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APOLOGÉTIQUE. APOLOGIE


leur capacité d adaptation (Collectio Lacensis, t. A', p. 2^'j). La doctrine du concile du Vatican, c. m de Fide, nous est déjà connue. A l’encontre du rationalisme proclamant 1 autonomie absolue de la raison et son indépendance à l'égard de toute révélation positive, le concile alïirme d abord le principe fondamental d’où découle loldigation de la foi, à savoir 1 essentielle dépendance de la créature à 1 égard de Dieu Créateur et souverain Seigneur, de la raison créée à l'égard de la raison incréée ; dépendance que Pie IX avait déjà rappelée : « . Qui ignore, en efl’et, que la parole de Dieu mérite une foi entière, et que rien n’est plus conforme à la raison que d’acquiescer et de s attacher avec force à ce qu a sûrement enseigné ce Dieu qui ne peut ni se trouqicr ni tromper ? « Le Concile détermine ensuite solennellement la notion exacte de la foi chrétienne et catholique, principe de salut ; puis il esqxiisse le procédé apologétique suivant la double forme que nous avons vue. Enfin, dans le canon troisième, il réprouve cette assertion agressive de certains protestants : « La révélation divine ne peut être rendue crojable par des signes externes, et, par conséquent, on ne peut être porté à la foi que par une expérience intime et personnelle ou par une inspiration privée. » Depuis lors, Lkox XIII a repris la même doctrine dans lencyclique Aetevni Patris, du 4 août 1879, § Simili modo ratio déclarât, en supposant la légitimité et l’eflicacité normale de la preuve i-ationnelle de la crédibilité suivant la double méthode en usage dans lapologétique classique.

Pourquoi, de la part de l’Eglise, tant d’insistance à maintenir la valeur des critères externes ? La réponse est fournie par la note 16' du schéma préparatoire, dans les actes du concile du Vatican, loc. cit. : « Que l’erreur dont il s’agit soit iileine de périls, c’est chose de soi manifeste. Si Ion rejette ou si l’on dépouille de leur valeur les critères externes dont Dieu a fait comme autant de signes divins pour rendre sa révélation reconnaissable, et qu on ramène tout à « l’expérience intérieure » et au « sentiment intime » , il ne reste plus de moyen sûr pour distinguer la révélation vraie de la fausse. En effet, d’ajjrès les voies ordinaires de la Providence, ce sentiment ne tond)e pas sous l’expérience, sous la raison propre d acte surnaturel ; et, séparé des critères externes, il peut donner prise aux illusions les plus dangereuses. »

Observons toutefois que le concile n’a pas rejeté absolument les critères internes, même d’ordre immédiatement subjectif ; il en a seulement repoussé la nécessité et l’eflicacité exclusive. Rien non plus ne permet d’attribuer aux documents ecclesiastifiues cette signification, que les critères externes aient toujours une valeur immédiatement probante, en toute circonstance et pour tout individu, indépendamment de toute disposition subjective actuelle. Le principe qui se dégage des documents peut se formuler ainsi : On ne peut exclure systématiquement des motifs de crédibilité, Aalables toujours objectivement, et de soi subjectivement, les prophéties, les miracles et autres faits divins du même genre.

b) Partie philosophique du procédé classique. Tout ce qui précède vaut parlicidièrement de la démonstration chrétienne et catholiciue considérée dans sa partie historique ; partie qui seule, rigoureusement I)arlant, appartient directement au rôle positif ou constitutif de l’apologétique, prise comme science des fondements de la foi. Si l’on considère plus spécialement la partie philosophiiiue, dont le rôle est plutôt défensif et, à des degrés ou dans des sens différents, préparatoire, il est nécessaire d’apporter dans l’appréciation beaucoup plus de réserve. Sur ce terrain, tout apologiste fait naturellement usage de sa philosophie ; le scolastique apologète, de la philosophie

scolastique ; tel autre qui n’est pas scolastique, notaniment tel ou tel Père de l’Eglise, d’une autre philosophie. Il y a donc là quelque chose d’accidentel à l’apologétique traditionnelle prise dans toute son amplitude, puisque tout ce que renferme la partie philosophique, possibilité, convenance, nécessité, discernibilité de la révélation, a été soutenu et défendu par des apologistes appartenant à des écoles différentes ; ce qui suppose que, dans ces écoles, on admettait les principes nécessaires et suflisants pour démontrer la divinité de la religion chrétienne et catholique.

