Un vigoureux coup de babouche projeta la conscience de Goha dans la joyeuse réalité. Il se trouva mêlé à une foule compacte et exclusivement composée d’hommes. De riches propriétaires terriens, des négociants, des ouvriers, amis d’Abd-el-Rahman ou à son service, marchaient coude à coude sans distinction de rang. Un groupe se tenait à l’écart, c’étaient des étudiants d’El-Azhar que leurs camarades avaient délégués auprès de Cheik-el-Zaki pour lui exprimer la part qu’ils prenaient à son bonheur. La foule les considérait avec une respectueuse bienveillance, car elle avait reconnu dans ces jeunes gens, sobres de gestes, et qui s’entretenaient à voix basse, l’élite religieuse de la jeunesse musulmane.
Lorsque vint la nuit, le jardin d’El-Zaki était en fête. Des nègres portant des torches et des échelles se frayaient péniblement un chemin à travers la masse des invités, accroupis sur des nattes. Un à un, les lampions colorés, suspendus en guirlandes aux tentures, furent allumés, tandis que les assistants faisaient retentir de leurs acclamations l’atmosphère lourde d’encens.
— Par ici, Mohamed, par ici… Il y en a trois d’éteintes.
L’esclave interpellé s’avança, éleva sa torche, mais si maladroitement que l’huile du lampion se répandit sur lui. Honteux de sa maladresse et troublé par les rires qui de toutes parts bondissaient, il se retira précipitamment.
Des eunuques étaient postés autour de la maison de Cheik-el-Zaki. Derrière les moucharabiehs,