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BABYLONE ET LA BIBLE

tion, but de la mère, etc. (Revue des Questions historiques, avril 1908, p. 393-396 ; cf. p. 372-373).

Les Ḫabiri et l’Exode. — La collection d’El-Amarna (voir plus haut) contient un bon nombre de lettres adressées au roi d’Egypte, dans lesquelles les gouverneurs des diverses villes de la Palestine, alors province égyptienne, implorent instamment son secours contre des envahisseurs qui ravagent le pays et s’en emparent peu à peu. Abdiḫiba, gouverneur de Jérusalem (Urusalim) écrit : « Les Ḫabiri pillent tous les pays du roi. Si des troupes sont là cette année, les pays sont au roi, (mon) maître ; si des troupes n’y sont pas, les pays du roi, mon maître, sont perdus. » Et dans un post-scriptum il s’adresse directement au scribe royal qui lira la tablette : « Dis-le en termes clairs au roi, mon maître : Tous les pays du roi, mon maître, vont être perdus » (éd. Knudtzon, n. 286, l. 56-64). Ce cri d’alarme, ce pressant appel pour un secours immédiat contre les Ḫabiri est répété dans plusieurs autres lettres du même gouverneur : « Gazer, Asqalon et Lakis ont fourni des vivres aux ennemis » ; le roi est trahi par ses gouverneurs (ibid. n. 287). « Les Ḫabiri s’emparent des villes du roi… il faut des troupes cette année même » (n. 288, 289, 230).

S’agit-il là de la conquête du pays de Canaan par les Hébreux, de leur établissement dans la région de Jérusalem ? Le nom des « Hébreux » peut fort bien être représenté — tout le monde en convient — par le mot Ḫabiru, Ḫabiri, qui revient sept fois, uniquement dans les lettres d’Abdihiba. Conder et Zimmern ont, les premiers, proposé cette identification. Elle est admise comme plausible par les assyriologues Winckler, Bezold, Lindl, Knudtzon, par les historiens Ed. Meyer, Guthe, C. Niebuhr, A. R. Gordon. Les Ḫabiri, dit Nöldeke, « sont ou les Hébreux — et jusqu’à preuve du contraire c’est l’opinion la plus vraisemblable — ou un autre peuple dont il n’est jamais plus question ensuite » (ZA, 1904, p. 96). L’identité de ces envahisseurs avec les Hébreux est combattue ou contestée par Stade, Cornill, Hommel, Jastrow jr, Lagrange (RB, 1899, p. 127-132), Sayce, W. Max Müller, le P. Vincent (Canaan, p. 449). G. A. Smith, et surtout A.-J. Delattre (Les Pseudo-Hébreux dans les lettres de Tell el-Aniarna, dans la Revue des Questions historiques, avril 1904, p. 353-382). L’hypothèse de Zimmern, contre laquelle on n’a pas apporté, me semble-t-il, de preuve décisive, reste possible, une l’équivalence probable des noms et de la substance des faits, malgré quelques difficultés.

Bien plus contestable est l’identification (affirmée par Winckler, etc.) des Ḫabiri-Hébreux avec les envahisseurs, bandits et pillards désignés par l’idéogramme SA-GAZ, ou seulement GAZ (écrit par d’autres : GAS) dans plusieurs lettres de la même collection. Le danger est signalé au roi d’Egypte par Abimilki, gouverneur de Tyr, par Zimriddi, gouverneur de Sidon, etc., et surtout, dans une trentaine de lettres par Rib-Addi, gouverneur de Gubla(Gebaïl, Byblos). Ces SA-GAZ attaquent donc la Phénicie septentrionale ; on les trouve aussi dans la région de Damas. Cela s’accorde mal avec la tradition des Hébreux sur la conquête de Canaan.

S’il était dénomtré que les Ḫabiri sont les Hébreux, il faudrait placer l’exode non plus sous Ménephtah, comme on le fait généralement sans raison péremptoire (cf. Vigouroux, BDM6, II, p. 288). nuiis deux siècles plus tôt. Thoutmès III serait le Pharaon oppresseur les Hébreux, et Aménophis II le Pharaon de l’exode (cf. E. Lindl (cath.), Cyrus. p. 39, 40). Pour plus de détails sur la date de l’exode voir l’article du P. Mallon, L’Egypte et la Bible.

