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APOTRES (ACTES DES)


IV. Valeur historique des Actes. — Le temps n’est plus où l"éc’ole t !e Tiiliiiii^uc rangeait les Actes parmi les essais de coiicUiatiuii entre le pétrinisme et le paulinisme, en leur déniant toute valeur historique. La critique a réussi à classer cette hypothèse parmi les fantômes à jamais évanouis, dont il est désormais inutile de s’occuper.

Au contraire, les considérations que nous avons été amené à faire au sujet des questions précédentes, nous permettront d'établir aisément l’autorité du livre des Actes. Une bonne partie du livre est, en effet, écrite par un témoin oculaire, ou très voisin des événements qu’il rapporte. Luc avait voyagé avec Paul, de Troas à Philippes (xvi, lo-i'^) ; au voyage suivant, le troisième, il accompagne Paul de Philippes à Milet (xx, 5-15) et de Milet à Jérusalem (xxi, 1-18). Il lit avec Paul captif le voyage de Césarée à Rome (xxvii, i-xxviii, 16). Pour toute cette période, on ne saurait désirer meilleure information. On reconnaîtra aussi que, pour le premier voyage de Paul (Act., xiiixr'), Luc a pu s’informer avec sûreté et sans grande difficulté.

Pour ce qui regarde les origines de l’Eglise de Jérusalem et des Eglises de Palestine, il aurait eu, d’après une hypothèse à laquelle nous nous sommes déclaré favorable, le très grand avantage de pouvoir se servir d’une source composée en Palestine, assez voisine des événements racontés. Même si l’on regardait cette dernière opinion comme insoutenable, il serait encore facile de prouver que Luc a dû connaître l’histoire des chrétientés primitives de Palestine. Il connaissait et a^ait fréquenté plusieurs personnalités marquantes de l’Eglise de Jérusalem : Jacques le frère du Seigneur, qu’il avait vu en 69 (Act., xxi, 18 s.) ; le diacre Pliilippe, chez qui il avait logé avec Paul, à Césarée (Act., xxi, 8 s.), et qu’il a dû revoir sans doute pendant les deux ans de captiAÎté de son maître à Césarée ; le cousin de Barnabe, Mare, qu il avait rencontré à Rome (Col., iv, io-14) ; son compagnon de voyage Silas (Act., xv, 40 ; xvi, 10 s.), qui avait été jadis chargé de porter la lettre du Concile de Jérusalem aux chrétiens d’Antioche ; d’autres encore, comme Mnason « l’ancien disciple » (Act., xxi, 16) et sans doute aussi Jésus le Juste (Col., iv, 11) : tous ces chrétiens, certainement les quatre premiers, ont pu renseigner Luc sur les grands événements qui avaient suivi la mort et la résurrection du Christ. Ils l’auront fait sans le moindre doute. Car l’Evangéliste qui avait soin de renseigner exactement Théophile, n’aura pas manqué de s’informer auprès de ces premiers convertis de Jérusalem « sur les choses qui s'étaient accomplies parmi eux » .

Les considérations qui précèdent sont fondamentales pour établir la valeur historique des Actes. Elles ne suffisent sans doute pas à prouver l’exactitude des moindres détails de la narration. En histoire, une exactitude absolument minutieuse ne se prouve que très rarement. En apologétique d’ailleurs, l’autorité substantielle des Actes est seule fondamentale, les détails du récit étant généralement dénués d’importance'. Cependant les découvertes ont mis en lumière l’exactitude de l’auteur des Actes dans des détails tout à fait minimes. Signalons une inscription

1. Nous renonçons donc à essiniinerici certaines objections dont jadis on faisait grand cas contre l’autoVilé historique des Actes : une crrour chronolog-iriue dans le discours de Ganialiel (v, 36) ; des inexactitudes dans le discours de S. Etienne sur l’histoire patriarcale (vii, 2, 17) des divergences de d « tail dans la triple exposition de la conversion de saint Paul (ix, 1, 30 ; xxii, 4, 16 ; xxvi, 9, 18). S’il fallait admettre dans les Actes des inexactitudes de ce genre, il ne s’en suivrait absolument rien contre l’authenticité des Actes, ni contre leur valeur historique.

