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APOTRES


Christ ressuscité est apparu cVabord à Ccplias, puis aux Douze (I Cor., xv, 5). Paul ajoute que le Christ est apparu ensuite « à Jacques, puis à tous les apôtres B (il- : v. rsîç àrî7rs/îu ràjtv, xA, 7). Eniin, il est apparu à Paul lui-même, « le dernier des apôtres » (xv, 8). Le groupe de « tous les apôtres » comprend tous ceux que Paul appelle ailleurs « les apôtres avant moi » .

Nous conclurons que l’apostolat des Douze ne s’oppose pas à l’apostolat de Paul comme une antithèse dont les deux termes s’excluraient. Il y a les apôtres, « tous les apôtres » , qui reçoivent leur mission du Christ ressuscité, Paul est le dernier des ajîôtres, étant le dernier auquel le Christ ressuscité est apI)aru. Il y a les Douze, cpii sont du nombre de « tous les apôtres » , mais qui représentent une élection antérieure faite par Jésus au coiu-s de son ministère, à une lin coordonnée d abord à ce ministère.

Quant à la notion « postpauline » de l’apostolat, elle consisterait en une élimination du souvenir des apôtres autres que les Douze et une sorte de monopolisation de l’apostolat pai-les Douze, considérés dès lors comme les fondateiu^s de l’Eglise. Ici encore les faits ne se ramènent pas à des vues si simplifiées.

Il est incontestable que de très bonne heure on n’a plus parlé que des douze apôtres. La Didaché par exemple, qui appartient (croyons-nous) à la seconde génération chrétienne, connaît encore des apôtres, missionnaires mendiants, contre lesquels elle met les églises en garde ; mais les grands apôtres ont disparu, ceux dont la Didaché se réclame, elle qui s’intitule « Enseignement du Seigneur aux nations par les douze apôtres » . Dans le même sentiment, l’Apocalypse parle de ceux qui se disent apôtres et qui ne le sont pas (11, 2), et elle compte « douze apôtres de l’Agneau » (xxi, 14). L'épître de Barnabe parle de l'élection que le Christ a faite de ses apôtres pour prêcher l'évangile (v, g), ce qui implique que l’auteur de l'épître pense aux douze apôtres, et il le dit même clairement plus loin (viii, 3).

L’expression « les douze apôtres » est une expression synthétique plutôt qu’une énumération rigoureuse. Ainsi, on a dit les Douze, sans exclure pour autant Paul et Bai-nabé de l’apostolat, et sans s’inquiéter que les Douze fussent quatorze. En Aertu du même principe, on a pu dire que les Douze avaient prêché l'évangile à toutes les nations, ce qui n’est vrai qu’en un sens, puisque saint Paul revendiquait l’apostolat des gentils et attribuait à saint Pierre l’apostolat des circoncis, alors que Pierre a lui aussi prêché aux gentils, et alors surtout que des apôtres autres que les Douze et autres cpie Paul ont collaboré à la prédication primitive. Les Douze, par une simplilication qui n’a rien d’exceptionnel et moins encore de mensonger, ont sj^nthétisé ime prédication qui avait été l'œuvre collective d’apôtres peut-être bien plus nombreux. Qu’on se rappelle la vocation des soixante et dix disciples, dans saint Luc (Luc, x

Ces apôtres, ces disciples immédiats de Jésus-Christ, ces témoins de la vie, de la résurrection, de l'évangile de Jésus-Christ, se sont trouvés être, en ces premières années du christianisme où tout l'évangile était oral, la parole authentique et qui faisait foi : la parole de Jésus, et aussi bien sa personne, avait pour garant la pai’ole de l’apôtre. Saint Paul, parlant aux Galates de l’enseignement qu’il leur a donné, les conjure de ne pas « passer à un autre Evangile » (G<7/., i, G). Si quelepi’un. fût-ce un ange venu du ciel, vous annonce « un autre EAangile que celui que vous avez reçu » qu’il soit anathème (Gal., 1, 8-9). Quand les fidèles de Corinthe auraient & dix mille maîtres dans le Christ » ils n’ont qu’un apôtre qui les a

