accroupi à l’endroit même où il était tombé. Il le considéra avec amertume :
— Rassure-toi, dit-il après un silence, je ne compte pas te faire du mal, mais j’ai à t’apprendre que désormais tu vivras comme ta mère.
Un murmure d’étonnement accueillit cette sentence. Goha, les yeux fixés sur Hawa, sa vieille nourrice, implora, du regard, le secours de son intelligence. Que son père fût en colère, il n’en pouvait douter. Mais la cause de cette colère qui s’achevait sur une phrase incompréhensible, lui échappait complètement.
— Je me demande quelquefois ce que j’ai de commun avec toi pour que tu sois mon fils, reprit Mahmoud. Il trouvait dans le contraste entre son fils et lui une satisfaction d’orgueil qu’il avait cherchée vainement dans sa paternité. — Il faut, reprit-il, que j’aie commis un terrible péché pour que le Juste m’ait frappé de ta naissance.
Les femmes se regardèrent en hochant la tête. Les filles, déjà fatiguées de se tenir tranquilles, se mirent à faire des grimaces, à cligner leurs yeux cernés de kohl, à gonfler leurs joues maigres, sans qu’on vît se déplacer les mouches qui noircissaient leurs visages et qu’elles promenaient, du matin au soir, à travers la maison. D’une voix énergique, Mahmoud rétablit l’ordre et poursuivit :
— Dès tes premières années, tu t’es fait un renom de bêtise. Au Kouttab, tu étais le désespoir des maîtres les plus habiles… Avec les feuillets de ton Coran tu enveloppais ta ration de fromage… Tu ne sais ni lire, ni écrire !