Capiiis priiicipiuut dirigitur contra traditionalistas, sed etiain dirigitur contra illum erroreni, qui late in Gerinania propagatits est, eoriim nempe qui dicunt ratioiieni per se nihil cognoscere sea tantuui percipere : Acta, 86 e. Les Encyclopédistes français et la ijhilosophie critique aMemainU- furent aussi mentionnés un autre jour par le même rapporteur,. /c/<^/, 1301j ; (j8 1). Quand nous n’aurions pas ces <léchiralions, le texte du concile est clair par lui-mêuu- : coniiaitre, dans toutes

les langues, veut dire connaître. A ne considérer que le texte, rinter[)rétation que les modernistes italiens ont essayé de donner au concile est donc fantaisiste. Etant donné que les Actes du concile ont été otliciellement publiés, cette exégèse est contraire à toutes les règles de la métliode historique objective. Et ce n’est pas une solution de répondre que l’on a soimême évolué depuis 1870 : il faudrait prouver que le sens historiquement déterminé d’un texte peut évoluer. Programma dei Modernisti, Roma, 1908, p. io5. h) L’agnosticisme pur a été condamné dans ses conséquences : l’agnosticisme pur, plus encore que l’agnosticisme dogmatique, nie la possibilité ou la légitimité de la théodicée : or le concile a entendu condamner ceux qui theologiam naturalem negant. Acta, 148 b. Si toute notre connaissance se réduit aux phénomènes et à leurs lois, la connaissance des motifs de crédibilité nous échappe et la révélation extérieure devient impossible : ces consétpiences, elles aussi, s(jnt déclarées héréticpies par le concile du Vatican, comme le rapporte rÉncyclicpie.

2" L’Encyclique ajoute une observation, de grande importance jiour l’apologiste, sur l’incohérence des quatre thèses de l’agnosticisme pur. Les trois premières se réduisent à dire : de Dieu on ne peut rien savoir, ni pour, ni contre : donc ne rien nier, ne rien aflirmer ; c’est l’ignorance pure. La cpiatrièine dépasse de beauc<jup ces prémisses : que l’idée de Dieu ne puisse point avoir de place dans la Science, c’est une négation caractérisée ; et l’on prétendait ne rien nierl Mais, et si Dieu s’est manifesté, si certains faits de l’ordre phénoménal le démontrent, en vertu de quoi les exclut-on du savoir humain ? — L’apologiste remarquera aussi la liaison entre la méthode positiviste et cette méthode historirpie qui a pour premier principe « que l’histoire comme la science ne s’occupe que des phénomènes ». Dès 1881, Heinricii ol>servait : « c’est sous l’inlluence, consciente ou non, du positivisme qui nie la cognoscibilité de l’être et de l’essence des choses et par là rend impossible toute métaphysique et toute théologie, f]ue certains écrivains considèrent la théologie comme une science

« piu’ement historique », avec l’arrière-pensée de

soustraire les cpiestions théologiques à l’autorité de l’Eglise ])our les soumettre au Aerdict de la « critic ]ue » ; Dogmatische Théologie. Mainz, 1881, t..1, p. 2g. Et il ajoutait que, sous le nom ancien de théologie positive, plusieurs en réalité débitaient de la théologie positiviste. Nous avons vu depuis à la mode l’histoire des dogmes el l’exégèse positivistes. Le modernisme est dû en grande partie à cette erreur initiale de méthode. L’EuvycMqwc Pascend i le montre claii-emenl lors(pi’elle étudie le moderniste historien, critique el apologiste, « ^ INIodeinistarum (juidani sqq. Mais cet aspect du sujet, qu’il fallait indiquer, est hors de l’objet précis de cet article.

L’apologiste, évidemment, ne peut pas argumenter contre l’agnosticisme pur en recourant à l’autorité de l’Eglise : il faudra donc se borner aux arguments (jue fournit la seule raison naturelle. Ou les trouvera dans ce dictionnaire aux articles DiEf. positivisme,

UELATIVISMi : , MONISME, IMIÉXOMÉMSME. IDÉALISME.

ruACiMATisME. cHiTuiisME. Dcux reiuanpu’s seulement sont à faire ici.rt) La formule u notre connaissance est bornée i.ixphénoniènes « peul avoirdeux sens : le sens scientiflcpie et le sens kantien. Dans les sciences, un phénomène signilie « un fait à expliquer, un individu réellement connu à ramener à une loi ou à une cause inconnue ". lîeaucoup d’écrivains anglais et tous les auteurs fran>ais qui ne sont pas piqués de kantisme, bien plus tous les professionnels de la Science, quaiid ils font de la science et non pas de la philosophie, enlendent le mot dans ce sens. En

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