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ASCETISME


qui le révèle, mais aussi voile qui le cache. La lumière de la foi et le don de sagesse nous aident sans doute à le mieux voir et à le mieux atteindre ; mais parce qu’ils ne changent pas noire mode de connaissance, il en résulte nécessairement que, même avec leur secours, nous ne pouvons nous unir à Dieu, pendant cette vie, qu’imparfaitement. Au ciel seulement la pleine lumière, au ciel seulement la pleine union. La foi, qui nous l’apprend, n<His apprend encore que, déjà sur la terre, nous pouvons, par des actes surnaturels de l’intelligence et de la volonté atteindre Dieu, comme principe et lin surnaturels, nous joindre à ce bien souverain, en vivre, grandir en lui, et nous préparer à la rencontre face à face et aux joies divines de la vision intuitive. Cf. Ant. Le Gaudier, S. J., De perfectiune vitae spiritualis, p. i, sect. i, cap. 4 L’ascétisme doit aider ces actes surnaturels de l’intelligence et de la volonté. Ils ont pour principe en nous la grâce. C’est elle qui nous permet dès maintenant, de vivre de la Aie divine et de nous unir à Dieu très intimement. Dieu en effet est la vie de notre àme, non seulement parce qu’il lui a donné les dons qui lui permettent de vivre et d’agir surnaturellement, mais encore parce que l’àme, par ces dons, atteint Dieu lui-même. Elle s’en nourrit comme de l’aliment qui lui est propre, qui la fait croître et se perfectionner. Cette divine nourriture la rend de jour en jour plus semblable à Dieu, la divinise.

Notre perfection de chrétiens, c’est donc, dès icibas, de nous unir à Dieu par la grâce le plus étroitement possible, et l’ascétisme n’a pas d’autre but que de nous y aider.

Par quels actes particuliers s’opère cette union et quelle espèce de secours doit nous donner l’ascétisme ? Dieu est le plus simple des êtres, il semble dès lors qu’il n’y ait qu’un moyen de s’unir à lui. Il est vrai de dire cependant que tous les actes extérieui’s par lesquels, dans sa divine bonté, il se donne aux créatures sont pour nous des moyens de l’atteindre. Ses bienfaits et dans l’ordre de la nature, et dans l’ordre de la grâce, et dans l’ordre de la gloire, sont comme des liens qui peuvent nous unir à lui.

— Dieu est notre Créateur. A chaque instant il emploie sa puissance à nous conserver ses dons ; dès lors notre volonté doit estimer et chérir sa bonté, reconnaître qu’elle lui doit tout, et, par l’aveu de cette dépendance, augmenter en elle, d’une certaine façon, la vie de ce Dieu qui lui a tout donné. — Dieu est notre liii, notre souverain bien ; par l’espérance notre volonté, se détachant des biens de ce monde, s’efforce de s’unir à Lui. C’est sa béatitude du temps, avant d’être sa béatitude de l’éternité. — Dieu est la beauté iniinie, donc infiniment aimable, et nous devons donc l’aimer d’un amour de charité. Quand il n’aurait pas d’autre titre à notre tendresse, sa diine amabilité serait une raison sulfisante de lui rendi-e nos hommages, de lui vouloir tout le bien possible, un bien infini, de lui donner, si nous le pouvions, et s’il ne les avait déjà par lui-même, et la Toute-Puissance, et la Toute-Beauté, et la Toute-Grandeur, et la Toute-Bonté et toutes ses perfections inlinies.

De tous ces sentiments, de toutes ces vertus en est-il une qui opère seule ou du moins qui achève notre union avec Dieu commencée par les autres ?

