Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Table.djvu/37

Cette page n’a pas encore été corrigée
9
10
CELTES (RELIGION DES)


que le mot « druide » dérive du composé dru-uid-s signifiant « très savant » (voir mes Chrétientés celtiques, p. 21, note 6, et G. Dottin, La langue gauloise, p. 253), et non pas du mot grec S/suç (chêne), étymologie déjà donnée comme plausible par Plink 1’Ancien (Hist. nat., XVI, 2^9) et qui a prévalu jusqu’à nos jours. Mais, renonçant à son ancienne opinion, le même Thurneysen est maintenant disposé à adopter l’étymologie donnée par Pline (Cf. Revue Celtique, t. XLV, 1928, p. 416-417).

Ou ne trouve pas de druides en dehors de la Gaule, de l’i’e de Bretagne et de l’Irlande. César dit formellement qu’ils étaient inconnus des Germains (De bell. gall., VI, 21). Pline l’Ancien (v. 77 après J.-C.) voit dans les druides de son temps de simples sorciers, dépositaires de secrets magiques et de recettes médicales (Hist, nat, , XVI, 2^9 ; XXIV, 103, 104 ; XXIX, 52).

Claude(41-54) supprima complètement la religion

« barbare et inhumaine » des druides, qui avait été,

auparavant, interdite aux citoyens romains par Auguste (Suétone, Claude, 20). Un sénatus-consulte avait, d’ailleurs, supprimé les druides sous le règne de Tibère (14-31) (Pi.in’b I’Anciiîn, llist. nat., XXX, 13). Au temps du poêle Ausone (-[- 394), il y avait encore à Bordeaux des gens qui se disaient descendants des druides de Bayeux et de ceux d’Armorique (Piofessores, V, 7-10, XI, *22-30).

a. La transmigration des âmes. — La croyance à l’immortalité de l’âme, point capital de l’enseignement des druides, frappa particulièrement les Anciens (Cbsar, v, infr. ; Diodore de Sicile, Bibliothèque, V, 28, 6 ; Valkre Maxime, Factorum et dietorum mirabilium, II, G, 10 ; Pomponius Mrla, De situ orbis, III, 2, 19 ; ïimagènk, chez Ammien Marcellin, llist. rom., XV, 9, 3, etc.). « Le point essentiel de leur enseignement, note César, c’est que lésâmes ne périssent pas, mais qu’après la mort elles passent d’un co ps dans un autre (IVon interirc animas, sed ab aliis post mortem transire ad alios) ; ils pensent que cette croyance est le meilleur stimulant du courage, parce qu’on n’a plus peur de la mort » (VI, 14). Pomponius Mêla répète (loc c(L)que les druides entretenaient dans les esprits la croyance à l’immortalité pour stimuler le courage guerrier (ut forent ad bella meliares).

Les Gaulois considéraient simplement la mort comme un incident dans une longue vie :

« longae — canitis si cognila — vitae

Mors média est ».

(Lucain, Pliarsale, I, 4^7-4 : >8.)

La croyance à la survivance de l’identité de l’être humain par de la la tombe était si profondément enracinée riiez eux qu’ils s’engageaient à régler leurs comptes et à rembourser leurs dettes après décès (Valère Maxime, loc. cit. ; Pomponius Mêla, loc. cit.), elque, remarque M. Camillh Jullian, « ils trouvaient prêteurs à ces conditions » (Histoire de la Gaule, t. II, p. i 7 3).

