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BAPTEME DES HERETIQUES

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Cur praevaricatores veviiatis, cur proditores utiiioiis existimiis ? qualifications que celui-ci eût pu dédaigner de la part d un collègue obscur : or des qualiiications semblables apparaissent dans la lettre de Firmilien, comme ayant été appliquées à Cyprien par Etienne lui-même (/.'p. lxxv, 26 : .ori pudet Stepliamtm… Cxprianum pseudochristum et pseudoapostolum et dolosum operariiim diccre). Tout concourt donc à prouver que 1 épiscopat maurétanien était, dans l'été 256, et peut-être depuis plusieurs mois, en possession d’un document pontifical sur le baptême des hérétiques, et que ce document arriva aux mains de Cyprien par 1 entremise de Juliaïen. Sans appuyer plus que de raison sur des conjectures destinées sans doute à ne jamais sortir du domaine de la possibilité, voici comment on peut, avec vraisemblance, restituer cette liistoirc.

A la suite du concile d’automne 255, où les évêques de la Proconsulaire avaient fait part aux évêques de Nuniidie de leur sentiment sur le baptême des hérétiques, l'épiscopat de Maurétanie s'émut de cette déclaration contraire à son propre usage, et consulta Rome. Etienne eut, par cette voie indirecte, connaissance du vote émis à Cartilage, et peut-être en témoigna-t-il dès lors son mécontentement à Cyprien ; mais, surtout, il se préoccupa d’enrayer la propagande, en adressant à l'épiscopat maurétanien une réponse motivée, que nous avons pu entrevoir à travers la lettre lxxi. Cyprien, qui ne s'était pas attendu à un blâme, crut nécessaire d'éclairer le pape, et réunit dans ce but le synode du printemps 256, où fut préparée la lettre lxxii. Si, par cette déclaration coUectiAC, il s'était flatté de modifler la pensée du pape, l'événement trompa complètement son attente. Loin de capituler devant cette intransigeance, Etienne aflirma énergiquement la doctrine catholique ; mais au lieu de parler directement à l'épiscopat africain, qui n'était guère préparé à l’entendre, il commença par s’adresser à l'épiscopat maurétanien, dans une lettre prol)ablement distincte de la précédente, et conçue en termes très sévères pour (Cyprien, îSous rapporterions au commencement de l'été 256 cette lettre pontificale, dont Cyprien connut la teneur par l’entremise de Jubaïen. Enfin, arriva de Rome à Cartilage même un rescrit pontifical. Etienne n’j- déguisait pas la vérité ; il réprouvait l’attitude des deux précédents synodes, et se montrait décidé à briser la résistance, fût-ce au prix d’une excommunication. Nous ne connaissons pas ce rescrit dans sa teneur complète ; mais des passages significatifs nous ont été conservés par Cyprien dans sa lettre à l'évêque Ponipciiis (Ep. Lxxiv), et par Firmilien de Césarée dans sa lettre à Cyprien (Ep. lxxv). Le pape repoussait les deux raisons invoquées par Cjprien, la raison théologique tirée de l’unité du baptême, et la raison d’aulorilé tirée (Us précédents africains. Sans entrer dans aucune discussion, il revendiquait les droits d’une tradition certaine, authentiquée par la pratique de l’iiérésie elle-même, car — les Novatiens exceptés — nulle secte ne rebaptisait. Telle était la portée de son dispositif : à l'égard de ceux qui viennent à vous, de quehpie hérésie que ce soit, ne rien innover, mais vous en tenir à la tradition, leur imposant les mains pour les recevoir à pénitence : d’autant que les fiérctiqucs entre eux ne confèrent pas un l)aptême spécial à ceux qui embrassent une nouvelle secte, mais les admettent simplement à la communion ^ Si

' l^P' i.xxiv, 1. — Cette formule n été souvent inallr.iduite. La force de l’ars-unient est dans le mot propric, iSioii. Do ce qu’on ne trouve pas dans les diverses sectes divers baptêmes, propres u chacune d’elles, mais un seul baptême qui leur est commun, Etienne conclut qu’elles ont gardé

(jiii ergo a quacumque haercsi s’enient ad vos. lùJiil innovetur nisi qiiod tradituni est, ut manus illis imponatiir in paenitentiani^ eu m ipsi liaeretici proprie alterutrum ad se venientes non baptizent^ scd communie eut tantum. Cet ordre exprès était appuyé d’une menace d’excommunication (f^p. Lxxrv, 8).

