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APOLOGÉTIQUE. APOLOGIE

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prêchaient partout, cl le Seigneur coopérait à leur œuvre et conlirmait leur parole par les miracles qui l’accompagnaient (Me. xvi, 20). »

La doctrine est complétée im peu plus loin, qiiand l’Eglise nous est montrée à son tour, société concrète posée par Dieu dans le monde, comme im grand fait dh-in permanent : a Pour que nous pussions satisfaire au devoir d’end)rasser la foi véritable et d’y persévérer constamment, Dieu par son Fils unique a institué l’Eglise, et il l’a revêtue de signes manifestes de son institution, afin qu’elle pût être reconnue de tous comme la gardienne et la maîtrese de la parole révélée. Car c’est à l’Eglise catholique seule qu’appartiennent toutes ces notes, si nombreuses et si frappantes, par lesquelles Dieu a rendu évidente la crédibilité de la foi chrétienne. »

Ce qui caractérise svirtout cette méthode, c’est 1 application successive des critères ou signes distinctifs de la révélation divine, à im double objet : d’abord, au magistère du Christ et à la religion qu’il a fondée ; puis aux diverses sociétés religieuses qui prétendent continuer lœuvre du Christ. D où, chez ces apologistes, une double démonstration : 1 une qui leur est commune, en substance, avec les théologiens du protestantisme conservateur et des Eglises grecques ou orientales ; 1 autre où ils se séparent de tout ce qui n’est pas la sainte Eglise catholique, apostolique et romaine.

a) Démonstration chrétienne. Au point de départ, le fait historique de l’apparition ici-bas de JésusChrist, se donnant pour envoyé de Dieu et prêchant en son nom une religion C{ui succède au juda’isme et doit rester juscju'à la tin du monde la forme légitime des rapports de l’homme avec Dieu. Ce qui entraîne d abord le contrôle des documents où le fait primitif est consigné : authenticité, intégrité, véracité substantielle des récits évangéliques, considérés du point de vue purement historicjue. Ceci fait, reste à constater 1 application des critères ou signes divins en la personne de Jésus-Christ et de ses apôtres : prophéties réalisées, ou miracles qui ont comme marqué du sceau divin leur mission et la doctrine qu’ils ont prèchée. On conclut à l’autorité divine du magistère du Christ, des apôtres et de la société religieuse qu’ils ont fondée, à la crédibilité rationnelle et obligatoire de la doctrine qu il ont prêchée.

b) Démonstration catholique. L’Eglise romaine se prétendant seule dépositaire légitime de la révélation chrétienne, et seule chargée de continuer authentiquement ici-bas l'œuvre de Jésus-Christ et des apôtres, il reste à contrôler ces prétentions. On détermine préalablement, à laide des documents primitifs, les signes cjui deA’ront servir à reconnaître la véritable Eglise du Christ ; c’est la fameuse cjuestion des notes de l’Eglise, dont les principales et traditionnelles sont 1 unité, la sainteté, la catholicité et l’apostolicité. Ces notes déterminées, on en montre finalement la réalisation dans lEglise romaine, et elle seule.

L’histoire des religions, traitée assez souvent dans les Sommes apologétiques récentes, se rattache directement à la démonstration chrétienne, soit pour débouter les autres sociétés religieuses de leurs prétentions au caractère de religion vraie, soit pour établir la transcendance du christianisme par rapport à toute autre forme de religion, soit pour relier la révélation chrétienne aux révélations antérieures, patriarcale et mosaïque, dont elle est la continuation et le perfectionnement. A cette histoire des religions se rattacherait facilement, comme une belle conclusion ou par un développement parallèle, l’argument apologétique qu’on peut tirer de l’intervention providentielle de Dieu dans la préparation, la forma tion, la conservation et le perfectionnement de la religion judéo-chrétienne.

2. Autre forme : démonstration simple, ou démonstration catholique de la religion chrétienne. — Comme la précédente, cette forme a été esquissée au concile du Vatican, en ces phrases succinctes : « Bien plus, à cause de son admirable propagation, de sa sainteté éminente et de son inépuisable fécondité en toute sorte de biens, à cause de son unité catholique et de son invincible stabilité, 1 Eglise est par elle-même un grand et perpétuel motif de crédibilité, en même temps qu’un témoignage irrécusable de sa mission divine. Il en résulte que, comme un étendard levé aux yeux des nations (Is., xi, 12), elle appelle à soi ceux qui ne croient pas encore, et elle donne à ses enfants la pleine assurance que la foi qu’ils professent repose sur un très ferme fondement, x

La caractéristique de cette méthode consiste en ce que, sans passer par la démonstration préalable de la divinité de la religion chrétienne, distinguée de la religion catholique, sans s engager dans le dédale des problèmes d’exégèse et de critique historique, on va droit à la crédibilité du magistère divin de 1 Eglise catholic|ue, considérée comme témoin vivant et parlant qui prouve lui-même sa mission divine par ses caractères subsistants. Caractères subsistants qui sont surtout, on le voit par le texte du Vatican, les notes mêmes de 1 Eglise, mais envisagées sous un autre aspect, celui de propriétés inhérentes à l’Eglise dans sa vie historique et sociale, et faisant d’elle le centre de convergence jîerpétuel et toujours visible des motifs de crédibilité. La crédibilité du magistère divin de l’Eglise une fois acquise, on écoute celle-ci parlant au nom de Dieu et nous renseignant elle-même sur ses autres titres^ sur ses livres sacrés, sur sa propre histoire et ses rapports avec les révélations incomplètes qui ont précédé.

On reconnaît la conception augustinienne de lEglise catholique, maîtresse de toute vérité, résumant le passé et garantissant l’avenir. Cette conception a eu pour principal apôtre, dans la seconde moitié du xix"^ siècle, le P. Dechamps, rédemptoriste, plus tard cardinal-archevêque de Matines. Jugeant cette méthode plus succincte, plus sûre et répondant mieux à la conduite de la Providence, il la développa longuement, l’expliqua et la défendit dans plusieurs de ses ouvrages, trois surtout : Entretiens sur la démonstration catholique de la révélation chrétienne, iSb-j {Œuvres complètes, édition de jiropagande, Matines, 1874 ss., t. I) ; La question religieuse résolue par les faits, ou de la certitude en matière de religion, 1860 (Œuvres, t. III et IV) ; Lettres philosophiques et théologiques sur la démonstration de la foi, 1861 {Œuvres, t. XVI).

A ce qixe cette méthode présente de caractéristique dans la partie historique ou constitutive de la démonstration, s’ajoutait chez le cardinal Dechamps cjuelque chose d analogue dans la partie philosophique. S’emparant de la doctrine traditionnelle siu' la nécessité morale de la révélation, établie « par le besoin qu éprouve Ihomme de connaître avec certitude sa fin et sa voie, c est-à-dire la religion, et par l impuissance de la raison humaine à satisfaire seule à ce besoin », ou encore « par le besoin qu éprouve 1 homme d avoir la solution des grandes et suprêmes questions qui compli({uent celles de la religion naturelle à cause de létal manifestement troublé de notre natui’e, et par l’impuissance de lesprit humain à nous donner seule celle solution '>, il transporta ces faits de l’ordre historique, où les apologistes scolastiques les prennent habituellement, dans l’ordre psychologique, en les considérant « comme faits subsistants dans la raison et la conscience » (Z, e///'es, p. 196).'