Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/66

Cette page a été validée par deux contributeurs.
49
LE LIVRE DE GOHA LE SIMPLE

— Mabrouka, ma chérie, dit-il à son épouse, j’ai l’intention de me remarier.

— Tu as raison, répondit-elle docilement.

— J’ai entendu parler d’une fille d’Abd-el-Rahman, elle s’appelle Nour-el-Eïn. On dit qu’elle est bien. »

— Comme tu voudras, Sidi. Si tu l’ordonnes, j’irai la voir.

Le lendemain, montée sur un âne et suivie de trois esclaves, elle se rendit chez Abd-el-Rahman. Il habitait sur les bords du Nil une propriété délabrée. Mabrouka ne revint que fort tard et d’un air solennel rendit compte de ses impressions à son mari.

— Tu peux l’épouser, lui dit-elle, mais par Allah je ne saurais quoi te dire.

Pénétrée de la gravité de son rôle, elle s’était installée confortablement sur un divan et s’était mise à bourrer de tabac un chibouk en ébène incrusté d’argent. C’était un objet de valeur qu’El-Zaki lui avait offert pour la consoler de la perte du seul fils qu’elle avait eu.

— N’est-elle pas jolie ? demanda le cheik.

— Tu feras comme il te plaira, Sidi…

— Mais ton avis ?

— Mon avis ? Je n’ai qu’un seul avis… La fille, tu peux l’épouser

— Enfin, tu as vu Nour-el-Eïn, tu sais comment elle est…

— Et qui t’a dit qu’elle n’est pas jolie ? protesta-t-elle, la main sur la poitrine.

Le cheik ne s’impatienta pas. Il était accou-