de Delphes, peu connue, qui en rendant témoignage au récit des Actes (xvui) permet de préciser la date du proconsulat de Gallion en Achaïe. (Voir BouRGUET, De rébus Jelp/iicis iiiiperatoriae aeiatis capita duo (thèse). Paris, igoS, p. 63, 64.) Luc sait que les magistrats de la colonie Philippes sont appelés mpc/.r : r, yr^i (xvi, 20) ; les inscriptions de Sicile relatent une appellation honoriiique, rpjrt) ;, que Luc donne au gouverneur romain de Malte (xxviii, ^). Le récit de la révolte des orfèvres d’Ephèse contre Paul, tout en ne se trouvant pas dans les Wirstilcke, est particulièrement remarquable (xix, 28, 40). « Le // :  ! '7/.//.aTîiJ ?, secrétaire de la ville, était à Ephèse un magistrat considérable. On lit sur une inscription trouvée dans cette ville, qu’un même personnage est à la fois Asiarque et secrétaire du peuple, 'Amc/.pyrii et y/ ; a, y.//aT£jç tîO Sr, <J-o-j. On ne peut qu’admirer l’exactitude de l’auteur des Actes, que les Hellénistes ne peuvent jamais prendre en défaut pour la désignation des proconsuls, des provinces sénatoriales, des magistrats des différentes villes. De même pour l’expression v£wxc}îî ; 'ApTé/j.iSa : Ephèse est appelée la ville de Diane dans les inscriptions et les monnaies, de même pour le terme otenB-éç qui désigne la vieille statue de bois que l’on croyait tombée du ciel et qui représentait la forme authentique de la déesse. » (V. Rose, I. c. p. 203.Cf. A BLVDAV, Bervufstand des Silberschmieds Demetrius (Kat/iolik. 3Fo'^e, -s.xs.ni). Act., xix, 23-40. Il convient de dire ici un mot du dessein de l’auteur.

« Vous recevrez la puissance du Saint-Esprit qui descendra sur Aous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, et dans toute la Judée, et dans la Samarie,

et jusqu’aux extrémités de la terre. » (Act., 1, 8. Cf. A. Harxack, Die Apostelgeschichte, p. 4-'0.) Voilà le programme dont Luc se proposa l’exéciition, quand il écrivit les Actes pour convaincre Théophile de la vérité du Christianisme. Ce I)ut pratique peut avoir dirigé l’auteur dans l’omission de certains détails, dans l’insistance sur d’autres ; il explique, par exemple, pourquoi Luc ne rapporte pas l’incident entre Pierre et Paul à Antioche, ni les difficultés dans les Eglises de Galatie, ni les ardentes controverses elles coteries chez les Corinthiens. Il faudra compléter les Actes par les lettres de saint Paul, si l’on veut se faire une idée quelque peu exacte des chrétientés de l'âge apostolique. Averti par l’auteur lui-même sur le but et le plan du livre, l’historien qui étudie les Actes ne sera pas offusqué par ces omissions qui s’expliquent si bien ; il n’appréciera pas moins le compagnon de Paul, dont l’excellente information nous a valu un ouvrage qui projette sur l'âge apostolique de si vives et de si précieuses lumières^.

V. Importance apologétique du livre des Actes. — Poiu" montrer l’importance apologétique des Actes, nous croj’ons ne pouvoir mieux faire que d’analyser et de mettre en lumière le témoignage que ce livre rend en faveur du fait de la Révélation, des principaux points de la doctrine chrétienne, et des éléments essentiels de l’organisation ecclésiastique.

I. Le fuit de la Réyélation chrétienne.

Le grand argument en faveur de la Révélation chrétienne a été dès les premiers jours de la prédication apostolique et est encore aujourd’hui lalîésur 1. Le texte du livre des Actes nous est transmis dans les manuscrits et la version avec de nombi’euses et quelquefois assez notables variantes. La recension que contient la Vulgate se rapproche assez du texte authentique. Il sufEt de mentionner cette controverse qui, au point de vue apologétique, n’a pas grande importance. Cf. H. Coppieters, De historia te.rtus Actonnn Apostoloritm (dissei’Ution), Louvain, van Lintliout, 1902.