presque somnolente. On lui avait recommandé d’être aimable pour Mabrouka qu’elle supplantait dans le cœur de Cheik-el-Zaki. Elle lui avait baisé les doigts, les mâchoires rivées, avec dans les yeux une lueur mauvaise. Bientôt elle allait offrir à la main osseuse et desséchée de l’homme qu’elle avait entrevu à travers les moucharabiehs, la preuve sanglante de sa virginité et, puisque les usages voulaient qu’on criât, elle avait décidé de crier, quelque légère que fût sa douleur. Cependant, sous son masque d’indifférence se dissimulait une hostilité latente, prête à sourdre au moment opportun. Loin de se sacrifier à une règle impérieuse, elle se renfermait en elle-même. Le jour viendrait où elle aurait à lutter contre un maître. Jusque-là elle devait se taire, s’interdire comme une faiblesse toute complaisance pour le luxe déployé afin de la griser et de l’asservir. Et nul ne put distinguer, à travers la nonchalance de cette femme, le calcul terriblement lucide.
— Relève tes paupières, montre-nous tes yeux de lune, minaudait Zeinab.
Elle avait convoité le privilège rare d’être assise auprès de la mariée. Elle y était parvenue au prix de mille stratagèmes et par des paroles mielleuses cherchait à se montrer digne de la place qu’elle avait conquise.
— Ce n’est pas tes jolis seins qu’il faut regarder, mais là-bas. Et se penchant sur Nour-el-Eïn : C’est là-bas qu’il se trouve le vénérable cheik, ton mari, ton seigneur.