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BABYLONE ET LA BIBLE

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Ce sont sans doute des i-essemblances de ce f^enre qui ont entraîné l’assjriolo^ie et critique PaulHAti’T à ces conclusions d’un radicalisme éhonté : <( J’ai établi que la majorité des psaumes hébreux appartient à l’époque macchabéenne (i ; 0-"0 av. J.-C). Je n’ai pas découvert un seul psaume datant d’avant l’exil. Les prototj-pes des hymnes contenus dans le psautier hébreu sont les hymnes et les psaumes pénitentiaux des textes cunéiformes ^> (American Journal ofSemitic Languages and Literatiires, t. XXI, oct. 1904juil. 1905, p. 13^). Ainsi, à côté du Cantique de Débora, que les critiques sont unanimes à regarder comme un des morceaux les plus anciens de la littérature hébraiqiie — le jugement contraire de M. Maurice Verxes n’a point de valeiu", — les Israélites n’auraient eu pendant des siècles aucun chant sacré ! Très tard, après l’époque des prophètes, pour apprendre à chanter les louanges de lahvé, ils se seraient mis à l’école des Babyloniens !

Il faut signaler l’hymne à Istar, au sentiment de Jastrow, « le plus beau spécimen peut-être de ces psaumes pénitentiaux ». C’est un long texte de 1 13 lignes (y compris le colophon ou attestation finale du copiste), admirablement conservé, de la plus haute poésie religieuse. Il appartient à la série qui a pour titre : « Prières de l’élévation de la main ». KiNG l’a publié et traduit le premier. Le P. Dhormf. en donne aussi le texte et la traduction (sans les prescriptions finales et le colophon, 1. 106-1 13). J’en cite quelques lignes d’après ces auteurs (en modifiant la traduction de la 1. 41 « où je laisse indéterminé le sens de issir la isaru, qui peut s’entendre au physique ou au moral ; King prend plutôt le premier sens ; Dhorme donne le second qu’il dit « limpide » : « L’injuste devient juste en voyant ta face ! > »).

I. 1-2. Je te prie, souveraine des souveraines, déess « des

[déesses ! I^tar, reine de tous les peuples, directrice des hommes ! … 1. 15-17. Où ton nom n’est-il pas (entendu) ? Où tes décrets [ne sont-ils pas (observés) ? Où n’es-tu pas grande ? Où n’es-tu pas exaltée ? 1. 40-47. Là où tu regardes, le mort vit, le malade se lève ; 1. 41. Il va bien, celui qui allait mal, en voyant ta face ! Moi je t’invoque, soupirant, gémissant, souffrant, ton

[serviteur ! Regarde-moi, ô ma souveraine, accueille ma supplication ; En vérité tourne vers moi tes jeux compatissants, exauce

[ma prière ! Dis ma délivrance, et que ton cœur s’apaise ! Délivrance de mon corps affligé, qui est plein de troubles

[et de désordres ! Délivrance de mon cœur souffrant, qui est plein de pleurs

[et de soupirs ! … 1. 81. Délie mon péché, ma faute, mon méfait et mon

[défit… 1. 99-105, trad. Dhorme ; Que mes prières et mes suppli[cations aillent jusqu’à toi ! Que tes grandes miséricordes soient sur moi ! Que ceux qui me voient dans la rue magnifient ton nom ! Et moi près des humains je glorifierai ta divinité et ta Istar est élevée ! Istar est reine ! [force.

Bêlit est élevée ! Bèlit est reine ! Irnini, la vaillante fille de Sin, n’a pas de rival !

Un dilettante de l’histoire comparée des religions trouverait très intéressant et tout natm-el de mettre / en parallèle avec ces invocations celles que l’Eglise catholique adresse à la Vierge Marie, et de parler peut-être d’emprunts ou d’imitation. Je reviendrai, dans les conclusions, sur cet abus de la méthode comparative.

Pour pénétrer un peu dans la conscience babylonienne, il faut citer encore un texte assez long tiré d’une incantation où, dans le but d’éliminer un mal, on cherche à découvrir quel est le péché, cause du mal.

