C’était Sayed, le vendeur d’oranges. Derrière lui, des filles étaient attroupées. Sayed se pencha sur Goha et lui cracha violemment à la face. Goha sursauta.
— Hé ! hé ! attention ! cria-t-il.
Il s’essuya le menton avec la manche de son caftan et, d’une voix douce, reprit :
— Que ta journée soit bénie, Sayed !
Le vendeur d’oranges ne répondit pas. Il passait pour le marchand le plus plaisant d’El-Kaïra et cette réputation lui imposait de grands devoirs. Tout en cherchant la réplique savoureuse, il caressait de son pouce énorme la moustache noire qui barrait son visage. Hawa considérait avec un trouble croissant les os saillants de sa face, les muscles de ses jambes et surtout ce pouce dont il était si fier. Jamais homme aux yeux de la négresse n’avait dégagé autant de force et de santé. Encouragé par le regard de Hawa, le vendeur d’oranges appliqua sur les joues de Goha des gifles retentissantes.
— Pour toi ! cria-t-il, pour ta mère ! pour ton père ! pour ta tante ! Et des cousins ? As-tu des cousins ? Combien ? Cinq ? Cinq gifles pour tes cousins !
Goha poussait des hurlements, les filles ricanaient et Hawa qu’agitait une gaieté convulsive, se tenait les côtes. Elle se calma tout à coup et, se levant, vint frôler le bras de Sayed.
— J’ai à te dire une parole, murmura-t-elle. Elle soupira, baissa pudiquement les yeux.
— Peut-être deux paroles… Et d’abord écoute-moi…