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APOLOGÉTIQUE. APOLOGIE

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mobile et de relatif, nonobstant ce qu’il peut y avoir de fixe et d"a])solu dans la base de la démonstration ou le fonds de titres à exploiter. « Il faut, a écrit Lacordaire dans la préface des Conférences de NotreDame, que la prédication d’enseignement et de controverse, souple alitant quel’igTiorance, subtile autant que l’erreur, imite leur puissante Aersalité, et les pousse, avec des armes sans cesse renouA elées, dans les bras de l’immuable vérité.)^

De là, en dehors même des inévitaliles réfutations ad hominem, tant d’apologies, soit générales, pour défendre la religion contre les incrédules de toute espèce, soit particulières, pour venger les points spécialement attaqués : l’idée et la possibilité de la révélation ou du siirnaturel, les prophéties, les miracles, la résurrection de Jésus-Christ, l’autorité des Ecritures, la crédibilité de l’histoire évangélique. De là tant de démonstrations de la vérité, de la divinité de la religion chrétienne où, du point de we historique, philosophique, scientifique, social même, sont exposées les preuves multiples que l’on peut invoquer en sa faveur ; tant de traités où sont établis les préambules éloigTiés delafoi, comme la spiritualité de l'àme, l’existence de Dieu et. contre les scepticpies ou les dilettantistes de l’impiété, la légitimité et la valeur pratique du sentiment religieux.

2. IJ Apologétique chez les protestants, aux XVII<^ et A’VIIl'^ siècles. — Certaines tendances ou conceptions religieuses de la Réforme ne pouvaient manquer d’influer sur l’orientation du mouvement apologétique. Si la Réfoime fut premièrement antiromaine, elle fut aussi, comme la Renaissance, antiscolastique ; elle le fut par son antipathie pour l’intellectualisme aristotélicien et sa défiance de la raison raisonnante ; elle le fut encore par la notion luthérienne de la foi, oscillant entre l’idée de confiance et celle d’expérience religieuse intime. A cette dernière conception s’en rattache une autre, non moins importante dans ses conséquences : la religion n’est guère considérée en fonction du dogme et du culte, mais plutôt par opposition à l’un et à l’autre, comme Aie intérieure dans le sujet. Le résultat devait être cjue, dans la proportion même où le côté intellectuel de l’acte de foi serait sacrifié, la crédiliilité rationnelle de l’objet de foi, fondée sur des critères o]>jectifs, devrait ou disparaître ou diminuer, pour faire place ou céder le pas soit à une sorte de charisme de l’homme spirituel, établi juge suprême de ce qu’il faut croire, soit à la conscience indiAÙduelle érigée en faculté autonome et suprême. Ainsi d’anciens réformateurs prétendirent-ils reconnaître la pure parole de Dieu à une certaine « saA-eur » et à un certain « goût », et à cet effet ils supposèrent comme principe dans tout fidèle le témoignage immédiat du Saint-Esprit, le sentiment religieux naturel oit le besoin de l’esprit religieux, comme le rappelle une note explicative du chapitre vu dans le schéma primitif de la constitution vaticane' De pde cathoUca.Acta et Décréta sacroruw Conciliorum recentiorum (Collectio Lacensis), t. VII, p. 528.

Cependant, en dehors des sectes dissidentes, comme le socinianisme et autres, ces tendances n’eurent d’abord qu’une influence restreinte sur le mouvement apologétique des églises réformées. En France ou en Suisse, le traité de Duplessis-Morxay, le premier du genre en langue vulgaire, ceux d’AMVRAUT et d’ABBADiE, les écrits de Jacquelot, J. Yernet, Ch. BoxxET et J.-A. Deux restent, dans leiu— ensemble et abstraction faite des idées confessionnelles, de réelles apologies du christianisme. Mais les auteurs protestants signalent eux-mêmes, dans les derniers de ces ouvrages, certains compromis avec les erreurs

socinienncs. déistes ou naturalistes, qu’ils prétendaient réfuter, et, d’une façon générale, dans cette école du Aieux cah inisme, la prépondérance donnée, « confornuhuent au courant le plus généreux des doctrines réformées », à la preme interne ou expérimentale, entendue des effets subjectifs que le christianisme produit en nous, « comme d'être une source de paix et de sanctification, et d’offrir à l’homme le moyen assuré de se réconcilier avcc Dieu ». F. Lichtenl>crger. art. Apologétique, dans l’Encyclopédie des sciences religieuses, t. I. p. 434. Paris, 1880.

