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aspect nouveau et un aspect nouveau à lui-même. Il se sentait le front lourd et en conçut de grands espoirs et de la joie.

Le retour de Goha l’avait tiré de l’assoupissement moral où l’avait jeté Mabrouka. Cette femme avait tissé autour de lui un réseau de sensualités et de préoccupations ordinaires et cela à une époque où, abandonné par les uns, trahi par les autres, il se trouvait sans résistance, enclin à toutes les servitudes. La grâce malsaine de Nour-el-Eïn, devançant les événements, l’avait déjà préparé à cette abdication, mais la jeune femme avait mis toute son adresse à le lui laisser ignorer. Mabrouka, avec sa lourde allure, n’usa pas de tant de finesse. D’ailleurs elle n’était pas tenue aux mêmes précautions, l’homme que lui livraient les circonstances ayant perdu toute vigueur morale. Elle acheva à son profit l’œuvre de sa rivale, pesamment, comme elle faisait toute chose.

La révolte grondait en Cheik-el-Zaki. Il fallait en finir avec cet abaissement ! Et tandis qu’il prenait cette décision, par une brusque déviation de pensée, il songea à Goha, seul dans la bibliothèque, presque nu. « Je n’aurais pas dû le laisser sans surveillance, au voisinage du harem », balbutia-t-il. Il y avait une demi-heure qu’il se promenait dans le jardin. Ses jambes tremblèrent. Il eut peur pour Mabrouka. Il se souvint qu’elle aussi était nue.

— Tant pis ! tant pis ! dit-il à voix haute, je n’irai pas !

Il sentait qu’en se livrant au désordre de son