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APOLOGÉTIQUE. APOLOGIE


nitive de la vérité religieuse. Cette sorte de continuité entre la philosophie ancienne et la révélation chrétienne étal)lissait une intime harmonie entre la raison et la foi, mais ne sauvegardait i)as aussi nettement la distinction entre l’ordre naturel et l’ordre surnaturel, entre la révélation au sens large et au sens strict du mot.

4. Les Pères de l’Eglise, du m* au v^ siècle. — Pendant cette période, l’apparition des gi-andes hérésies trinitaires et christologiques, sabellianisme, arianisme, apoUinarisme, nestorianisme, eutychianisme, donne lieu à des écrits nombreux et d’un intérêt capital pour la dogmatique chrétienne, mais dont l'étude ne rentre pas dans le cadre du présent article. En dehors de ce puissant mouvement de théologie apologétique, la lutte pour la vie s’impose encore à l’Eglise, en Orient comme en Occident. La controverse avec les Juifs continue sur le même terrain qu’auparavant, mais elle passe à l’arrière-iîlan : il sullit de citer, en Occident, les trois livi’es de Témoignages cuiitre les Juifs de saint Gyprien, le Traité contre les Juifs de saint Augustin ; en Orient, le Canon ecclésiastique ou contre les Juifs de Clément d’Alexandrie, les Témoignages cJwisis de saint Grégoire de Nysse, les huit discoius contre les Juifs de saint Jean Chrysostome.

Plus féconde est la controverse avec des philosoplies païens tels que Celse, Porphyre, Julien l’Apostat ; adversaires de marque, mieux armés pour la lutte que leurs dcvanciers, ils ne se bornent pas à une guerre de détail sur les dogmes ou la morale du christianisme, ils s’efforcent d’en saper les fondements jiar la base : l’autorité des Evangiles, le fait de la révélation considéré en lui-même ou dans ses I)reuves, miracles et prophéties, la mission ou la personnalité divine de Jésus-Christ. De là naissent des apologies plus savantes, où les Origène, les Macarius Magnés, les Cyrille d’Alexandrie suivent pas à pas leurs adversaires : Origène, dans ses huit livres Contra Celsum ; Macarius Magnés, dans son ' AT.o/.piri/.ôi r, Mivs-/svy ; ?, puljlié (imparfaitement encore) par C. Blondel (Paris, 1876), et où sont répétées des objections contre toute une série de passages du Nouveau Testament, empruntées en grande partie aux livres jierdus du néo-platonicien Porphyre ; saint Cyrille, dans son vaste ouvrage, incomplet, De sincera religione christianorum adyersus liùros athei Juliani. Quand l’empire romain commence à chanceler, l’attaque s'élargit ; du point de vue moral et social, on prétend rejeter sur le christianisme la responsabilité de cette décadence et des maux qu’elle entraîne. Saint Augustin, dans les Aiiigt-dcux livres De cn-itate Dei, et son disciple Orose, dans ses J.ibri Vil historiarum adi-ersus paganos, greifanl leui" apologie sur la i)hilosophie de l’histoire, retournent l’objection en opposant au paganisme la stérilité, pour cette vie et pour l’autre, des solutions qu’il présente ; en même temps ils vengent l’Eglise en montrant la Aive lumière que projette sur ces ténèbres cette grande idée et ce grand fait : la cité de Dieu en marche vers ses destinées éternelles, mais mêlée ici-bas à la cité terrestre.

Comme les apologistes, les Pères n’en sont plus à une guerre purement défensive ; ils attaquent à leur toui". Chez les Latins, saint Cyprien combat leis idoles en leur opposant le culte de l’unique vrai Dieu, dans son De idolorum t-anitate, où il s’inspire de VOctavius de Minucius Félix ; Arnobe ridiculise les fables païennes dans ses Disputationes adyersus gentes ; Lactance, dans ses Institutiunes divinæ réfute les fausses religions et les fausses philosophies ; Firmicus Maternus, dans son livre De errore profanarum religionum, attaque les légendes relatives

