Elle fit quelques pas. Sayed, intrigué, lâcha Goha pour la suivre.
— Sidi Ahmed ne veut pas me louer une chambre, reprit-elle.
— Tu veux donc faire le métier ?
— Laisse-moi dire… Et d’abord…
Elle n’osa poursuivre et se couvrit le visage avec le bas de sa mellaïa. À cet aveu, Sayed répondit en la pinçant vigoureusement.
— Aïe ! Aïe ! tu me feras mourir, balbutia-t-elle.
— Je parlerai à Sidi Ahmed, j’arrangerai tout.
— Et que la chambre soit belle, insista Hawa.
— Laisse-moi faire, répliqua le vendeur d’oranges. Dans une heure, tu seras installée… Mais que me donneras-tu ?
— Ah ! pourquoi me demandes-tu ce que je te donnerai, quand tu sais ce que je te donnerai…
À ces mots, le vendeur d’oranges enlaça la négresse et l’entraîna dans une ruelle voisine.
Goha était resté avec les filles. Elles l’avaient entouré d’un cercle bruyant et chacune de l’interroger : « Alors tu restes avec nous ? — C’est bien vrai, tu habiteras le quartier ? — Tu nous raconteras tes aventures, Goha. — Tu nous parleras de ta cheika et de ta femme à l’eau de rose… » Goha, mis en gaieté, embrassait l’une, caressait l’autre, mais quand il vit Hawa disparaître aux bras de Sayed, il s’assombrit et alla s’asseoir à l’écart.