Incantation. [Je vous invoque], grands dieux, "… dieu et] déesse, seigneurs de la délivrance. Pour un tel, fils d’un] tel, dont le dieu est un tel, la déesse,

[une telle, … qui est malade, inquiet, troublé, affligé. A-t-il ofî’ensé son dieu, otlensé sa déesse ? .-t-il donné un refus au lieu d’une promesse, une pro [niesse au lieu d’un refus ? A-t-il séparé du père le fils, .-t-il séparé du fils le père, A-t-il séparé de la mère la fille, A-t-il séparé de la fille la mère ? A-t-il séparé de la belle-mère la belle-fille, .-t-il séparé de la belle-fille la belle-mère ? A-t-il séparé le frère de son frère ?…

A-t-il refusé de relâcher un captif, de délivrer un enchaîné ?… N’a-t-il pas péché contre un dieu, n’a-t-il pas offensé une

[déesse ? A-t-il affligé un dieu, méprisé une déesse ? Y a-t-il faute contre son dieu, manquement envers sa

[déesse, violence contre son a’ieul, haine contre son frère aîné ? A-t-il méprisé père et mère, offensé sa sœur aînée ? donné en petit, refusé en grand, dit oui pour non et non pour oui ?., . A-t-il employé une balance fausse ?… S’est-il servi d’argent faux, pas servi d’argent vrai ? A-t-il déshérité un fils légitime, établi un fils illégitime ? .-t-il tracé des limites fausses, pas tracé des limites justes ? A-t-il franchi ( ?) bornes, frontières, limite » ? Est-il entré dans la maison de son prochain ? S’est-il approché de la femme de son prochain ? .-t-il versé le sang de son prochain ? .-t-il volé l’habit de son prochain ? S’est-il élevé contre un supérieur ?

A-t-il eu la franchise en sa bouche et la fausseté dans

[son cœur ?… A-t-il enseigné des choses ténébreuses, a-t-il fait savoir

[ce qu’il ne faut pas ?… A-t-il trempé les mains dans la magie et la sorcellerie ? Est-ce pour une faute grave qu’il aurait faite, pour les péchés nombreux qu’il aurait commis ? pour une société qu’il aurait dispersée, pour une famille bien unie qu’il aurait désunie ? Est-ce pour tous les mépris qu’il a pu avoir pour son dieu

[et sa déesse ? Aurait-il promis de cœur et de bouche sans tenir sa pro [messe ? Aurait-il, dans une offrande, méprisé le nom de son dieu ? Aurait-il retenu ce qu’il aurait consacré ?…

(II. ZiMMERX, Beitriige zur Kenntnis der babylonischen Religion. Deuxième tablette Siirpii).

On le voit, ces pa’iens sémites n’avaient pas le sens moral trop perverti, et même, sur quelques points, ils n’étaient pas dépourvus d’une certaine délicatesse de conscience.

Le texte suivant rappelle les sentences des Proverbes :

N’ouvre pas la bouche, garde ta lèvre,

quand tu es en colère, ne dis pas un seul mot :

d’avoir parlé trop vite tu te repentirais plus tard ;

en réprimant (tes) paroles tu n’affligeras pas ton ; "inie.

[je lise négation avant le verbe]. Tous les jours offre à ton dieu sacrifice, prière et encens convenable ; devant ton dieu sois avec un cœur pur (.’), car c’est là ce qui convient à la divinité. Prière, demande et prostration le matin présente-lui… ( ?)…

et grandement avec (l’aide de) dieu tu prospéreras. Dans ta sagesse étudie les tablettes : la crainte (de dieu) engendre la faveur, le sacrifice enrichit la vie, et la prière délivre du péché…

(K, D, Macmillax, dans BA, t. V, 1906, p, 557-562).

Avec raison Delitzsch fait grand état de ce texte ;

il y renvoie pour montrer qu’il y a chez les Babylo-