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APOTRES (ACTES DES)


doit être sûrement placée après G3 ', puisque l’auteur connaît la délivrance de Paul après sa captivité de deux ans (xxvui, 30). Brusquement, il termine alors son ouvrage, ce dont on a souvent conclu que Luc l’avait composé avant la mort de Paul (67). Il y a des difficultés réelles contre cette opinion. Sans doute, la dépendance des Actes à l'égard de Flavius Josèphe, l’historien juif, qui a écrit son livre Antiquités juives dans les dernières années du premier siècle, ne se prouve pas. La date des Actes doit se déterminer plutôt par la date du troisième Evangile. Celui-ci a-t-il été écrit avant ou après 70? Les auteurs qui préfèrent cette seconde alternative, la justifient généralement par les considérations suivantes. L’Evangile de Marc, qu’Irénée dit avoir été composé après la mort de Pierre et de Paul, a servi de source au troisième Evangile : il n’est pas aisé de placer ces deux écrits entre 67 et 70. De plus, la comparaison entre le discours eschatologique du Christ chez Marc et Luc semblerait montrer que Luc a connu le siège de Jérusalem et la ruine de la ville (Cf. Luc, xxi, 20-21 ; Marc, xiu, l-ih). Il est vrai que les partisans de cette opinion ont une certaine difficulté à expliquer la fin si luusque des Actes. (Voir d’autres considérations en faveur de la composition des Actes avant 70, dans Harnack, Die Apostelgeschichte, p. 217-221.)

Du reste, au point de vue apologétique, une différence d’une dizaine d’années jiour la date de composition des Actes n’a pas une importance capitale.

m. Les sources du livre des Actes. — Il n’y a aucun intérêt apologétique à exposer la longue série d’hypothèses émises au sujet des sources des Actes, ni les innombrables essais de restitution tentés par de bien subtils critiques^.

Si Luc est l’auteur des Actes, comme nous avons tâché de le montrer, il n’est guère probable qu’il se

1. Nous suivons ici l’opinion la plus répandue sur la chronologie de la vie de saint Paul.

2. Tout récemment, M. A. Bludal" a ]>ubliésur ce sujet un excellent article bibliograpliique dans la liibUsclic Zeitchrifi de l’JOT, n"' 2 et 15, sous le titre Die QucUenscheidungen in der Apostelgeschichte. Signalons les dernières conclusions de M. A. H.VRNACK (Die Apostelgeschichte, p. 131158) sur les àources de la première partie des Actes qu il étend jusqu'à xvi, 5. M. Harnack, après avoir reconnu 1 impossibilité d'établir une distinction de sources sur des difl'érences de vocabulaire et de style, recourt à l’analyse des divers récits et à l’examen de leurs tendances. Il trouve ainsi une suite de récits qui décrivent l’origine et le développement du christianisme à Antioche : vi, 1-viii, 4 ; XI, 19-30 ; xii, "JS-xvi, 5. Ces récits, de très grande valeur historique, auraient été transmis à Luc pur Silas qui avait habité Antioche (Act., xv, 32-33). — Faisant abstraction de IX, 1-30 (le récit de la conversion de Puuli M. Harnack croit reconnaître dans la partie restante une suite de narrations qui concernent les événements de Jérusalem et de Césarée : Pierre et Phili[>pe sont les personnages ini|)()rtants. C’est la source A, qu’on pourrait attribuer au diacre Philippe qui vécut à Césarée. Elle comprendrait iii, 1-v, 16 ; viii, 5-'40 ; ix, 31-xi, 18 ; xii, 1-24. — Les quelques chapitres qui restent sont, pour M. Harnack, des récils dénués de valeur hisloyiipie. Le chapitre 11 et v, 1742 (la source B) seraient un doublet de ui-iv-v, 1-16 ! La scène iv, 23-31 serait le récit historique dont une tradition peu fidèle aurait fait la légende bien connue de la Pentecôte ! Nous engageons les lecteurs à comparer les récits A et les récits B ; ils verront bien que ces derniers ne constituent pas de simples doublets des premiers..ussi serail-cp bien principalement sur la comparaison des récit’i que Harnack fonde son juj^ement di'-favoi’able sur B ? Ne serait-ce pas plutôt sur ses piincii>es philosophiques concernant le miracle ? Il est permis de le croire, puisque le récit de r.scension (ch. i) auquel il n’est pas possible d assigner un doublet quelconque, n’est pas mieux traité que le cb. 11.

soit servi de sources dans la seconde partie de son livre (à partir du ch. xiii ou ch. xvi. 6) où il raconte surtout les missions de saint Paul. Tout au plus coinprendrait-on qu’il ait inséré dans son ouvrage certains petits documents, comme la lettre des apôtres et des presbytres de Jérusalem aux chrétiens d' Antioche (xv, 28-29), ^^"^ ^* lettre de Lysias au gouverneur Félix (xxiii, 26-30).

