ler… Avec quoi ? avec quel argent ? Moi, j’ai quatre bracelets, et toi, tu as deux pièces de monnaie dans ta poche… Si ton père t’avait donné l’âne, tu l’aurais chargé et…à la grâce de Dieu ! Maintenant qu’est-ce que tu comptes faire ?
— Si tu veux, je me ferai repasseur de fez, dit Goha qui gardait de ce métier un excellent souvenir.
La négresse eut un geste d’impatience, mais ce n’était point la réponse de Goha qui l’impatientait, c’était sa propre hésitation à lui communiquer une grave résolution qu’elle avait prise.
— Tu ne veux pas ? demanda Goha.
— Ce n’est pas moi qui ne veux pas, c’est Dieu. Il faut beaucoup d’argent pour s’installer repasseur de fez.
— Comme tu voudras, Hawa.
— Alors, écoute… Ce qu’il faut, Goha, c’est laisser le destin se réaliser… Allah sait ce qui est bien, nous ne le savons pas. Ce qui nous semble le mal peut justement être le bien…
— Tu as raison, dit Goha.
— Moi, s’exclama Hawa encouragée par cette approbation, je ferme les yeux et je vais où le destin me mène… Tu comprends, Goha ? Je ne sais pas où je vais… Je vais… puis nous verrons…
— Nous verrons, répéta Goha…
— Qui de nous, poursuivit la négresse d’une voix vibrante, qui de nous peut dire qu’il est libre ? Toi, tu marches avec moi, moi, je marche avec toi… et ni l’un, ni l’autre nous ne savons ce que nous allons faire !