Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/321

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Puisque tu es différent de moi par le visage, par le cerveau, par la religion, comment te considérer comme un fils ? En toute conscience, Goha, je crois qu’il a été commis une erreur… Tu n’es pas mon fils.

Goha eût voulu se jeter au cou de son père, lui jurer qu’il se trompait. Il leva les yeux sur Mahmoud et s’aperçut avec épouvante qu’il était calme et qu’il lui souriait doucement.

— Un fils, poursuivit Mahmoud, songe en toutes circonstances à faire plaisir à son père et à lui faire honneur. Est-ce dans cette double intention que tu t’es révélé incapable dans tous les métiers que je t’ai donnés ? Est-ce dans cette double intention que tu as jeté la honte dans la maison de mon ami Cheik-el-Zaki ? Est-ce dans cette intention que tu as approché ta nourrice ?

Dans son coin, la négresse eut un profond soupir. — J’ai donc raison d’affirmer que tu n’es pas mon fils. En somme, tu n’es dans ma maison qu’un étranger… un étranger sans scrupules. Quand on saura ce que j’ai fait pour cet étranger, on s’écriera : Vraiment Hadj-Mahmoud-Riazy a fait son devoir et on lui a rendu le mal pour le bien.

Goha se cacha le visage. Des sanglots lui secouaient le corps. Il lui semblait que sa vie s’était compliquée de tant d’obstacles qu’il ne pourrait plus faire ni un pas en avant, ni un pas en arrière.

— Pourquoi pleures-tu ? poursuivit Mahmoud… Ta chance est devant toi, mon ami… Chacun sa