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APOLOGETIQUE. APOLOGIE


dérable de la théoloa^ie scolastique, cet exposé complet et harmonieux de la Acrité chrétienne, tel qu’on le trouve, par exemple, dans la Somme théologiqne du Docteur angélique ; exposé qui, dans son genre, possède déjà une réelle valeur apologétique. Le rôle défensif se remijlit d’une double façon : ou dans le corps même de la théologie, l’exposition et l'établissement d’un point de doctrine amenant, à titre confirmatif, la solution des difficultés proposées ; ou, plus spécialement, dans des traités distincts, des apologies comme celles dont il a été question. Reste le premier rôle de la philosophie ou raison naturelle, le plus foncier, ou plutôt le rôle essentiel et constitutif de l’apologétique proprement dite, celui qui présente au sujet l’objet qu’il doit croire et en même temps le dispose à y donner son adhésion, en établissant les fondements ou préambules de la foi chrétienne, et tout d’abord le fait de la révélation divine.

Ce dernier problème, appelé à devenir capital, n’a pas été traité à part par les théologiens scolastiques ; ils l’ont seulement touché, à propos d’autres questions, surtout dans le traité de la foi, où ils ont été amenés à chercher le rapport des motifs de crédibilité à l’acte de foi. Mais les principes essentiels de la solution ont été donnés, en particulier par l’Ange de l’Ecole dansla Summa contra Gentiles^seu de veritate catholicae fidei. Rentrant, comme le Pugio de Rajmond Martin, dans le puissant mouvement de défense religieuse contre les Juifs et les Maures, provoque un peu après le milieu du xiii" siècle par saint Raymond de Pennafort, cet ouA^rage est proprement une apologie rationnelle de la foi catholique, considérée dans les deux grandes catégories de vérités qu’elle comprend : les naturelles, qui sont à la portée de la raison, et les surnaturelles, qui la dépassent. Le quatrième livre a pour objet les mystères, que le saint docteur ne prétend pas appuyer sur la raison, mais seulement défendre ; car ils ne se prouvent que par l’autorité de la sainte Ecriture, divinement sanctionnée par les miracles, 1. IV, c. i. Les trois premiers livres se rapportent presque entièrement aux vérités naturelles, et comprennent notre thcodicée actuelle, avec les traités de Dieu cause première et fin dernière des créatiu-es ; en d’autres termes, Dieu et les créatures raisonnables, considérés dans leur existence et leur mutuels rapports, 1. I, c. ix. Là se trouvent la plupart des questions qui rentrent dans la partie i^hilosophique de nos traités modernes de la Religion. De plus, au début de l’ouvrage, 1. I, c. vi, l’auteur avait esquissé la preuve du fait de la révélation, en rappelant brièvement, mais avec Aigiunir et netteté, les raisons qui vengent les chrétiens du reproche de croire à la légère : miracles évangéliques, prophéties de l’Ancien Testament, et surtout conversion du monde, avec les circonstances qui font de ce grand fait un miracle perpétuant en quelque sorte tous les autres, comme l’effet periîétue la cause, cuni in suu effectuappareant es’identer.Puis, par contraste, saint Thomas parle du mahométisme, dont la propagation s’est faite dans des conditions absolument différentes, et qui ne peut en aucune façon bénéficier des signes divins dont le christianisme s’autorise.

L'élude approfondie qu’ils firent de l’acte de foi, mit les théologiens scolastiques en face d’autres problèmes ; plusieurs ne sont à leur place que dans des traités théologiques, comme l’obscure et subtile question de la resolutio ou analyse de l’acte de foi. D’autres, au contraire, intéressent l’apologète, et s’imposent d’autant plus à son attention que, sous d’autres termes et dans un esprit différent, les vieilles conceptions reparaissent dans les controverses actuelles. Telles, en particulier, les questions relatives à la

