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BABYLOXE ET LA BIBLE

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ou une vingtaine, disposés et groupés ensemble pailles combinaisons très variées. Le nombre des signes les plus usuels est d’environ trois cents. A l’origine, c’étaient simplement des lignes représentant les objets. On écrivait sur la pierre ou sur l’argile molle. Les tablettes d’argile étaient ensuite cuites au four ou seulement séchées au soleil ; beaucoup nous sont parvenues mutilées ou à l’état de fragments ; d’autres parfaitement conservées, aussi nettes qu’au premier jour.

En 1802, la sagacité du savant allemand Grotefend, s’exerçant sur le texte perse des inscriptions trilingues de Persépolis, avait trouvé la clef de l'énigmatique écriture cunéiforme. Lorsque Henry Rawlinson, avec une ardeur et une persévérance extraordinaires, eut copié (1836-37, 1844)— estampé (1847), interprété en partie et publié (1846-1851) la grande inscription trilingue (perse, anzanite, babylonien) de Darius I Hystaspe, gravée sur le rocher de Béhisloun (non loin de Kermanchah dans le Kourdistan), le déchiffrement de l’assyro-babylonien avança rapidement. Parmi les savants qui y travaillèrent avec le plus de succès il faut nommer au premier rang H. Rawlinson, Ed. Hincks et J. Oppert. La langue de Ninive et de Babylone se révélait langue sémitique, assez voisine de l’hébreu. A côté des textes sémitiques, on en a trouvé d’autres en bon nombre, écrits et lus de telle façon qu’ils ne se rattachent à aucune langue connue ; ils sont souvent accompagnés d’une traduction assyrienne interlinéaire. La plupart des savants les disent composés en langue sumérienne. C’est une question très obscure, dont la discussion, qui dure depuis plus de trente ans, n’entre heureusement pas dans notre sujet.

Fouilles en Assyrie. — Un Français, P. E. Botta, agent consulaire à Mossoul, débute en 1842 dans ce genre de recherches à Mossoul même, et tout à côté à l’est, sur l’autre rive du Tigre, où sont les ruines de Ninive. A Khorsabad, près de Mossoul, au nord-est, il découvre le palais de Sargon avec les magnifiques sculptures, peintures et inscriptions qui ornaient les murs des grandes salles. Ses travaux sont continués par Victor Place (1851-55).

Les Anglais se mettent bientôt à l’œuvre : de 1845 à 1847 Layard, aidé par H. Rassam, retrouve l’emplacement de Kalah (Nimrud, près de Mossoul, au sud) et de Ninive (Koyundjik), et les restes de huit palais assyriens. De 1849 à 1851 explore à fond le palais de Sennachérib, et là il met la main sur une partie de la bibliothèque d’Assourbanipal. Rassam en trouvera une autre partie dans le palais même d’Assourbanipal (1853-54). Avec 3.000 inscriptions de même provenance, exhumées par George Smith en 1874, et 1.400 autres par Rassam quatre ans plus tard, ce sont en tout plus de 20.000 tablettes de la bibliothèque royale de Ninive, aujourd’hui au British Muséum ; G. Bezold en a dressé le catalogue détaillé (5 vol. gd in-8°, 1889-99). Divers monuments importants seront mentionnés plus loin à l’occasion. Signalons encore les ornements des portes du palais de Salmanasar II (860-825), découverts par Rassam en 1878 à Balawàt, au sud-est de Ninive : sur des plaques de bronze un double rang de fins bosselages représentent des scènes de la vie du roi et de ses guerres. On n’a fait que glaner ensuite, en Assyrie, les restes de ces abondantes récoltes, jusqu’en 1903, où les fouilles de Qala’at-Sergât (= Assour, sur la rive droite du Tigre, au sud de Ninive) ont permis de compléter presque entièrement la liste des anciens patésis (princes-prêtres) et rois d’Assour. Elles sont dues aux Allemands, ainsi que celles de Sendjirli (nord de la Syrie, nord-est d’Alexandrette), où fut trouvée en 1891 une remarquable stèle d’Asarhaddon avec figures et inscription cunéiforme.

