Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/396

Cette page a été validée par deux contributeurs.

El-Zaki fut saisi d’un tremblement. Goha, grisé, élevait la voix.

— Elle avait changé de robe, la cheika. Elle portait une gallabieh jaune…

— … Avec un liseré d’or, précisa le cheik d’une voix caverneuse.

— Ah ! tu sais… Mais tu ne sais pas ce que nous avons fait ! reprit Goha avec un gros rire… C’est honteux, mon maître ! Oust ! Oust !

— Tu es un porc ! gronda le cheik étourdi par un afflux de sang à la tête.

— Oust ! Oust ! mon maître, Il ne faut le dire à personne… Là ! là ! regarde,… regarde… Le génie de la cheika !

El-Zaki soufflait bruyamment, gagné par le délire de Goha qui montrait les ombres sur le mur en scandant :

Quand on la regarde, elle bouge…
et quand on met la chandelle, elle vient…
et quand on enlève la chandelle, elle s’en va…
et quand je la regarde, elle bouge…

Les yeux du philosophe suivaient la main du simple. Par la fenêtre ouverte pénétrait l’écho des réjouissances nocturnes, les sons du luth et du tambourin.

Soudain une brise passe et en passant disloque les flammes du candélabre.

— Oh mon père ! s’exclama Goha ivre de joie… la cheika ! la cheika !

Il arracha son turban, le jeta à terre, criant de plus en plus fort :

— La cheika ! la cheika ! Elle descend… elle