Là, cependant, tout contrôle de l’Eglise ne fait pas défaut. D’une façon générale, elle patronne l’apologétique à base scolastique au même titre que la philosophie scolastique elle-même ; de ce chef, il serait étonnant et douloureux de voir des catholiques, préoccupés de respecter l’Eglise et de la servir lilialenienl, dénier à l’apologétique classique, sous sa forme habituelle, la capacité d'étajer la démonstration de la religion siu" des fondements vraiment philosophiques ; une discussion sur ce terrain sort évidemment de notre cadre. D’une façon plus spéciale, l’Eglise a réprouvé les conceptions philosophiques qui ne sauvegardaient pas ou mettaient en péril soit les motifs de crédibilité, soit des vérités d’ordre naturel rentrant dans les préambules de la foi. Telle l’erreur fidéiste ou traditionaliste qui, pour établir l’existence de Dieu et la réalité historique de la révélation, se rabattait sur la foi elle-même ; ce qui faisait de cette dernière un acte aveugle, comme en témoigne du reste cette phrase de Lamknxais : « Il faut que la vérité se donne elle-même à l’honnne… Quand elle se donne, il la reçoit ; voilà tout ce qu’il peut : encore faut-il qu’il la reçoive de confiance, et sans exiger qu’elle montre ses titres ; car il n’est pas même en état de les vérifier. « Pensées diverses, p. 4' ' {OKusres complètes, t. vi, Paris, iSSO-iSS^). Le SaintSiège condamna le sj’stème dans son ensemble, et plus tard exigea des abbés Bautain et Boxxetty ladhésion formelle à plusieurs propositions, dont deux surtout méritent d'être rappelées : « Le raisonnement peut prouvcravec certitude l’existence de Dieu et l’infinité de ses perfections. La foi, don céleste, est postérieure à la révélation ; elle ne peut donc pas être alléguée Ais-à-vis d’un athée en preuve de l’existence de Dieu. — Sur ces questions diverses [existence de Dieu, révélation, résurrection de J.-C, etc.], la raison précède la foi et doit nous y conduire. » Denzinger-Banuvvart, n. 1622, 1626.

Pour défendre plus fortement encore les bases premières de la foi contre le scepticisme et l’agnosticisme, le concile du Vatican jugea opportun d’aflirmer solennellement la puissance de la raison humaine par rapport au présupposé le plus fondamental de la révélation, l’existence de Dieu : « Lfji même sainte Eglise, notre mère, lisons-nous au chapitre 11 de la constitution De fide, tient et enseigne que par la lumière naturelle de la raison humaine, Dieu, principe et fin de toutes choses, peut être connu aA’cc certitude au moyen des choses créées.)i Passage ainsi expliqué dans les Acta, p. 79 : « Cette définition et le canon correspondant ont paru nécessaires, à cause non seulement du traditionalisme, mais de l’erreui' très répandue d’après laquelle l’existence de Dieu ne pourrait être prouvée par aucun argument solide, ni par suite être connue avec certitude par la raison. » Dernièrement enfin, l’un des reproches adressés aux modernistes par Sa Sainteté Pie X, dans l’encyclique Pascendi, concerne les coups que, par leur philosophie agnostique, ils i^ortent à la théologie naturelle, nus. motifs de crédibilité, à la rés'élation extérieure : « Ilis autem positis, quid de naturali theo-