nature de l’acte de foi et à ses antécédents psychologiques. Abiîlahd, qui ne comprit jamais bien la foi d’autorité, reposant sur le témoignage divin, conçut l’assentiment de foi sous un double aspect : comme acte intellectuel, et comme acte surnaturel ou méritoire. Sous le second aspect, la foi est charité ; sous le premier, elle est connaissance rationnelle. Dès lors, pour rendre un mjstère croyable, il faut montrer qu’il est raisonnable ; crédilùlité et rationabilité arrivent ainsi à se confondre, faute de distinction entre la véi’ité intrinsèque et la crédibilité de Tobjet de foi. Introductio ad theolog., 1. II, e. ii, P. L., t. CLXXVIII, col. io50 sq.

Les théologiens « A’ictorins » gardèrent quelque chose de la distinction abélardienne, mais en la modifiant. Pour eux, c’est proprement dans la volonté que réside la foi, mais en fonction de la connaissance qui lui fournit son objet. Ainsi s’exprime le chef de l'école, Hugues de Saint-Victor : In affecta suhstantia fidei invenitur ; in cognitione, materia. De sacrainentis, 1. I, part. X, c. iii, P. L., t. CLXXVI, col. 53 1. Cette connaissance ne dit pas science proprement dite de l’objet ; elle se borne au sens qui s’attache à l'énoncé de l’assertion révélée.

A rencontre de cette foi-Aolonté se présente la foi conçue comme adhésion intellectuelle à la A'érité divinement révélée, adhésion qui se produit sous l’influence de la grâce et l’empire de la volonté : Ipsum autem credere est actiis intellectus assentientis veritati divinae ex imperio voluntatis a Deo molae per gratiam. S. Thomas, Summa theolog., Il » II » '", q. II, a. g. C’est l’autorité divine, applicjuée à telle vérité particulière par le fait de la révélation, qui constitue cette vérité croyable, c’est-à-dire objet, non de science, mais de foi ; par contre, le fait de la révélation ou l’application même de l’autorité divine à cette vérité particulière, est et doit être objet de connaissance rationnelle, car, avant de croire ceci ou cela, il faut voir des signes divins qui en garantissent la crédibilité : Non enim crederet, nisi videret ea esse credenda, vel propter evidentiam signorum, vel propter aliquid hujusmodi. Ibid., q. i, a. 4° ad. 2. De là une double distinction essentielle : l’une, entre la vérité intrinsèque et la crédibilité de l’objet révélé ; l’autre, entre le motif propre de l’acte de foi, qui est l’autorité de Dieu, Vérité suprême, et les raisons qui, en prouvant le fait de la révélation, établissent la crédibilité rationnelle de l’objet de foi. Doctrine restée classique parmi les théologiens catholiques.

Quoi qu’il en soit d’ailleurs de la prédominance accordée, dans l’acte de foi, à l'élément volontaire ou affectif par les théologiens de Saint— Victor et leurs alliés, il n’en résulte pas de divergenee absolue sur la question de la connaissance préalable, où la crédibilité extrinsèque est directement intéressée. Hugues de Saint-Victor, au même endroit, exige des preuves rationnelles qui recommandent l’objet de foi à l’adhésion. Cette nécessité des motifs de crédibilité est non seulement maintenue, mais renforcée par Richard de Saint— Victor, l’auteur du dicton célèbre : Domine, si error est, teipso decepti sumus ; nam ista in nobis tantis signis et prodigiis confirmata sunt, et tulibus, quae nonnisi per te feri possunt. De Trinitate, 1. I, c. II, P. L., t. CXCVI, col. 891. On peut seulement rcvendiquer cette connaissance préalable à des titres distincts : ou simplement pour que l’objet à croire soit présenté au sujet qui doit croire ; ou encore, dans un butprudentiel, en ce sens que l’acte de foi, pour être raisonnablement aouIu, demande que la raison soit d’abord convaincue de l’existence réelle des jirésupposés. Dieu et son témoignage.

Dans la conception de la foi-Aolonté, qui s’en tient souvent au premier titre, il y a danger, et l’expé-