— Cette vertu, si elle existe, ne sera pas la foi. Acte de rintelligence, la foi, pendant cette vie, ne peut s’unir directement à son objet, elle n’atteint Dieu qu’à travers les oljscurités de la révélation, dans des images et sous des symboles. — La volonté réussirat-elle mieux que rintelligeuce, et ses vertus auront-elles plus de p.iissance ? Aux obscures clartés de la foi, que l’on peut comparer à une lampe qui brille dans un lieu somln-e (II Petr., i, 19), la volonté

aperçoit suffisamment le souverain Bien auquel elle doit s’unir. Elle ne peut sans doute le vouloir, tendre vers lui et l’aimer qu’autant qu’il est connu ; il reste vrai pourtant que cette connaissance n’est pas le motif mais seulement la condition de son amour. Le A-rai motif qui porte la Aolonté à s’unir à Dieu, à le désirer, à l’aimer, c’est sa perfection infinie, c’est sa bonté infinie. Sans doute encore cette perfection, cette bonté infinie doivent être manifestées par l’intelligence, et cette manifestation est imparfaite. Mais l’intelligence, en raisonnant sur son concept, comprend suffisamment qu’elle ne peut saisir la perfection de Dieu ; elle sait d’ailleurs qu’il est digne d’un amour infini et, dès lors, elle dégage assez son acte de son imperfection nécessaire, pour que la Aolonté, d’un plein élan, de toute elle-même, se porte non pas sur l’objet limité qu’elle lui propose, mais sur cet objet infini tel qu’il existe. Saint Thomas répète sou-A-ent que la Aolonté par l’amour se porte A-ers l’objet tel qu’il est en lui-même, l’intelligence, au contraire, ne l’atteint qu’autant qu’il est en elle-même (Sui » . I » 2° q. 2’j, a. 2. — Cf. De perfectione vitae spiritualis, pars. I, sect. i, cap. 6). D’où, l’on peut conclure que les actes de la A-olonté sont, dans cette Aie, plus parfaits que ceux de l’intelligence, et que notre perfection consiste dans une A’crtu de la Aolonté.

Est-ce l’espérance ? Par elle nous tendons vers Dieu, notre fin dernière, notre souvcrain bien ; nous y tendons cependant, non pas parce qu’il est le souverain bien, mais parce qu’il est ?wtre souvcrain bien. Il serait plus parfait éA’idemment de chercher à nous unir à Dieu pour lui-même : il peut donc y aA’oirune Aertu de la volonté qui, mieux que l’espérance, nous fasse atteindre notre fin.

Est-ce la religion ? Elle nous unit à Dieu, elle atteint la majesté divine et son excellence infinie ; elle ne le fait pas cependant d’une manière parfaite. Il peut arriA’er en effet que notre culte religieux procède, non pas de notre bienvcillance euA-ers Dieu, mais de la crainte ou de la nécessité ; il ne saurait donc seul nous unir parfaitement à notre fin dernière// La Aertu de religion n’atteint pas d’ailleurs Dieu directement, elle a pour objet premier le culte qui lui est dii. La justice, l’obéissance, la pauA’reté, la chasteté et toutes les Aertus morales, sont de même un chemin vers la perfection, elles n’en sont pas le terme ; elles ne nous unissent pas immédiatement à Dieu, notre souA-era-in et unique bien.

Reste la charité. Par elle, chaque jour notre àme acquiert une connaissance plus intime de la bonté divine, par elle se perfectionne notre ressemblance avec Dieu, par elle l’àme, ornée de la grâce surnaturelle, non seulement se sent unie aux perfections divines par les actes des différentes A^ertus, mais encore, d’une certaine façon, attire ces A-ertus en elle, pour en vivre et s’en diviniser. C’est elle qui établit entre Dieu et nous cette union si intime par laquelle nous dcvenons aA^ec lui un même esprit. Par la charité l’àme se plonge en Dieu tout entière, et Dieu tout entier se donne à l’àme, ils s’unissent tous deux d’une admirable et incompréhensible union. Pour l’àme cette union consiste dans la tradition entière au Dieu qu’elle aime, de son intelligence, de sa A-olonté, de ses opérations, de tout son être. Et voici le résultat : dans son intelligence, dans sa volonté, dans toute sa vie, c’est l’infinie bonté de Dieu qui va se manifester, non seulement remplir ses puissances, mais tellement y grandir, tellement les absorber que l’àme Ijaraisse vivre non plus elle-même, non plus ijour elle-même, non plus en elle-même, mais en Dieu seul et pour Dieu seul. Il n’est que l’amour pour posséder une pareille puissance de transformation. Saint Augustin, parlant de l’amour des chrétiens pour Vie-