Selon notre opinion sur l’auteur des Actes, le problème des sources doit se restreindre à la première partie (ch. i-xii ou ch. i-xvi, 5). Luc se serait-il servi d’un document écrit pour l’exposé qu’il fait de l’Eglise primitive de Jérusalem ?

Rien n’empêche d’admettre chez un auteur inspiré l’usage de sources écrites. Luc s’en est certainement servi pour la composition de son Evangile. La comparaison minutieuse du troisième Evangile avec le second montre clairement c|ue le second Evangile a été repris, presque tout entier, par Luc, qui s’est le plus souvent contenté d’y apporter des changements de style assez notables. Je crois aussi que la plupart des discours du Christ qui se trouvent seulement dans le premier et le troisième Evangile dérivent d’une source commune aux deux évangélistes, une collection de Logia, sans doute celle dont les sources anciennes attribuent la composition à l’apôtre Matthieu. Enfin plusieurs récits du troisième Evangile, qui ne se trouvent ni chez Matthieu ni chez Marc, ont une couleur sémitique tellement marquée qu’on ne les attribuera pas facilement à un auteur grec capable d'écrire des périodes classiques, comme celles par laquelle Luc commençait son Evangile. Il suflit de lire par exemple l’histoire de l’Enfance ou le récit des disciples d’Emmaiis. On est donc autorisé, semble-t-il, à admettre une troisième source, d’origine palestinienne, pour la composition du troisième Evangile. On s’est demandé si une partie des narrations contenues dans les douze premiers chapitres des Actes, ne dériverait pas de la même source palestinienne, qui aurait continué l’histoire évangélique après la Résurrection. On cherche un argument en faveur de cette hypothèse dans le style de cette première partie, qui renferme beaucoup plus d’hébra’ismes, et l'étroite parenté entre.^c/., iet Luc, xxiv. Ce dernier chapitre serait, en grande partie, emprunté à la source spéciale du troisième Evangile. L’examen lexicographique de Act. i-xii n’est pas de nature à infirmer cette conclusion. On trouve en effet dans cette partie des expressions plus ou moins hébraisantes, qui se rencontrent, il est vrai, dans les Evangiles, mais nulle part dans la partie finale des Actes : 'jr.u.ùy. (l3 fois) ; Tï/sara (9 fois) ; Trpoyy.v.p-rspslv (6 fois) ; £ ; tTTàvat (8 fois) ; y.p-Hî7evA (4 fois) ; « lît (16 fois). La glossolalie de la première partie des Actes (11. 1-1 4 ; xi, 15) semble différer notablement de celle des Eglises pauliniennes (I Cor., xiv). On pourrait encore faire valoir d’autres divergences. (On peut consulter sur les arguments spéciaux en faveur de cette opinion B. Weiss, Einleiiung in dus Neue Lesta nient, Berlin, 1897, p. 540 ss. ; P. Fkim :, Eine voïkanonische Ueberlieferung des Lukas, 1891, p. 156-212. Voir aussi le jugement de A. IIaknack, Lukas, p. 75 ss.)

Ne semble-t-il pas que ces pliénomènes s’expliquent plus aisément par l’admission d’une source palestinienne, où Luc aurait puisé liiistoire de la chrétienté primitive de Jérusalem ? Elle aurait été rédigée avant la ruine de Jérusalem, peut-être en araméeu. On ne peut guère songera la reconstituer. On fera inême l>ien d’ajouter que la démonstration esquissée plus haut est loin d'être apodictique, tout eu paraissant être d’une solide probabilité. L’iiistorien s’apercevra immédiatement que cette hypothèse ne peut qu’augmenter la valeur historique du livre des Actes.