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APOTRES


qu’il leur envoie avec Tite et qu’il appelle « apôtres des E^jlises », àrsVri/ît i/ziïîTtôiv (II Cor., viii, 23). Le mot apôtre ne semble pas, en ces deux cas, dépasser la signilication de messager ou de courrier, autant dire de serviteur. En ce sens, saint Jean met sur les lèvres du Christ la parole : « Un serviteur n’est pas plus grand que son maître, ni un «-oT-ro/iç plus grand que qui l’envoie > (Jo.. xiii, 16. Cf. Kph., vi, 21-22 et

Act., XV, 22-23).

En second lieu, le mot apôtre, en restant commun, s’achemine à sa signitication historiijue par l’expression " apôtre de Jésus-Christ «, qui est l’expression chère à saint Paul. En tête de la plupart de ses épîtres, en effet, c’est la qualité dont il accompagne son nom. Quand saint Paul met dans la suscription d’une épître, avec son nom, celui de (jnelqu’un de ses collalioratcurs, il a grand soin de ne pas leur donner, à eux, une qualitication qui ne leur appartient pas. Il écrit en tête de l’épître aux Philippiens : « Paul et Timothée, serviteurs du Christ Jésus « (Phili., 1, 1). Aux Colossiens : « Paul, apôtre du Christ Jésus par la volonté deDieu, et Timothée [son] frère » (Col., 1,)). Aux Thessaloniciens : « Paul, Silvanos et Timothée), sans plus (let II Thess., i, i). Aux Corinthiens : u Paul apôtre du Christ Jésus par la volonté de Dieu, et Timothée, [son] frère » (/ Cor., 1, i). Le qualificatif « d’apôtre du Christ » n’est donc pas, comme celui de « serviteur du Christ », l’expression d’une qualité morale, mais d’une mission exceptionnelle.

Paul cependant ne revendique pas pour lui seul cette qualité d’apôtre du Christ : il la reconnaît, en effet, à d’autres, ^( les autres apôtres », parmi lesquels il énumère « les frères du Seigneur et Céphas », et aussi Barnabe (I Cor., ix, 6-7). Au contraire, Timotliée n’est nulle part donné comme un apôtre, pas plus ((A’Apollos, pas plus, quoi qu’on en ait dit, que Silvanos. Pour Andronicos et Junias (Boni., xvi, 7), il y a doute : nous inclinons à penser que ces deux chrétiens, juifs de naissance, convertis avant Paul,

; i])partenant ainsi aux chrétiens de la première heure, 

missionnaires de la Dispersion et emprisonnés un temps on ne sait en quelle cité comme saint Paul l’avait été maintes fois (II Cor., xr, 23), sont « considérés parmi les apôtres », plutôt que u considérés aux yeux des apôtres » (è7T(’c"/ ; uît kv to ? ; àTroTTî/ot ; ). Ita, Ac.nrh’ooT, Galati(tns, p. g6. Hahn.a.( : k, Mission, t. I, p. 269.

On part de là pour induire qvu>, aux jeux de saint Paul, le nombre des apôtres a pu être un nondjre large, et saint Paul, en ellet, le donne à entendre : Dieu, écrit-il aux Corinthiens, a établi dans l’Eglise premièrement des ai)ôlrcs, secondement des propliètes, troisièmement des docteurs, ensuite ceux qui ont le don des miracles, puis ceux qui ont les dons de guérir, d’assister, de gouverner, de parU’r diverses langues. Tous sont-ils apôtres ? tous prophètes’.' tous docteurs ? tous thaumaturges ? « (I Cor., xii, 28-30). C’est le Christ, dit-il ailleurs, qui a fait « les uns apôtres, les autres jirophètes, d’antres évangélistes, d’autres pasteurs et docteurs, en vue du perfi’ctionnement des saints, pour l’édilication du coips du (Christ > (Kph., IV, 1 1-12).

A(’cept<ms à titre liypot ! Hti((ue que le nondjre des a[)ôtresa été unnoml>re large, par analogie a^ec les prophètes, les docteiu-s, les thaumaturges de la prendère génération chrétienne. S’ensuivra-t-il que l’apostolat soit un pur charisuu’? (Jn nous assure cpie telle est la conception que saint Paul a de l’apostolat. Monmkh. p. 3ô. S’il en est ainsi, eu (pu)i (h)nc lapôli-e a-t-il différt-r du pr()pliète ? D’où ieudra à l’apôtre la primauté constante (pu ; lui atlribiusaint l’aid ? Si l’apostolat est un charisme. poiu(pu)i jx-rsonne n’a-t-il hérité de rapostolat en tant que tel,

alors que les iirophètes, et aussi bien les prophétesses, se perpétuaient au moins un temps ? Et comment ne pas supposer que la primauté de l’apostolat, dont personne n’a hérité, tenait à une circonstance de fait qui ne pouvait pas se reproduire ?

