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ROME ET L’ITALIE


sinvolture, où apparaissent les fâcheuses lacunes de son éducation première.

C’est à propos du Concordat que M. Mussolini fit entendre les paroles les plus malsonnantes sur les origines historiques du catholicisme et sur l’interprétation tendancieuse des textes législatifs concernant les prérogatives de l’Etat dans les différentes matières où la loi de l’Etat rencontre la loi ecclésiastique. A propos de la cité du Vatican, le dictateur italien ne contesta pas la pleine indépendance politique de la Papauté souveraine, mais il affecta, pour complaire à son auditoire nationaliste, de sousestimer l’importance des résultats obtenus par le Saint-Siège et de présenter le dénouement actuel de la Question romaine comme l’exact accomplissement du programme de Cavour et des autres artisans de l’unité italienne, si longtemps en lutte ouverte avec la Puissance pontificale. Louant le Pape régnant de son esprit de conciliation, M. Mussolini fil acclamer Pie XI comme un grand patriote italien. Artifice non dépourvu d’habileté pour dissimuler l’importance des concessions essentielles que l’Etat italien lui-même avait eu le grand mérite d’accorder aux justes revendications de la Papauté.

Le 14 mai, c’est-à-dire le jour même du vole de la Chambre, Pie XI recevait en audience les élèves et anciens élèves du collège des Jésuites de Mondragone. Dans son allocution, immédiatement rendue publique, le Souverain Pontife rectifia les assertions formulées par M. Mussolini sur le droit souverain de l’Etat en matière d’instruction de la jeunesse et sur l’esprit de conquête dans l'éducation du patriotisme. Le droit de l’Eglise, le droit de la famille, l’esprit de justice et de charité chrétiennes furent atfirmésà l’encontre de l’idolâtrie césarienne du culte de l’Etat.

Quant à la discussion sénatoriale, elle remplit les séances des 23, i' et ib mai. L'échange de vues présenta une curieuse variété. M. Benedello Croce critiqua et combattit à découvert tout le système des Accords du Latran. Le marquis Crispolti et le comte Soderini approuvèrent le règlement de la Question romaine et les stipulations du Concordat au nom des thèses doctrinales du catholicisme. D’anciens libéraux, tels que M. Scialoja et M. Bevione, se prononcèrent pour la ratification, mais en interprétant la législation concordataire dans lesens le plus favorable aux prétentions du pouvoir séculier. M. Bevione donna même à entendre que, si le traité politique avec le Saint-Siège, touchant la Cité vaticane, avait un caractère définitif et perpétuel, le Concordai pouvait être considéré comme révocable au gré des évolutions futures de la politique italienne. Enfin, M. Mussolini développa sommairement, le u5 mai, devant le Sénat, des conceptions analogues à celles que, le 13 mai, il avait proposées avec plus d’ampleur devant la Chambre. Toutefois, l’accent était devenu moins provocateur. Certaines théories chères à l’orateur avaient été quelque peu alléuuées. La grave erreur commise, dans ie premier discours, sur les origines de l’Eglise était corrigée avec une bonne volonté manifeste, mais non pas sans inexactitude ni sans gaucherie. Du point de vue politique, le second discours du dictateur ne démentait rien des prétentions abusives et fâcheuses du premier. Chez les catholiques, le malaise subsistait. L’on se demandait avec angoisse si l'échange des ratifications n’allait pas s’accomplir dans une atmosphère d'équivoque, avec un grave malentendu sur la signilication même des Accords qui avait été conclus.

Au Sénat, l’ordre du jour de contiance, approuvant la poix avec le Vatican, réunit 316 voixeontreô. Les ratifications furent autorisées légalement par 293 voix contre io. La lui sur les effets civils du ma riage religieux fut adoptée par 276 voix contre 17, et la loi sur le patrimoine cultuel, par 280 voix contre 13. Deux princes du sang avaient suivi toutes les délibérations sénatoriales et pris part à tous les scrutins : le jeuue duc des Pouilles, fils du duc d’Aosle, et le jeune duc de Pistoie, fils du duc de Gênes. Le vote contraire d’une petite minorité anticléricale augmentait l’importance du vote favorable de l’immense majorité du Sénat.

La ratification des Accords et la sanction des lois qui les appliquaient furent signées par le roi Victor-Emmanuel, en date du 27 mai. La promulgation dans la Gazette officielle du royaume d’Italie eut lieu le 5 juin, avec cette clause que les textes entreraient en vigueur aussitôt que l'échange des. ratifications, pour les Accords du Latran, aurait été accompli entre les plénipotentiaires des deux hautes parties contractantes.

Le soir du même jour, 5 juin, VOssenatore Iiomano publiait une lettre officielle, datée du 30 mai, jeudi de la Fêle-Dieu, qui occupait plus de quatre colonnes du journal et qui était adressée par le Souverain Pontife au cardinal secrétaire d'État. C était la réponse authentique de Pie XI aux assertions fâcheuses des deux discours parlementaires de M. Mussolini. Le dictateur en avait eu communication officieuse dès le 31 mai. Avant l'échange des ratifications, le Saint-Père voulait que sa pensée, touchant les questions scabreuses et litigieuses, fût connue de tous avec une entière clarté. Si ie dictateur consentait néanmoins à l'échange des ratifications, nul ne pourrait plus prétendre que Pie XI aurait volontairement laissé planer un malentendu sur la signilication exacte qu’il attribuait à un acte de pareille importance.

Après avoir manifesté sa ferme intention de poursuivre jusqu’au bout l'œuvre de concorde et de pacification, le Souverain Pontife exprime l'émotion douloureuse que lui causent certains contrastes visibles à tous les yeux, entre les attitudes troublantes d’aujourd’hui et les louables et excellentes démarches de la période précédente. Pie XI remercie le chef du gouvernement des paroles de courtoisie prononcées par lui à l'égard du Pape régnant et accueillies par l’assemblée avec une sympathie chaleureuse : mais le Souverain Pontife n’est vraiment sensible qu’aux hommages qui s’adressent à la divine institution elle-même à laquelle il est préposé comme pasteur suprême par la Providence du Seigneur.

Le passage du premier discours ministériel qui concernait les origines du christianisme et le rôle de la ville des Césars dans la perpétuité et l’universalité de l’Eglise contient des expressions hérétiques et pires qu’hérétiques sur l’essence même du christianisme et du catholicisme. A vrai dire, dans un second discours, on a voulu corriger ces paroles déplorables, mais non pas avec plein succès, car on a paru recourir à la distinction modes nisle entre affirmation historique et affirmation doctrinale, dont l’une pourrait être exacte et l’autre fausse, à propos d’une matière identique. Il aurait, d’ailleurs, suili de reproduire certains textes fameux de deux grands Italiens, saint Léon le Grand et Danle, pour marquer, sans crainte d’erreur théologique, l’incontestable réalité du dessein providentiel quia fixé dans Home, capitale d’un Empire immense, le siège de la primauté universelle et perpétuelle de saint Pierre et de ses successeurs.

Le chef du gouvernement a exhumé avec éloge un certain nombre de souvenirs de l’histoire ita lienne qui, loin de pouvoir être proposes en modi sont un sujet de douleur pour le Saint-Siège et les