« engendrés en Jésus-Christ par l’Evangile » (I Cor.,

IV, 15). Timothée ira à Corinthe leur rappeler de quelle manière Paul c> enseigne dans toutes les églises » {Id., l’y). « Si quelqu’un croit être prophète ou riche en dons spirituels, qu’il reconnaisse que les choses que je vous ai écrites sont des commandements du Seigneur » (I Cor., xiv, 3^). « Si je retourne chez vous, je n’iiserai d’aucun ménagement, puisque vous cherchez une preuve que le Christ parle en moi » (U Cor., XIII, 2, 3). Rapprochez ICor., v, 4-5. Après avoir observé que chaque communauté une fois formée s’administre elle-même (entendez par une hiérarchie locale), Weizsacker écrit : « Un apôtre, qui fait part à une communauté d’une parole du Seigneur luimême, donne une è-try.yr ;, un précepte de caractère obligatoire. Voyez I for., vii, 10 et 25. Quand il n’a pas une jjarole du Seigneur à rapporter et quand il parle de son propre fond, il n’exprime plus qu’une /'ùy-r, , un simple jugement personnel, pour si grand qu’en soit le poids, et ayant d’ailleurs reçu du Seigneur la grâce d'être un sur garant (Id., vii, 25)… Distinguer les paroles du Seigneur lui-même de ce qui était l’esprit contenu dans ces paroles, n’est guère possible : les deux éléments sont unis chez saint Paul, c’est à savoir l'énoncé de la parole du Seigneur, considérée comme une loi, et les décisions fondées sur cette parole, et là est le fondement de l’autorité possédée par les apôtres primitifs. » Apostol. Zeitalter. p, 590. Si je cite ces lignes deWeizsacker, ce n’est pas pour laisser croire comme lui que l’autorité effective des apôtres implique une confusion entre l’autorité du Seigneur qu’ils attestent et la leur propre : mais c’est que "Weizsacker me semble avoir, bien mieux qu’Harnack qui minimise le rôle des apôtres, entrevu la plénitude de ce rôle. Les apôtres ont.de leur vivant et dans l'œuvre de la fondation des églises, une autorité que l’on ne* saurait mieux comparer qu'à celle de l’Ecritiu’c en tant qu’ils attestent la parole du Seigneur, une autorité cpii, en tant qu’elle s’attache à leurs propres avis, est comparable à celle du Seigneur qui les envoie. « Si quelqu’un se plaît à contester, nous n’avons pas cette habitude, non plus que les églises de Dieu » (I Cor., x, 16). En s’exprimant de la sorte, Paul exprime un principe d’autorité qui est reçu évidemment partout dans les communautés chrétiennes, et aussi bien dans celles dont il n’a pas été l’apôtre premier, par exemple l'église de Rome {Rom., VI, 'f). Et c’estainsi que, aux mains des apôtres de Jésus-Christ, est une autorité qui exiilique celle de la nouvelle Ecriture que sera le Nouveau Testament, celle de l’enseignement non écrit qui procédera d’eux jîar tradition.

La considération que, au second siècle, on aura pour les apôtres, le rôle qu’on leur reconnaîtra comme garants de la vraie doctrine et de la vraie Eglise, n’est pas un argument apologétique créé pour les besoins de la lutte contre le gnosticisme : c’est l’expression de ce qui fut la vie même des premières communautés chrétiennes. Saint Clément Romain, près d’un siècle avant saint Irénée, disait : a Les apôtres ont été faits pour nous prédicateurs de l'évangile par le Seigneur Jésus-Christ, et Jésus-Christ a été envoyé par Dieu » (lxii, 1). Voilà bien la notion catholique de l’apostolat, et on vient de voir comment elle tient, en fait, à l’origine même du christianisme.

BiELioGRAPniE. — Sur les apôtres, dans l’Ecriture, dans la Tradition, et dans la légende, on consultera Tillemont, Mémoires pour sen-ir à l’histoire ecclésiastique (Paris 1701), t. I. Cf. Lipsils, Apostelgeschichten u/id JposteLlegende (Brunsvvick 1883 et suiv.). Dans la théologie, Bainæl, art. « Apôtres v