Fouilles en Bahylonie. — En Babylonie les premières explorations (1849-1855, Loftus, Layard, Offert) furent superficielles ou peu productives. Cependant J. E. Taylor reconnut le temple de Sin dans les ruines de Muqayyar (ou 'Mugheir : = Our biblique). La période des découvertes importantes s’ouvre avec les fouilles de E. de Sarzec à Tello ( = Sirpourla = Lagas), 1877-1900, reprises en 1903 et continuées jusqu’à présent sous la direction du capitaine Cros. Elles ont mis au jour de précieux monuments des anciens rois de Lagas (IIIe et IVe millénaires avant Jésus-Christ). C’est de là que proviennent la stèle des Vautours, le magnifique vase d’argent d’Entéména, les statues et les cylindres de Goudéa (cyl. A et cyl. B, en tout environ 1.500 lignes). Les résultats ont été publiés avec la collaboration du savant archéologue Léon Hauzey ; les inscriptions ont été éditées et interprétées surtout par Amiaud et Fr. Thureau-Dangin.

Rassam avait étendu ses explorations jusqu’à Babylone (1879) et à El-Birs (Borsippa) ; il eut le bonheur d’inaugurer les fouilles d’Abu-Habba, l’antique Sippara, et d’y découvrir le temple de Samas. Plus tard, en 1894, le P.Scheil, O. P., y fera des fouilles avec fruit pendant deux mois. Les fouilles allemandes, entreprises à Babylone en 1887, ne donnèrent pas de grands résultats. Reprises en 1899 sous la direction de M. Koldewey, elle se poursuivent patiemment et scientifiquement.

Une expédition a été organisée, il y a vingt ans, par l’Université de Pensylvanie pour l’exploration des ruines de Nuffar (ou Niffer = Nippour). La ville est étudiée méthodiquement, à fond, jusqu’à l’époque antérieure à Sargon l’ancien ; on a découvert le temple de Bel avec quantité de documents de toutes sortes. Hilprecht, savant assyriologue, un des chefs de l’expédition, donne le chiffre de plus de 50.ooo tablettes trouvées sur ce terrain et examinées par lui.

Enfin, dans le pays d’Elam, à Suse, ce sont encore les Français qui ont ouvert la brèche. Les fouilles, commencées en 1897 sous la direction de M. de Morgan, exhumèrent bientôt des trésors inattendus : qu’il suffise de nommer l’obélisque de Maništousou (IVe millénaire), couvert d’une très longue inscription, la stèle qui célèbre la victoire de Naràm-Sin sur les Louloubi, etc. (stèle emportée de Babylonie à Suse par un conquérant) et surtout le célèbre code de Hammourabi. Ces textes ont été promptement édités et traduits par le P. Scheil, ainsi que les autres inscriptions sémitiques et anzanites trouvées à Suse (7 vol. gd in-4°).

Il faut mentionner ici (il en sera question plus loin) les lettres d’El-Amarna dont la découverte fut une grande surprise pour les savants : 300 tablettes d’argile, trouvées en 1887 à (Tell) el-Amarna, sur les bords du Nil, à 260 kilom. environ au sud du Caire, contiennent, en caractères cunéiformes et en langue assyro — cananéenne, la correspondance d’Aménophis III et d’Aménophis IV avec divers princes et intendants de l’Asie occidentale (de la Palestine en particulier, alors sous la domination égyptienne), vers 1 400 av. J. C.

Ce simple aperçu laisse entrevoir l’immense champ ouvert aux recherches. Il reste encore un nombre considérable de tells, cachant des ruines de villes antiques, complètement inexplorés, ou examinés très superficiellement. Au jugement de Hilfrecht, les ruines de Warkâ ( = Ourouk, Erech), les plus vastes de toute la Babylonie, demanderaient, pour être sondées à fond, une somme de 500.ooo dollars (environ 2.600.000 fr.) et au moins cinquante ans de