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ASCETISME


l’héritage qui l’attend… Courage, ô âme, et comme tu as quitté tout le reste, sors aussi de toi. » Quis rerum div inarum hères, éd. Mangey, Londres, 1742, t. I, p. 482.

Il serait trop long de continuer ainsi l’étude même sommaire de tous les ascétismes de l’antiquité ; rien de plus difficile à éclaircir, en particulier, que l’ascétisme du bouddhisme et du brahmanisme, ei, peut-on ajouter, rien de plus terre-à-terre. Le but comme les manifestations varient avec les époques et avec les castes. Les lois de Manu obligent le brahmane à des actes d’une minutie ridicule : Un brahmane ne doit pas enjamber une corde à laquelle un veau est attaché, ni courir pendant qu’il pleut, ni boire dans le creux de sa main, etc. Entrer dans le détail des obligations imposées au prêtre serait fastidieux. A peine trouve-t-il une heure dans sa journée dont l’emploi ne soit pas minutieusement réglé. Il y a plus, ces misérables prescriptions du rituel brahmanique semblent bien ne manifester aucune préoccupation morale.

On peut dire que chez les Perses et les peuples de la Mésopotamie, de la Syrie et de la Phénicie, l’ascétisme est nul, nul encore chez les Romains, où pourtant il faut signaler l’institution des Vestales ; nommons aussi les xv.to-//ji, prêtres et prêtresses du dieu Sérapis en Egypte.

Il n’en est pas de même chez les Juifs. Dans la pensée divine ils étaient les préciu’seurs des chrétiens, et la Loi nouA’elle devait développer l’ancienne Loi. Il convenait donc qu’il y eût chez le peuple juif un ascétisme. Dieu, le législateur suprême, en fixa lui-même les pratiques, comme lui-même en détermina le but. Ces pratiques ordonnent l’abstinence légale de différents aliments : chair de certains animaux et surtout le sang et la graisse (Lev., vil, 27 ; xvii, 10-16 ; Deut., xiv, ii ! -21 ; xv, 28…, etc.), et elles fixent des jeûnes annuels (Lev., xvi, 29-34 ; xxiii, 27-88 ; Num., XXIX, 7-12 ; Zach., vii, 15 ; viii, 19). En même temps qu’il impose ces privations, Dieu en indique nettement le but. « Vous êtes les enfants de Jéliovah, votre Dieu… Tu es un peuple saint à Jéhovali, ton Dieu, et Jéliovah t’a choisi pour lui être un peuple particulier entre tous les peuples qui sont sur la surface de la terre. » (Deut., xiv, 1 et 2.) Ces prescriptions, ces jeûnes, cet ascétisme ont donc pour effet de resserrer les liens qui unissent Dieu à son peuple choisi, Jéhovali à Israël, ils sont le signe d’une bonté et d’une protection paternelle, comme aussi d’une obéissance, d’une vénération et d’une confiance filiale. Ils aideront les Juifs, en leur rappelant les grands souvenirs d’Egypte et du désert, à lutter contre leur esprit d’insubordination, et contre les mauvais exemples qui leur seront donnés par les peuples étrangers, et ainsi à rester fidèles à Jéhovah. Ce sera en outre, un moyen d’obtenir le pardon de leurs offenses.

Mais maintenant encore, dit Jéhovah,

Revenez à moi de tout votre cœur,

Avec des jeûnes, avec des lai-mes et des lamenta Déchirez vos cœurs et non vos vêtements, [tions.

Et revenez à Jéhovah, votre Dieu ;

Car il est miséricordieux et compatissant,

Lent à la colère et riche en bonté.

(Joël, 11, 12 et 13.)

Ces jeûnes, le texte de Joël l’indique, doivent être l’expression de la volonté ou du repentir de l’âme :

Déchirez vos cœurs et non vos vêtements ; pom-obtenir tout leur effet, ils doivent être accompagnés d’œuvres de charité.

Que nous sert déjeuner, si vous ne le voyez pas, D’humilier notre âme, si vous n’y prenez garde ? demandent les Juifs à Jéhovah. Il répond :

Au jour de votre jeûne, vous faites vos affaires * Et vous pressez au travail vos mercenaires. C’est en vous disputant et aous querellant que

[vous jeûnez,

Jusqu’à frapper du poing méchamment ; Vous ne jeûnez pas en ce jour

De manière à faire écouter votre voix en haut, Est-ce là le jeûne auquel je prends plaisir, Un jour où l’homme liumilie son àme ?

(Is., Lviii, 3-5.)

La perfection de l’iiomme, c’est d’unir sa volonté à la volonté divine, tel est bien le but des pratiques ascétiques du judaïsme. On trouve d’ailleurs dans l’histoire du peuple hébreu l’existence de véritables ascètes et même un essai de l’ascétisme en commun. Les Nazaréens sont bien des ascètes(Num., VI, i sqq.) par leur vœu d’abstinence perpétuelle ou temporaire de vin et de toute boisson enivrante. Les écoles des prophètes ne sont pas sans doute des communautés monastiques, et il faut en dire autant des Réchabites dont nous parle Jérémic au chapitre xxxv. Il convenait pourtant de signaler ces deux groupements. Les communautés esséniennes sont plus curieuses. Nous les connaissons par Philon, Josèphe et Pline. Les Esséniens n’ont point l’obligation du célibat, mais cependant ils détestent le mariage et se forment une famille au moyen d’enfants qu’ils adoptent et façonnent à leurs usages ; ni indigence ni richesse parmi eux, chacun met tout son avoir à la disposition de tous ; ils se gardent de toute délicatesse dans le vivre et le vêtement, détestent les parfums ; modestes dans leurs regards et leur démarche, ils s’interdisent les plaisirs que d’autres trouvent légitimes. Renoncement et dévouement : tel semble avoir été leur idéal. Il est regrettable que de graves erreurs doctrinales se soient mêlées à des pratiques aussi recommandables.

L’ascétisme chrétien-, comme tout ascétisme, se compose de moyens, d’exercices destinés à atteindre un but. Tâchons d’abord de déterminer le but ; les moyens ont varié.

Ascétisme chrétien. — Dieu n’a pu créer que pour Lui-même ; toute créature est donc pour Dieu, l’homme est donc pour Dieu. « Fecisti nos ad te et irrequietum est cor nostrum donec requiescat in te. » S. Aug., Conf., i, 1. Nous devons aller à Dieu, parce qu’il est notre Créateur, nous devons aller à lui encore pour répondre à un besoin de notre être. Dieu est notre bien suprême, rien si ce n’est lui ne peut suffire à notre bonheur. « Satis ostendis, écrit encore saint Augustin, quam magnam feceris creaturam rationalem. Cui nullo modo sufficit ad beatam requiem, quiquid te minus est. « Conf., xiii, 8. Dieu est notre principe, Dieu est notre fin ; partis de lui, nous retournons à lui. Voilà bien l’essence et la moelle de la doctrine chrétienne, comme aussi, dans sa forme la plus large, la notion de notre perfection ; dès lors le l)ut de l’ascétisme chrétien est de nous conduire à Dieu, notre fin, notre idéal.

Mais comment aller vers Dieu, comment l’atteindre ? Dieu est esprit, c’est par notre esprit que nous l’atteindrons. Saint Thomas représente l’intelligence et la volonté comme les deux bras de notre àme qui servent à saisir la vérité et la bonté, et à nous les unir. Or, la vérité par essence, la bonté par essence, c’est Dieu. Pendant cette vie, nous ne pouvons le saisir qu’imparfaitement, à travers la création, image