aux dieux du paganisme et le culte idolâtrique dont ils sont l’objet. En Orient, Clément d’Alexandrie, tout en reconnaissant dans son Pédagogue le rôle préparatoii-e au christianisme qui peut convenir à la philosophie, met à nu le néant du paganisme et l’immoralité de ses mystères dans le Protreptique ou Cohortatio ad gentes ; Evsi.ïiE, dans sa Præparaiio evangelica, critique la mythologie et la philosophie hellénique ; saint Athanase, dans VOratio contra gentes, ojipose le monothéisme chrétien au polythéisme grec ; Tiiéodoret propose aux Hellènes, poiules guérir de leurs maladies intellectuelles et morales, sa thérapeutique chrétienne, Græcarum affectionum curatio.

Au milieu de ces luttes, l'élément apologétique progresse notablement et, sur plusieurs points, se lixe déjà. En pai-ticulier, la notion de la crédibilité extrinsèque et rationnelle, qui fournira plus tai-d une base solide à la formation d’une science apologétique distincte, acquiert chez plusieurs apologistes un relief saisissant, par exemple, dans la Demonstratio evangelica d’Eusèbe, oiiil se propose d'établir que la foi chrétienne, loin d'être irraisonnée, se fonde sur des motifs d’une grande sagesse, et dans la thérapeuticfue de Théodoret, où l’auteur prend directement à partie le reproche fait aux chrétiens de croire à l’aveugle, sans preuves efficaces à l’appui de leiu’s dogmes. C’est pour défendre la a ie chrétienne s’appujant sur la foi d’autorité, que Clément d’Alexandrie, Origène, Cyrille de Jérusalem, Augustin et beaucoup d’autres Pères invoquent et justilient le rôle non seulement préijondérant en fait, mais indispensable en droit, de la croyance dans la vie concrète de tous les hommes.

Les titres ou jireuves du christianisme restent substantiellement les mêmes que chez les écrivains du second siècle, toutefois avec des différences accidentelles au fond, mais d’une certaine portée dans bi pratique. L’ai’gument des miracles n’est plus à l’arrière-plan, mais marche de jjair avec celui des prophéties. D’inventaires faits récemment, art. Crédibilité, dans le Dictionnaire de théologie catholique, t. 11, col. 2289 ss., il résulte que, parmi les Pères qui ont eu l’occasion de toucher ce point, ex professo dans des œuvres apologétiques ou en passant dans des sermons et des commentaires siu* les Livres saints, il n’en est peut-être pas un qui n’ait utilisé ou l’argument des prophéties, ou celui des mb-acles, ou les deux à la fois, soit pour étal)lir dii-ectement le pouvoii" et le caractère divin du Sauveur, soit poiu* prouver sa mission divine et celle des apôtres ou de l’Eglise. Clément d’Alexandrie, philosophe pourtant plus qu’apologète, donne comme signes de la filiation divine de Jésus-Christ les prophéties antérieures à son avènement, les témoignages qui ont accompagné sa vie terrestre et les ])rodiges qui ont suivi son ascension. Stromat., 1. YI, c. xv, P. G., t. IX, col. 345. Origène voit la preuve de la divinité du christianisme dans la manifestation de l’Esprit par les prophéties, et de la puissance par les miracles. Contra Celsum, 1. I, c. 11, P. G., t. XI, col. 656. En tête des motifs qui, d’après Eusèbe, rendent la foi chrétienne raisonnable, aiiparaissent les prophéties et les miracles. Demonstr. e’ang., 1. 1, c. i, P. G.. t. XXII, col. iG. A ses auditeurs déjà croyants, mais qu’il veut armer contre les adversaii-es de la foi, SAINT Cyrille de Jérusalem montre le Christ annoncé dans l’Ancien Testament et manifesté dans le Nouveau, accomplissant ici-bas des prodiges supérieiu-s à tout ce qu’on avait vu jusqu’alors. Catech.lY, 33 ; xii, 12, P. G., t. XXXIII. col. 496, 787. Saint Cyrille d’Alexandrie indique les prodiges extraordinaires qu’opéra Jésus-Christ, niiraculis omni oratione