— Tu as faim, Goha ? demanda le marchand en souriant… Tu as l’air d’avoir faim, tu regardes ma friture… Daigne m’honorer, Goha… Voici une belle tranche, voici du pain… Tu as faim, n’est-ce pas ?
Goha fixa ses yeux dans ceux du marchand.
— Oui, j’ai faim, dit-il d’une voix caverneuse. Je veux manger. Donne-moi un morceau de viande.
— De la viande ? Je n’en ai pas, fit le marchand, embarrassé… Tu n’aimes pas le poisson ?
— Donne-moi du poisson, dit Goha.
Il mangea sans écouter le marchand qui reprit :
— Hadj-Mahmoud m’a invité à la fête… Je te regretterai, Goha… Tu aurais fait quelques bonnes sottises qui nous eussent égayés… Depuis que tu n’es plus là, le quartier est moins amusant… On te reproche d’être souteneur, et moi je suis sûr que tu ne sais même pas ce que ça signifie… D’ailleurs, chacun sa destinée !
Et comme Goha s’éloignait :
— Viens me voir, Goha, tu me feras plaisir… Il y a toujours du bon poisson et du pain tendre pour les amis…
Goha traînait le pas. Il n’éprouvait aucune satisfaction d’avoir mangé. À ses oreilles bruissaient des mots, des mots… Quel besoin les hommes avaient-ils de tant parler ?
Une femme était couchée sur la terre. Elle dormait, ramassée dans les plis de sa mellaïa. Goha tourna autour d’elle, indécis, puis il s’arrêta. Le visage sombre, il écarta son caftan et pissa sur elle. Il s’attendait à la voir se réveiller