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BABYLONE ET LA BIBLE

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Il est hors de doute que « l’éminente dignité des pauvres dans l’Eglise » leur assure plus efficacement que tous les moyens juridiques du monde, cette charité entendue au sens le plus élevé du mot, qui seule sait aller au delà de la stricte justice et apporter en plus du secours matériel l’amour vrai, sincère et ingénieux, qui ne se trouve pas derrière les guichets de la caisse de l’assistance publique. Pendant toute la durée du moyen âge, l’Eglise fut chargée exclusivement du soin de l’assistance. Encore faut-il remarquer que fréquemment le souverain intervenait pour prendre à sa charge une notable partie des dépenses et même pour fonder directement des œuvres dont il donnait la gestion à des religieux. Mais ce monopole de fait tenait à des raisons historiques et sociales. A cette époque, l’Eglise était encore la seule institution suffisamment forte, possédant assez de biens et se trouvant à l’abri de toutes les vicissitudes du temps pour se charger d’une façon permanente d’un pareil service. Que par la suite, à partir du xvie siècle, l’Etat, désireux de prendre l’assistance sous son contrôle et sa direction, se soit trop souvent montré brutal et ingrat vis-à-vis de l’Eglise, c’est certain. Que de nos jours notamment les bureaux de bienfaisance soient devenus des moyens de pression sur les consciences, cela n’est, hélas ! que trop vrai. Cependant ces faits, profondément regrettables, je le répète, laissent intacte l’importante question que voici : La société civile a-t-elle, par le fait même qu’elle est la société, une dette juridique à acquitter vis-à-vis de certains de ses membres pauvres, incapables de travailler et privés de ressources ?

Or quels sont en matière de bienfaisance les devoirs et les droits du pouvoir public ? D’une manière générale, l’Etat doit non seulement protéger les droits des citoyens, mais aider à l’exercice de ces droits et suppléer les activités sociales, lorsque le bien de la société le réclame. Delà découle le double rôle du pouvoir dans l’ordre de la bienfaisance : 1° protéger, 2° suppléer, un devoir de protection et un devoir de supplément : protection pour les institutions de charité qui se sont développées dans le sein de la société par les soins de particuliers ou de l’Eglise, supplément pour la création de celles qui feraient défaut et à la création ou la conservation desquelles les particuliers ou l’Eglise ne pourraient suffire.

Ceci posé, lorsqu’il s’agit de malheureux incapables de travailler — invalides ou vieillards — l’Etat a l’obligation morale de les empêcher de mourir de faim ou de maladie. Ne doit-il pas protéger le droit primordial des citoyens à l’existence ? Toutefois ce devoir d’assistance ne confère pas au malheureux un droit juridique. C’est le propre de la loi de transformer du côté de l’Etat l’obligation morale en devoir juridique, et du côte du pauvre le droit imparfait en droit juridique, dont il peut poursuivre l’exécution devant les autorités compétentes. Alors le pauvre a une véritable créance sur l’Etat, il devient un ayant droit. Une telle loi est-elle juste ? Oui, car l’Etat peut, quand le bien commun de la société l’exige, transformer une obligation morale en obligation juridique. C’est ainsi, par exemple, que la loi prescrit aux enfants de nourrir leurs parents dans le besoin, et donne à ceux-ci une créance alimentaire sur leurs enfants. Mais si le pauvre n’a plus de famille ou que celle-ci soit elle-même dans la misère, dans ce cas extrême la société doit intervenir et se substituer à la famille incapable ou absente. Elle le fera pour protéger le droit du malheureux à l’existence, et parce que le bien commun de la société demande qu’on ne laisse pas mourir de faim les citoyens.

D’après ces explications, il n’est plus question d’une charité imposée par l’Etat contre tout droit et toute justice. Il s’agit d’une obligation propre à l’Etat, qui en tant qu’organe social a des devoirs vis-à-vis des personnes qui vivent en lui. Sans doute, pour s’acquitter de ces devoirs, l’Etat n’a pas d’autre moyen que l’impôt, mais en le percevant dans ce but il n’impose point aux citoyens la pratique de la charité vis-à-vis d’autres citoyens. Il s’adresse à eux comme membres de la société, ayant le devoir de contribuer à l’acquittement des charges de cette société et à la marche des services publics. Ce n’est pas du tout la même chose.

En même temps on limite l’action de l’Etat au cas d’extrême nécessité, puisque les principes sociaux veulent qu’apparaissent à la fois le droit à la vie et la nécessité de substituer l’Etat à la famille. Enfin sous le régime du droit à l’assistance limité et conditionnel, les droits de l’Eglise et de la charité privée ne subissent aucune atteinte. L’Etat a une obligation à sa charge personnelle, obligation nettement déterminée. S’il prétend sortir de ces limites en monopolisant la bienfaisance, en entravant l’exercice de la charité privée, il commet une injustice. Qu’on ne dise pas que l’intervention de l’Etat ainsi entendue rendra inutile la charité privée, car celle-ci aura toujours l’assistance des pauvres honteux, souvent si dignes d’intérêt, le soin des malades qui ne veulent pas ou ne peuvent pas aller à l’hôpital, le soulagement de la misère pendant les délais requis pour la mise en vigueur du droit à l’assistance, etc., etc. D’ailleurs le terrain de la justice déterminée par la loi est extrêmement restreint, il comprend seulement le minimum nécessaire pour ne point mourir de faim, au delà s’ouvre le champ illimité de la charité.

L’idée de droit à l’assistance a été dégagée seulement de nos jours, elle se formule dans les revendications populaires et tend de plus en plus à pénétrer dans les diverses législations des peuples civilisés. Si pour les uns elle tire son origine d’une vague notion de solidarité, si pour les autres elle est un produit du socialisme, elle trouve dans les principes sociaux du catholicisme sa justification, sa limite et partant sa sauvegarde. Ici encore la doctrine catholique, loin d’arrêter le progrès social, le favorise au contraire et s’y adapte merveilleusement.

Ch. Antoine.
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BABYLONE ET LA BIBLE.

I. Considérations préliminaires : L’écriture cunéiforme. — Histoire des fouilles. — La critique biblique. — Panbabylonisme.

II. Les origines : La création. — Le Paradis et la chute du premier homme. — Les patriarches antédiluviens. — Le déluge. — La Tour de Babel.

III. La chronologie : Le Canon des Eponymes ; le Canon de Ptolémée. — Dates certaines servant de jalons dans l’histoire d’Israël. — Documents babyloniens les plus anciens.

IV. L’histoire : Valeur des documents historiques assyro-babyloniens. — Abraham. — Moïse. — Les Ḥabiri et l’Exode. — Principaux faits de l’époque des Rois.