Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/204

Cette page n’a pas encore été corrigée

3fl

BAPTÊME DES HÉRÉTIQUES

392

fidèle à l’ancien usage de ne point rebaptiser les hérétiques, mais se contentait de les réconcilier par l’iniposilion des mains. Ces divergences persistantes devaient donner lieu, tôt ou tard, à des explications : les explications se produisirent au temps du pape saint Etienne.

Ce pasteur énergique, presque au début de son court pontificat (12 mai 254-2 août 25^), fut mis en demeure de se prononcer entre les deux usages. En maintenant résolument celui de son Eglise, il souleva la protestation unanime de l’épiscopat africain, que dominait la grande figiu’e de saint Cyprien. Cette rencontre entre deux hommes remarquables par leurs vertus comme par leur dévouement à l’Eglise a été racontée bien des fois, et souvent exploitée au détriment du dogme catholique. Il ne sera donc pas inutile d en rétablir l’histoire. Nous avons la bonne fortune de pouvoir no)s appuyer sur des travaux excellents, qui ont mis en lumière les principales diflicultés et en ont résolu quelques-unes définitivement (voir la bibliographie).

Nous procéderons comme il suit :

I. Inventaire des sources et chronologie ;

II. Histoire du conflit baptismal au temps de sai/it Cyprien ;

III. Conclusions intéressant Ihistoire du Dogme, et suite de la controverse.

Poiu’certains détails, nous renverrons à notre article de la Revue des questions historiques, avril 1907, t. LXXXI, p. 353-400, La question baptismale au temps de saint Cyprien.

I. Inventaire des sources et chronologie. — Les documents les plus abondants, comme les plus précieux, sont fournis par les œuvres de saint Cyprien’. Sa correspondance ne renferme pas moins de neuf pièces, datées du pontificat de saint Etienne ; il faut les caractériser une à une.

î » Epistula Lxvii. — Lettre d’un synode carthaginois de trente-sept évêques aux églises espagnoles de Legio Asturica et Emerita, pour appuyer la déposition des deux évêques libellatiques, Basilidc et Martial, et l’élection de l’évêque Sabinus. Renferme un blâme discret à l’adresse du pape Etienne, dont l’indulgence s’est laissé surprendre par les deux prélats indignes. — Appartient certainement aux premiers temps de ce pontificat. Vers janvier 255 ?

2" Epistula Lxviii. — Lettre de Cyprien au pape Etienne pour lui dénoncer l’attitude schismatique de Marcien, évêque d’Arles, passé ouvertement au camp novatien, et l’inviter à sévir sans retard. L’exemple des glorieux martyrs Corneille et Lucius, qui ont condamné Novatien, trace à leur successeur Etienne son devoir. Il est temps de pourvoir au siège d’Arles. — Cette lettre doit être à peu près contemporaine de la précédente ; elle reQète des préoccupations de même ordre, et la querelle baptismale ne s’annonce pas encore. L’absence de toute allusion à la récente élévation d’Etienne ne permet pas delà rapporter aux tout [)remiers mois de ce pontificat ; on la placera plus vraisemblablement vers janvier 2.55.

3° Epistula Lxix. — Première lettre sur la question baptismale. Consulté par un certain Magnus sur la validité du baptême conféré par les Novatiens, Cyprien répond sans hésiter qu’il faut rebaptiser les Novatiens à leur entrée dans l’Eglise catholique. — La question de Magnus ne concernait que le cas particulier des Novatiens, et Cyprien repousse la distinction que certains voulaient établir entre leur cas et celui des autres hérétiques. La controverse générale ne semble donc pas encore engagée. Premiers mois de 255 ?

4 » Epistula Lxx. — Lettre collective d’un synode de trente et un évêques, appartenant à l’Afrique proconsulaire, à un

1. Nous citerons saint Cyprien d’après l’édition de Harlel, Vienne, 1868-71, 3 vol. in-8°.

groupe de dix-huit évêques de Numidie, qui les ont consultés sur la validité du baptême conféré parles hérétiques ou schismatiques. — C’est ici proprement l’ouverture de la controverse : un synode numide en a saisi un synode carthaginois. Comme nous verrons encore deux synodes sur la même question, dont le second en septembre 256, il semble naturel de rapporter celui-ci à l’automne 255.

