Il était devant la maison de son père. La cour avait pris une parure de fête. Des tapis recouvraient les dalles, des tentures ornées d’arabesques l’abritaient, des guirlandes et des lampions multicolores étaient suspendus aux solives. Goha hochait la tête. La maison, elle-même, n’avait plus le même aspect. Jamais il ne l’avait connue si imposante et si fermée. Il trouvait incompréhensible qu’il eût pu autrefois y entrer et en sortir à sa guise. Tout au fond, dans l’ombre, Kellani le vieux portier, faisait sa prière. Goha eut un choc au cœur et s’écarta.
Il alla s’asseoir à quelques pas, contre le mur de Cheik-el-Zaki. Il songea à son père, à ses sœurs, à sa mère, aux nouveau-nés… Il songea à l’être qu’il avait le plus aimé, à Hawa, sa nourrice… Il y avait si longtemps qu’il ne l’avait vue ! Avait-elle vieilli ? Se souvenait-elle de Goha, le scarabée noir qui grimpait sur elle, la nuit ? Avait-elle étrenné une nouvelle gallabieh ?… « Porte-la et use-la dans la joie ! »… Que faisait à cette heure Hawa, son jasmin blanc ? Elle remplissait la mangeoire de Bagba… « Tozz ! tozz ! Maudit soit ton père ! » « Hé ! Bagba, pourquoi veux-tu que mon père soit maudit ? »… Elle nouait sur le sommet de son crâne ses trente petites nattes ; Non… Elle était à la cuisine… Elle préparait le mouton… « Goha, le feu ne marche pas, viens souffler dessus… Maintenant va-t’en, je t’appellerai pour le déjeuner… » Il s’en va… Il attend dans la rue… Oh ! qu’il a faim ! Que mangera-t-il ? Mangera-t-il le gigot ou un morceau dans la côte ?