Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Table.djvu/45

Cette page n’a pas encore été corrigée
23
26
INSTRUCTION CHRÉTIENNE (FRÈRES DE L')


honnête et ferme Breton, absolument enfermé dans son état et dans son œuvre ». (Mémoires.) Cette charte de l’enseignement primaire, conçue par un homme qui entendait que « l'éducation populaire fût donnée et reçue dans une atmosphère religieuse », par des maîtres qui se regardent comme des auxiliaires du prêtre, — et non comme des rivaux indépendants (Mémoires), Jean-Marie de La Mennais la considéra comme un bienfait pour les régions dépourvues d'écoles. Non pas qu’il l’estimât parfaite : il lui reprochait en particulier : la surcharge et l’uniformité des programmes et l’obligation qu’elle imposait à tous les maîtres de justifier leur compétence par un mè : ue et unique diplôme.

« Pourquoi, disait-il, vouloir élever et instruire le

petit pâtre de Squilliec comme le tils d’un commerçant, d’un industriel de Rennes ? De même que le tiis de l’ouvrier doit apprendre les notions qui lui sont indispensables pendant son apprentissage, de même le lils de l’agriculteur doit être initié de bonne heure à la culture du sol. » Et pour que ses écoles ne préparent pas des déracinés ou dés inadaptés, il établit des cours d’hydrographie dans les écoles du littoral, — de dessin, de mathématiques et de comptabilité dans les écoles urbaines les plus importantes, — et, à l'école primaire rurale, il introduit des notions d’agriculture qu’illustrent les essais pratiqués dans le champ d’expérience, — et à la MaisonMère de Ploërmel, il ouvre des ateliers d où sortiront quelques-uns des plus habiles artisans de la région.

Les deux successeurs de Guizot, de Salvandy et Villemain, commencèrent par créer de graves embarras à Jean-Marie de La Mennais, — le premier, par une application trop rigoureuse des dispositions de la loi de 1833, — le second, par l’accueil très portial fait aux plaintes et dénonciations de certains universitaires de l’académie de Rennes.

Pourtant, qn'étaient ces tracasseries administratives, — qu’il appelait plaisamment son « casuel », auprès des méliances — quelques-unes outrageantes — que continuait d'éveiller chez des personnages ecclésiastiques le nom de La Mennais ? 11 les endurait sans une plainte, sans une parole amère. Et lorsque le 16 octobre 1 838, — sur un bruit calomnieux contre lequel tout son passé protestait, sans enquête, sans l’avoir entendu, — Mgr de la Romagère le déclara, dans une ordonnance épiscop&le, interdit a divinis, condamné par conséquent à ne jamais dire la messe pendant la visite de ses 70 maisons du diocèse de Saint-Brieuc, et déchu du pouvoir de confesser ses frères, — Jean-Marie de La Mennais se contenta de souffrir en silence et en paix, et de pratiquer une soumission entière et sans réserve. Et à l’un de ses lils qui lui avait exprimé son élonnement et sa douleur, il répondait : « Il est vrai, j’ai bien des peines ; mais le bon Dieu me fait la grâce de les supporter sans murmure et sans trouble. Jésus-Christ, Notre Seigneur et notre modèle, depuis l’heure de sa naissance jusqu'à sa mort sur la croix, n’a jamais été sans douleur ; pour parr sa gloire, il faut quc nous partagions ses souffrances. »

L’action de Jean-Marie de La Mennais déborda ' miment l’Institut des Frères et des Filles de la Providence pour s'étendre bien au delà de la Bretagne et même de l.i France. On la retrouve dans toutes les initiatives des catholiques pour Le maintien, par L'école et par le collège, des traditions et souvenirs locaux, la revendication du droit des parents à contrôler et diriger l'éducation de leurs enfants, la lutte contre le monopole universitaire. Sur les instantes démarches de M. Cochin. il rédige,

au moment de la préparation de la loi de 1850, un mémoire détaillé dont toutes les suggestions furent adoptées par la commission extra-parlementaire constituée par M. de Falloux.