Mais où se passait la vie d’outre-tombe ? Quel était le sort de l’âme durant cette nouvelle existence ? Combien de temps durait-elle ? Autant de points sur lesquels les renseignements fournis par les auleuri anciens, ou manquent de précision ou sont même contradictoires. Sur le lieu de la vie future il n’y a rien dans César qui puisse nous éclairer. Valère Maxime place ce lieu « apud inferos », tandis que Pomponius Mêla se sert de l’expression « ad Mânes » pour le désigner. D’après Lucain, « le même souille anime b’urs membres, non pas dans les silencieuses habita tions de l’Erèbe, ni dans les pâles royaumes de Dis (Pluton), mais « orbe alio » (Pliarsale, I, 450-458). Ces deux derniers mois ne signilient pas ici, ainsi qu’on l’a fait observer, « dans une autre planète ou dans un astre », mais « dans une autre zone de la terre ». (S. Rkinacii, Le mot « orbis » dans le latin de l’Empire, dans Revue Celtique, t. XXII, 1901, p. 447457, et Cultes, mjtheset religions, 3e édit. Paris, 1922, l.I)P. > 84 -194) Ce passage de Lucain, qui exprime l’idée de la survivance de l’identité humaine dans une autre partie du monde, permet de comprendre que des engagements aient pu être conclus pour le payement des dettes post mortem. Mais si, au contraire, comme l’atlirment d’autres auteurs, les druides professaient sur le sort des âmes et des corps outre-tombe les mêmes idées que Pylhagore, autrement dit, s’ils croyaient à la métempsychose (Voir Diodore de Sicile, loc. cit., ; Valère Maxime, loc. cit. ; Timagètie, chez Ammien Marcellin, loc. cit. ; Hippolyte, Philusophumena, I, 35 ; Clément d’Alexandrie, Stromata, I, xv, 71, 3), on ne voit pas comment, l’identité individuelle cessant, le crédit pouvait s’étendre p.ir delà la tombe (voir T. D. Kendrick, The Druids, p. 108109).

Valère Maxime constate avec étonnement que les Gaulois porteurs de braies aient puse rencontrer sur la questionde l’immortalité de l’àmeavec Pythagore, vêtu du pallium des philosophes (nisi idem bracati scHsissrnt quod palliatus Pjihagoras credidit). Le mot de César : non interire animas, sed ab aliis post mortem transire ad alios, laisse, en effet, supposer que les druides de Gaule croyaient, comme Pythagore, à la métempsychose, et c’est aussi ce qu’on peut légitimement conclure du texte de Diodore de Sicile, qui dit catégoriquement : « La doctrine dePythagore prevautchezeux(les Gaulois), d’après laquelle l’âme humaine est immortelle et vit de nouveau pendant un nombre fixé d’années, habitant un autre corps » (Bibliothèque, V, 28, 6). Si la doctrine celtique de la transmigration desàmesprésente cette ressemblance avec le système de Pythagore, on ne saurait pourtanll’identlQeravec lui, pour la raison indiquée plus haut (payement des dettes après décès) et pour une autre raison encore, car, d’après ce qu’on sait de la conception celtique, le sort des âmes post mortem n’était aucunement lié, comme dans le système de Pylhagore, à une idée d’expiation ou de récompense (voir Dottin, Transmigration, p. 430-431 ; Kbndhick, The Druids, p. 109).

3. Les sacrifices. — Rien ne contribua plus à exciter l’opinion romaine contre les druides que la pratique des épouvantables sacrifices humains auxquels les druides prenaient pari. Sur ce pointencore César nous donne des précisions. « Tout le peuple gaulois, dit-il, est fort religieux ; aussi voit-on ceux qui sont atteints de maladies grave*, ceux qui risquent leur vie dans les combats ou autrement, immoler ou faire immoler des victimes humaines, et se servir pour ces sacrifices du ministère des druides. Ils pensent, en effet, qu’on ne saurait apaiser les dieux immortels qu’en rachetant la vie d’un homme par la vie d’un autre homme, et il y a des sacrilices de ce genre qui sont d’institution publique. Certaines peuplades ont des mannequins de proportions colossales, faits d’osier tressé, qu’on remplit d’hommes vivants : on y met le feu, et 1< s hommes sont la proie des flammes. Le supplice de ceux qui ont été an clés en flagrant délit de vol ou de brigandage ou à la suite de quelque crime passe pour plaire davantage aux dieux. » De telles immolations relèvent autant du droit criminel que de la religion. César ajoute