Passons à l’époque des Rois.

I Reg. xx, 34 nous apprend que le roi d’Israël Achab fit alliance avec Benhadad II, roi de Damas, après l’avoir battu près d’Aphec. Une inscription de Salmanasar II confirme cette donnée d’une façon intéressante : le roi d’Assyrie par la victoire de Qarqar en 854 triomphe d’une coalition où Achab d’lsraël (A-ḫa-ab-bu mat Sir-’-la-ai) avec 10.000 hommes et 2.000 chars combattait à côté de Benhadad II de Damas (appelé dans le texte assyrien Dad’idri (= Ḫadad-idri, Hadadezer) d’après Schrader ; ou Bir’idri, suivant Winckler).

La Bible est complétée sur un autre point par l’obélisque noir de Salmanasar II qui mentionne « le tribut de Jéhu, fils d’Omri » (Amri (ou Omri) étant le fondateur de Samarie, les Assyriens appelaient le royaume d’Israël Bit ou mât Ḫumri, Maison ou pays d’Omri) ; et Jéhu ou son ambassadeur est représenté prosterné la face contre terre devant le grand roi (842 av. J.-C). Le même monument parle de 1.121 chars et de 470 chevaux pris la même année à « Hazaël de Damas », qui est en effet nommé dans I Reg. xix, 15, 16, comme roi de Damas et contemporain de Jéhu.

Adadnirari III (812-783) se vante d’avoir soumis le littoral de la Méditerranée, Tyr, Sidon, le pays d’Omri (le royaume d’Israël), Edom, les Philistins. Cette campagne se place probablement en 803.

Vers le milieu du viiie siècle nous rencontrons le grand conquérant assyrien Téglathphalasar III (745-727). A lire simplement dans la Bible les passages relatifs à Phul et à Téglathphalasar III, il semblerait que ce sont deux rois d’Assyrie différents. Ainsi l’ont compris tous les commentateurs avant la découverte des inscriptions cunéiformes. Voir II Reg. xv, 19 et 29, et surtout I Chr. v, 26. Cependant ce sont deux noms différents d’un même personnage : Téglathphalasar, roi d’Assyrie et conquérant de la Chaldée, est appelé Poulou (Phul) comme roi de Babylone. L’identification, suggérée d’abord par H. Rawlinson en 1863, est devenue tout à fait certaine depuis la découverte de la Chronique babylonienne, qui donne la série des rois et nomme Téglathphalasar juste à la place où se trouve Pula (Phul) dans la liste des rois de Babylone et Πῶρος (= Pulu) dans le Canon de Ptolémée.

738. — Dans ses Annales, Téglathphalasar III énumère ainsi les princes qui lui ont payé tribut la huitième année de son règne : « Tribut de Kouṡtaṡpi de la ville de Koummouh, de Raṣon du pays de Damas, de Menahem de la ville de Samerina, de Hirom de la ville de Tyr, de Sibittibi’li de la ville de Gebaïl », etc. Ces lignes se rapportent à la huitième année du règne de Téglathphalasar, 738. Très probablement Menahem (Meniḫimme) nommé là est Manahem (héb. Menahem) de Samarie, dont il est dit, II Reg. xv, 19. qu’il paya un tribut de mille talents d’argent à Phul, roi d’Assyrie. Très probablement, dis-je, et pas certainement, malgré l’opinion générale, parce que ce Menahem de Samerina ressemble beaucoup, par son nom et par la place qui’il occupe, à un Menahem de Samsimourouna, tributaire de Sennachérib en 701 et sûrement différent de Manahem d’Israël mort vers 736.

735-732. — C’est à ce même Téglathphalasar que le roi de Juda Achaz écrivit en 735 : « Je suis ton serviteur et ton fils ; viens, et délivre-moi du roi d’Aram et du roi d’Israël qui se sont levés contre moi (II Reg. xvi, 7). On connaît l’entrevue célèbre où le prophète Isaïe condamne cette politique néfaste (Is. vii). Téglathphalasar accourait l’année suivante et, pour prix de ses services, il inposait à Achaz un lourd tribut. Dans une inscription, « Achaz de Juda » est enregistré parmi les tributaires de 734 ; cf. II Reg. xvi, 8. — II Reg. xv, 29 est d’accord avec le texte