Cyprien fut moins surpris sans doute qu’il n’eût pu l'être sans la communication officieuse de Jubaïen. îVéanmoins, cette lettre portait un coup si rude à ses convictions les plus profondes qu’il en demeura consterné. Son désespoir s’exhale dans une lettre amère à l'évêque Pompeius, qui lui a demandé une direction sur la question baptismale (A'/>. lxxiv, i). En lisant le rescrit pontifical, Pompeius se convaincra de plus en plus de l’erreur d’Etienne, qui se fait contre les chrétiens et contre l’Eglise de Dieu l’avocat des liérétiques. Il appréciera sa hauteur, son impertinence, ses contradictions, sa maladresse, son imprévoyance. Approuver le baptême de tous les hérétiques (//>., 2), alors qu’il y a autant de baptêmes que d’hérésies, n’est-ce pas communier avec toutes les hérésies, et prendre sur soi tous les vices réunis ? Ne rien innover, mais s’en tenir à la tradition : mais d’où vient-elle, cette tradition ? Assurément ni du Seigneur ni des Apôtres. Le Seigneur a prescrit de baptiser les gentils, et rion pas de leur imposer les mains pour les recevoir à pénitence. Les Apôtres ont écrit avant l’apparition des modernes hérésies, deMarcion, voire même de son maître Cerdon : tant il est vrai que cette pratique ne peut se réclamer ni de l’Evangile ni des Epitres apostoliques. Quelle étrange obstination, ou quel aveuglement (3-/|), de préférer à l’institution divine une tradition humaine ; de vouloir ('j) que (lu baptême de Marcion, de Valentin, d’Apelle et autres blasphémateurs du Père, naissent des enfants de Dieu, et que les péchés soient remis au nom de Jésus-Christ, là où l’on blasphème Dieu et son (Tirist ! Voilà pourtant où mène l’entêtement et l’orgueil (10) : on aime mieux défendre opiniâtrement des vues personnelles et fausses que de se ranger au sentiment d’autrui et à la vérité. Saint Paul, écrivant à Timothée, entendait autrement le devoir des évêques. L’Eglise est une (11), comme l’Epouse du Cantique, comme l’arche de Noé. Plus que jamais (12) Cyprien demeure ferme dans sa résolution de n’admettre aucun des transfuges de l’hérésie, à moins qu’il n’ait reçu le baptême de l’Eglise.

Cette opposition directe entre deux hommes aussi convaincus deleurdeoir que l'étaient respectivement le pape Etienne et le primat de Carthage ne laissait aucun terrain d’entente. Ne sachant que résoudre, Cyprien s’avisa une seconde fois du moyen qui lui avait déjà si mal réussi. Il crut qu’une consultation solennelle de tout l'épiscopat africain obligerait le pape à réfléchir, et avait chance de lui ouvrir les yeux sur ce que lui-même considérait comme une irrcur évidente. Il résolut donc de poser à nouveau la question baptismale devant le synode de sepleni]>re, et cette convocation surpassa en éclat les précédentes, car non seulement l’Afrique proconsulaire et la Numidie, mais encore la Maurétanie fournit son contingent. Les cjuatre-vingt-sept évêques qui siégèrent eu personne ou jiar procuration — car aux quatre-vingtcinq Pères réunis à Carthage il faut ajouter deux

runicpie baptême chrétien. C’est la pensée que Firmilien répète ainsi, Ep. uxxv, 7 : Stepbanus in epistula sua dixit Iiaereticos quoque ipsos in baptismo conveniie eo quod altcrutrnm ad se vcnientcB non baptizont, sed coniniunicent tanliim, quasi et nos hoc faccie doheamus. — (J’ai l’crit eo (juod, ii lieu du ci quod, que portent les éditions. Lu correction, postulée à la fois par le sens et par la grammnii’e, est évidente, et l’on [)eut s'étonner qu’elle n’ait pas été faite plus tôt, dans un texte si connu.)