Goha rentra la tête dans ses épaules. Il lui semblait que l’odeur, l’humidité du quartier des filles étaient collées à sa peau comme une matière gluante et que, dans l’éblouissante lumière de la place ensoleillée, il ressortait tout noir.
Un peu à l’écart, parmi les pierres d’une bâtisse effondrée, un savetier avait installé son échoppe. Quarante ans consacrés à tailler et à coudre le cuir ne l’avaient pas enrichi. Sa gallabieh qui tombait en loques ne lui venait plus qu’aux genoux.
— Sois le bienvenu, dit-il à Goha, avec un doux regard…
Goha ne répondit pas au salut, non qu’il fût distrait, mais il avait le désir d’humilier le vieillard.
— Comme tu voudras, mon fils… Tu es mieux habillé que moi, mais Allah seul est grand…
Et le savetier se pencha sur la pièce de cuir qu’il était en train de découper.
Goha le regarda fixement. Il avait le crâne fracassé. De la cervelle pendait sur son oreille et, sur ses joues, des filets de sang s’étaient coagulés. Cette image n’inspira à Goha ni horreur, ni dégoût. Tous les êtres avaient le crâne ouvert. Il suffisait pour s’en rendre compte de les considérer attentivement.
Il se leva. Il prit une rue, puis une autre. Jusqu’à la nuit, il marcha sans arrêt. Il avait perdu la notion de l’heure ; la fatigue lui avait engourdi les sens. Quoiqu’il n’eût rien mangé depuis la veille et que la chaleur fût accablante, il était insensible au fumet des viandes qui s’échap-