5° Epistula Lxxi. — Réponse de Cyprien à Quintus, qui l’a consulté, par l’intermédiaire du prêtre Lucien, sur le baptême des hérétiques et schismatiques. — Ce Quintus était, d’après Ep. lxxii, 1, un évêque de Maurétanie. Cyprien lui envoie (£/>. lxxi, 1) copie d’une lettre synodale, dans laquelle nous reconnaissons’Ep, lxx. Il se réfère (Ep. lxxi, 4) au précédent d’un concile d’Afrique et de Numidie sous l’évêque Agrippinus. Vers janvier 256.

6° Epistula LXXII. — Lettre synodale au pape Etienne. Les évêques d’Afrique proconsulaire et de Numidie, réunis à Carthage au nombre de soixante et onze (voir Ep. lxxiii, 1), adressent au pape l’exposé de leurs vues sur la question baptismale, avec copie des lettres lxxi et lxxii (Ep. lxxii, 1). Sans prétendre aucunement amener le pope à leur sentiment, les évê([ues se montrent très convaincus de leur autonomie, et déterminés à ne point céder (Ep. lxxii, 3). — Printemps 256 ?

7° Epistula LXXIII. — Réponse de Cyprien à Jubaïen, un évêque (de Maurétanie ?) qui l’a consulté par lettre. A cette réponse étaient jointes copies des lettres lxx, lxxi, lxxii, dont l’ordre clironologicjue est ici expressément indiqué (Ep. LXXIII, 1). Dans une lettre communiquée par Juba’ïen. et dont l’auteur n’est pas nommé, Cyprien a lu avec indignation qu’il ne faut pas s’inquiéter de la personne qui administre le baptême, parce que la foi du baptise importe seide (Ep. lxxii, 4). La même lettre parait avoir contenu, à l’adresse de Cyprien, des qualifications très sévères (Ep. lxxiii, 11). Cyprien développe longuement ses raisons ; dans la conclusion, il répète qu’il n’entend faire la loi à personne, mais bien garder, dans la question présente, la liberté de ses jugements et de ses actes. Il adresse à son correspondant le Libellus de bono patienliae, qu’il vient de composer (£/ ; . lxxiii, 26). — Eté 256.

8° Epistula Lxxiv. — A l’évêque Pompeius, qui a exprimé le désir de connaître la réponse faite par le pape Etienne à Cyprien. Cyprien, qui a déjà transmis à son correspondant d’autres lettres relatives à cette affaire, lui adresse le texte du rescrit pontifical. Le ton est bien changé depuis la lettre précédente : des récriminations amères conire l’erreur du pape se joignent à l’expression d’une résolution plus que jamais inébranlable. — Dans le destinataire de cette lettre, on reconnaît avec vraisemblance Pompeius, évêque de Sabrata dans lu Tripolitaine, qui, empêché d’assister au concile de septembre 256, s’y fera représenter par un collègue, Xalalis, évêque d’Œa. — Fin de l’été 256 ?

9° Epistula Lxxv. — Riiponse de Firmilien, évêque de Césarée, en Cappadoce, à Cyprien, qui, pour se concerter avec lui. a envoyé à Césarée le diacre Rogatien. Firmilien adhère aux idées de Cyprien sur le baptême des hérétiques, et invective violemment contre le pape, qui non seulement a refusé de recevoir les délégués du synode africain, mais a interdit aux frères résidant à Rome de leur donner l’hospitalité. Lui aussi commente certains termes du rescrit pontifical. — Cette lettre renferme des dtnnées chri nologiques très précises. Nous apprenons (Ep. lxxv, 5) que le voyage de Rogatien eut lieu en automne ; l’hiver pi’essait, Firmilien dut se hâter pour remettre sa réponse en temps utile au messager de Cyprien. L’évêque de Césaiée témoigne (7) qu’il a pris part au synode d’Iconium, où nombre d’évêques de Galatie, de Cilicie et des contrées voisines ont déclaré nul le baptême conféré par les hérétiques cataphryges.. ce propos, il raconte (10) l’histoire d’une certaine propliétesse, qui fit beaucoup de dupes en célébrant un simulacre d’eucharistie et administrant un baptême selon la formule reçue dans l’Eglise ; cela se passait après le règne de l’empereur Alexandre, il y a environ vingt-deux ans. Or, .lexandre Sévère fut assassiné au commencement de l’année 235 ; le terme de vingt-deux ans nous amène au commencement de 257. Firmilien a donc pu écrire soit à l’automne de 256, soit à unedateun peu postérieure, telleque l’automne de 257. Mais cette dernière supposition est inconciliable, soit avec la date connue de la mort de saint Etienne, 2 août 257, soit avec le langage de saint Denys d’.Vlexandrie, dans une lettre à Etienne, que nous signalerons tout à l’heure. Il