Saint Paul va nous en instruire. Caril aeu à défendre sa prérogative d’apôtre contre luie campagne, tenace et peu bienveillante, menée un peu partout sur ses traces, à Antioche, en Galatie, à Corinthe surtout, pour lui dénier le nom et la qualité d’apôtre. A elle seule, cette contestation manifeste l’importance qui s’attachait à la qualité d’apôtre.

Les gens qui harcèlent ainsi saint Paul sont des éndssaires Aenus de Judée, sans doute des à-îsTî/ît au sens que nous avons relevé d’aljord d’apôtres des églises, des éndssaires accrédités jiar des lettres, coinniendatitiae epistulæ des « saints » de là-bas, sans doute (II Cor., iii, i). Paul les considère comme des apôtres qui ont reçu des honimes leur mission (Gai. 1,)), et rien que ce reproche atteste que Paul entend ne pas tenir des hommes la sienne. Ce sont de faux apôtres, « déguisés en apôtres du Christ », et en réalité ministres de Satan (II Cor., xi, 13-15). Le vrai apôtre est donc apôtre ou envoj é du Christ.

Mais ces émissaires ont la prétention de parler au nom de vrais apôtres, ceux qui sont à Jérusalem, et Paul, accusé d’usurper son apostolat, se défend. Il faut lire sa défense (I Tor., xv, i-io). — Prendèrement l’authenticité de son apostolat est prouvée par l’authenticité de l’évangile qu’il a annoncé : Paul a enseigné ce qu’il a appris kd-mème. Nous vojons à ce premier trait que l’apôtre est d’ollice un miî ; sionnaire de l’Evangile. — Secondement, l’authenticité de l’apostolat de Paul est prouvée par le concours que Dieu lui a donné : une communauté comme celle de Corinthe, qu’il a fondée et où Dieu a coniirmé son œuvre par l’effusion de ses grâces, devient une justitication de l’apostolat de l’apôtre. « Avons-nous Ijesoin, comme certaines gens, de lettres dereeomnuindationauprèsdevous ou de votre part ? C’est vous-mènu’s qui êtes notre lettre, écrite dans nos cœurs, connue et lue de tous les hounnes. Oui, manifestenu-nt, vous êtes une lettre du Christ, écrite par notre ndnistère, non avec de l’encre, nuiis par l’Esprit du Dieu vivant. » (II Cor., m. i-3). — Troisièmement, l’authenticité de l’apostolat de Paul est prouvée par le fait qu’il a vu le Seigneur. Il estime qu’il n’est « inférieur en rien à ces apôtres par excellence » à qui on l’oppose (II Cor., xi, 5) : les apôtres de là-bas se donnent ou sont considérés comme les apôtres après lescjuels iln’yenapas, ùr.- : pMv.-jy.T : drrro).’ii. Je suis hébreu comme eux, poursuit Paul ; je suis israélite comme eux ; je suis de la postérité d’Al)raham comme eux. » Sont-ils serviteurs du Christ ? Ah ! je vais parler en insensé, je le suis plus cpi’eux » (/^., 22, 23). Et ailleurs, reprenant le même argument, Paul y ajoute un trait ilécisif : a Ne suis-je pas apôtre ? N’ai-je pas vu Jésus notre Seigneur ? N’ètes-vous pas mou ouvrage dans le Seigneur ? Si pour d’autres je ne suis pas apôtre, je le suis au moins pour vous, car vous êtes le sceau (ayi : t/.yù) de mon apostolat dans le Seigneur. Voilà ma réponse à mes détracteurs » (1 Cor., IX, 2, 3). En d’autres termes, Paul n’est pas inférieur aux apôtres indiscutés, puisque connue eux il a vu le Seigneur.

On est donc apôtre parce qu’on prêche l’Evangile, l’Evangile authentique ; parce qiuDieu collabore par son Esprit à cette prédication ; parce qu’on a vu Jésus-Christ. Toutefois ces trois critères ne sont pas encore le critère spécitique de l’apostolat. En effet, les deux premiers titres invoqués par Paul ne différencieraient l)as son otlice de celui de Tinuîthée ou d’.Vpollos : quant au fait d’avoir vu Jésus, il n’est pas une préro-