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ROME ET L’ITALIE


visites entre les souverains et chefs d’Etat catholiques et le roi d’Italie. Le protocole déjà en vigueur pour les dissidents suffirait à maintenir, en fait et en droit, la protestation traditionnelle du Saint-Siège.

Le 28 mars 1932, le roi des Belges, Albert I er, put donc faire visite officielle au Vatican, avec la reine Elisabeth et le prince Léopold, duc de Brabant. Le 19 novembre 1923, le roi d’Espagne, Alphonse XIII, et la reine Victoria étaient, à leur tour, reçus en audience officielle par le pape Pie XI. A propos de la visite des souverains de Belgique, il est utile de mentionner un détail significatif. Le Pape pria discrètement le roi Albert d’obtenir du roi d’Italie qu’aucun des discours officiels italiens, prononces devant les souverains belges, ne contiendrait les formules jugées offensantes par la Papauté : Nome capitule, Rome intangible, ou la troisième Home. Le désir pontifical fut accueilli par qui de droit comme il méritait de l’êlre, si bien que la visite du roi des Belges à Rome devint une première annonce de la concorde future.

Mais le protocole lui-même qui conditionnait la visite des souverains et chefs d’Etat au Vatican contribua puissamment à traduire et à rappeler périodiquement au public oublieux la continuité de la protestation des Papes contre le régime subi par le Pontificat romain depuis 1870 et 1871.

III. — Le motif essentiel des protestations pontificales.

Le grief fondamental, auquel se rattachent tous les autres, est que la loi des garanties était purement et simplement une loi italienne, édictée par l’Etat italien, devant être appliquée et interprétée par l’Etal italien, pouvant être modifiée ou supprimée par l’Etat italien, dans l’exercice exclusif de sa souveraineté interne. Donc, les garanties juridiques de l’indépendance du Pape étaient livrées totalement à la libre appréciation d’un gouvernement temporel, maître de statuer sur les sauvegardes qu’il serait opjiorlun de maintenir ou de faire disparaître. Or, l’Etal qui prétendait exercer ce privilège exceptionnel à l’égard de la liberté de la souveraineté du Pape était celui-là même qui avait dépouillé la Papauté du pouvoir temporel créé par les siècles, c’est-à-dire de l’ancienne garantie de l’indépendance pontificale.

Pareil règlement unilatéral de la Question romaine était considéré à bon droit par les Papes comme essentiellement incompatible avec la sécu rite, la liberté, la dignité, l’autorité morale de leur ministère spirituel et universel. Incompatible également avec l’intérêt des catholiques du monde entier, qui ont le droit de réclamer que leur suprême pasleur ne soit pas placé dans la dépendance légale d’un gouvernement étranger. Incompatible même avec l’intérêt di tous les gouvernements de l’univers, y compris les gouvernements les plus éloignés des croyances catholiques : car tous les Etats du monde possèdent une communauté catholique, plus 011 moins nombreuse, mais compacte et hiérarchisée ; ils ont (ou peuvent avoir) lieu de négocier avec If Vatican sur les problèmes de Législation et de politique religieuse concernant la communauté catholique. Mais il faut que la suprême autorité avec laquelle les gouvernements accomplissent de telles tractations soif indépendante, maîtresse de ses décisions, el non pas subordonnée au pouvoir législatif, judiciaire ou coercitif d’un Etat quelconque, fut-ce l’Etat italien. Autrement, quel privilège abusif et quel moyen exceptionnel et anormal d’ingérence d.in i les affaires d’autrui, pour l’Etat italien, reconnu juge louv rais c unique des garanties de

l’indépendance pontificale ! Du point de vue des gouvernements, comme du point de vue des fidèles, comme du point de vue de la Papauté, la loi des garanties, la solution unilatérale du problème des prérogatives juridiques du Pape était clairement contraire aux exigences du droit.

En pratique, chaque fois que l’Etat italien, depui 1870, estima que son intérêt politique l’inclinait à ménager les partis révolutionnaires ou anticléricaux, la Papauté eut à subir, dans Rome, diverses avanies publiques qui, nonobstant la loi des garanties, bénéficièrent d’une tolérance et d’une impunité scandaleuses. Tel fut le cas dans la nuit du 12 au 13 juillet 1881, lors du transfert des cendres de Pie IX de Saint-Pierre à Saint-Laurenl-hors-les-Murs, quand une agression inqualifiable fut commise contre le cercueil même du Pontife. Tel fut encore le cas, lors de l’érection de la statue de Giordano Bruno, le 9 juin 1888, et lors des manifestations d’anticléricalisme bruyant qui suivirent le minime « incident du Panthéon », le 2 octobre 1891. Il faut en dire autant de certaines campagnes de presse et de certaines harangues offensantes pour la Papauté, notamment lorsque l’administration municipale de Rome se trouva entre les mains du syndic Nathan.

A l’époque de la première Conférence de la Paix, en 189g, l’opposition du gouvernement italien empêcha le Souverain Pontife d’être convoqué à la Haye, bien que Léon XIII eût été déjà mêlé, par l’initiateur même de la Conférence, aux négociations préliminaires.

Lorsque l’Italie entra dans la Grande Guerre, elle réclama et obtint de la France, de l’Angleterre et de la Russie, par l’article 15 du traité de Londres, signé le 26 mars 1915, l’engagement de s’opposer, avec l’Italie elle-même, à toute participation du Saint-Siège aux tractations de la paix future et à la solution de tous les problèmes issus de la guerre. En 1916 comme en 1899, l’Italie officielle demeurait hantée par la Question romaine.

D’autre part, l’entrée en guerre de l’Italie montra l’inaptitude de la loi des garanties à maintenir le contact personnel entre le Souverain Pontife et les représentants diplomatiques des diverses Puissances en état de guerre ou de rupture avec l’Etat italien. L’allocution consisloriale IVotris profeclo, de Benoît XV, en date du 6 décembre 19 15, réfuta, sur ce poinl, les déclarations apologétiques prononcées à Païenne, par le ministre italien Orlando, le 21 novembre précédent.

Malgré tout, il demeure incontestable que les incidents fâcheux pour la Papauté qui survinrent pendant les cinquante-neuf années écoulées de 1870 a 1929 ne dépassèrent pas certaines limites. Les Papes ont subi, dans le passé, des offenses autrement tragiques, à l’intérieur même de la ville de Rome et quand ils y exerçaient le pouvoir temporel. Au contraire, le fait marquant et notoire, depuis 1870, est la sécurité habituelle dont les Pontifes contemporains ont pu jouir dans le palais du Vatican, sans aucun des embarras ni des risques du gouvernement temporel d’un Etat, Ce sont aussi les conditions pratiques de liberté et de dignité dans lesquelles la Papauté a, depuis 1870, exercé un rôle international exceptionnellement brillant au milieu de la communauté universelle des Elats et des peuples. Ne seraitce pas là un argument de haute valeur probante à l’actif de la loi des garanties et du régime qu’elle consacrait ?

L’argument serait étrangement fallacieux. En

vérité, ee n’est pas à la loi des garanties que la Papauté est redevable des conditions d’existence

qui lui ont permis de jouer ce rôle éclatant dans la