En Hollande, Grotrs publie son De veritate religionis c/III. s//rt ? ; æ Amsterdam, 162^, composé d’abord en Aers fl.amands pour serAÎr d’armes défensiACS aux marchands et aux matelots appelés à Aoyager parmi les musulmans et les pa’iens. Le lÎAre contient des erreurs cjue relcva Bossuet, Dissertation sur Grotius, mais on y trouve déjà, dans ses lignes générales, le procédé apologétique suIaî depuis lors dans beaucoup de traités classiques. Dans le premier liATe. préambules philosophiques siu— l’existence de Dieu, sa proA’idence et l’immortalité de l'àme. Dans le second et le troisième, partie positÎAe qui porte sur .Tésus-Christ et les lÎAres du Nouvcau Testament : Aie divine du Sauveiu', réalité de ses miracles, supériorité de sa religion, prouAées par la Aérité de la doctrine, la pureté de la morale, la supériorité du culte, la propagation rapide, l’extension et la durée ; authenticité du Nouvcau Testament et Aéracité de ses auteurs, attestées par l’accord des diverses parties, les miracles, les proiJhéties. les témoignages contemporains et postérieurs. Dans les trois derniers livres. partie négatiAC, qui comprend la réfutation des religions païennes, du judaïsme et du mahométisme.

Dans l’Eglise anglicane, le déisme suscite à la fin du XA II' siècle, et surtout au xaiii', de nombreux apologistes non seulement parmi les éAêques. les théologiens et les prédicateurs ofllciels, mais encore parmi les hommes de lettres et de science (Addisox, R. Boyle, Xeaaton). Il s’en faut toutefois de beaucoup que ces écrits soient de même Aaleur et de tendances uniformes. Deux courants généraux se dessinent, répondant à deux phases distinctes de la controverse. Dans la première moitié du XAiiie siècle, les apologistes de la religion réA'élée se proposent moins d’en établir les preuves et les bases historiques, que de la défendre, du point de Aue rationnel, et souvent utilitaire, contre les déistes ; ils se contentent généralement de leur opjjoser la couvenance et les avantages de la rcAélation chrétienne, en les fondant surtout sur l’insuffisance de la pure raison pour bien diriger la Aie et faire pratiquer efficacement la religion naturelle elle-même (.Stillingfleet. Lelaxd, Jexxings, etc.) ; ou, d’une façon plus caractéristique, ils invoquent les rapports de conformité, d’analogie cjue présentent les données de la réA'élation aACC des faits d’ordre expérimental ou avec les postulats de la conscience, conçue comme la plus haute faculté morale de l’homme ; apologie philosophicomorale, qui se réclame principalement de l'éAêque anglican J. Butler, et destinée à exercer une grande influence au siècle suÎAant. Mais, dans cette première catégorie d’apologistes, il en est qui, sous l’influence des idées socinienncs, minimisent tellement le christianisme et entendent si étroitement la conformité de la Aérité biblicjue avcc la raison, qu’ils semblent plutôt donner la main aux advcrsaires que les réfuter ; ou qui, concessionistes à l’excès et erojant n’abandonner que des points sans importance, sacrifient en réalité de la substance même du christianisme ; tels Locke, Clarke et beaucoup d’autres. L attitude changea dans la seconde moitié du siècle, quand le sceptique Hume s’en pi’it au caractère