Il guida l’abbé Mazelier dans l'élaboration des constitutions et l’installation des premières écoles des Frères de Saint-Paul-Trois-Chàteau.x (183^), l’abbé Delamare dans la fondation des Frères de Montebourg, l’abbé de Brabant dans la fondation de l’institut de la Sainte Union, l’abbé Basile Moreau dans la réorganisation de l’Institut des Frères de Saint-Joseph. Il seconda le D 1 ' Wiseman, — le futur cardinal et archevêque de Westminster, — dans ses efforts pour créer une branche anglaise des Frères de l’Instruction Chrétienne. Il inspire et soutient la Mère de Kertanguy dans la restauration de l’Institut des Filles de la Sainte Vierge.

A deux reprises seulement, — et sans qu’il l’ait cherché, — te don de lui-même à tout le bien qui s’offre et à tous les dévouements qui voudraient se modeler sur le sien, favorisa l’extension de son institut de Frères : en 18.^1, lorsqu’il accepta de former à la vie religieuse les sujets que Mgr de la Croix d’Azoleite lui enverrait du Midi, — et en 1850, lorsqu’il conclut avec M. Duguey un accord qui fut l’origine des Frères de Tinchebray.

Le iG décembre 18/17, J ean Marie de La Mennais fut frappé d’une congestion qui mil ses jours en danger. Revenu péniblement de la crise, il lixa, dans son acte de dernière volonté, le mode de gouvernement de l’Institut après sa mort, — et adressa à Pie IX une supplique où il priait Sa Sainteté de

« bénir l’Institut des Frères de l’Instruction Chrétienne, en approuvant de la manière qu’elle jugerait la plus convenable ses règles et ses constitutions ». La Congrégation des Evèques et Réguliers

répondit à cette démarche par un décret de louange, — et le Pape prodigua au Fondateur les encouragements les plus affectueux dans le Bref qu’il lui a tressait le I er février 1851. Ce fut uue immense joie pour le « Père » et ses enfants.

Malgré la vieillesse, la paralysie et ses membres déformés par des rhumatismes, il continuera de lutter neuf années encore pour l’Eglise et l'éducation chrétienne des enfants.

L’Institut des Frères comptait 937 membres, dirigeait 34°> établissements et instruisait 50. 000 enfants lorsque, le 26 décembre 1860, Jean-Marie de La Mennais, s’endormit dans le Seigneur, chargé d’ans et de mérites, serrant dans ses mains son chapelet et son bréviaire.

Depuis [853, le Frère Cyprien avait vécu dans L’intimité du Fondateur ; il avait été le 1 émoi n immédiat et assidu de son héroïque résignation dans l'épreuve, l’interprète judicieux et fidèle de sa pensée dans les rapports avec les autorités civiles et religieuses, — et c’est à lui qu’avait été adressée la .suprême consigne :.< Mon lils, achève mon œuvre ! »

Le Frère Cyprien aura trente-sept ans pour réaliser le viril du Père. Quand il mourut, le i/| juillet 1897, les F’rères émettaient publiquement les

trois v<i ux de religion, — (on n'émit d’abord dans l’Institut publiquement que Le voeu d’obéissance), — L’Institut était définitivement approuvé par l’Eglise, yoo jeunes gens se préparaient dans neuf maisons de probalion à leur mission de religieux éducateurs. En Fiance, depuis 1886, h s Frères n'étaient plus înBlituleUVS publics, mais sur tous les points de la

Bretagne L'école chrétienne s'étaii dressée et leur avaii ouvert ses portes. La Guadeloupe et la Martinique, obéissant aux Injonctions de la Métropole, leur avaient, — bien à n^ni, — substitué des maîtres laïques, — mais ils s'étaient rend'