guée. Elle gâtera nos affaires, Sidi. La présence d’une négresse nous dépréciera auprès des clients et nous voulons maintenir nos prix.
Sayed intervint.
— Vous êtes des mules, dit-il. Le prix de Hawa sera le double du vôtre, oui, le double, et je sais ce que je dis.
Quoique la prétention de la négresse leur parût à la fois injurieuse et comique, les filles cessèrent de protester. Elles attendaient de voir leur rivale à l’œuvre. Une Syrienne qui portait en sautoir six rangées de sequins résuma l’impression générale :
— Une semaine et — je le jure sur ma tête — cette chienne de négresse sera mise à la porte avec son paquet, son idiot et son enfant.
— Et ce sera justice, ajoutèrent ses compagnes.
Une seule fille se tenait à l’écart, et semblait se désintéresser de la discussion. Elle avait les paupières, les joues et les lèvres boursouflées. Une robe claire plaquait son corps, dessinant la courbe précise de ses jambes et la chute des épaules. Assise sur un tapis, elle oscillait machinalement le buste. La Syrienne se campa devant elle dans une posture agressive et la prit à partie :
— A-t-on jamais vu une fille pleurer comme toi sur sa virginité ? Tu pleurais en entrant, tu as hurlé avec ton premier client que c’en était un scandale ! Et depuis, tu pleures, tu pleures, tu pleures ! On dirait, ma parole, qu’elle avait quelque chose d’extraordinaire ta virginité ! Une négresse ̃et une morveuse… qu’on nous envoie une lépreuse, et nous serons au complet…