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Waddah-Alyçum, il avait trouvé Goha étendu sur le divan de la bibliothèque. « C’était ce jour-là », songea-t-il et il se dit avec une moue dégoûtée que les gens sont infâmes. Goha l’avait trahi, Mohamed Riffa l’avait trompé, Sayed Ahmed, le marchand de café, l’avait volé. Mais Mabrouka était une brave femme. Elle avait décidément bien fait d’être venue. Goha examinait El-Zaki à la dérobée. Le cheik de son côté avait hâte de prononcer les paroles définitives. Cependant il y mettait une grande circonspection. Il avait honte de sa violence et cherchait par une gravité hautaine à en effacer l’impression dans le cerveau de Goha.

— Je suis très fâché, commença-t-il.

— Oui, tu es fâché contre moi, acquiesça Goha en baissant la tête.

Il se sentait fautif, fautif avec une telle conviction qu’il devinait presque sa faute.

— Je connais ton infamie, reprit le maître, ne me demande pas de te pardonner, car Dieu seul est juge. Réponds simplement aux questions que je vais te poser et je te laisserai partir.

Goha, levant ses prunelles dilatées, rencontra les yeux durs d’El-Zaki. Un frisson le secoua. Les phrases du maître n’étaient plus pour lui des énigmes. Il pressentait même ses questions et s’en épouvanta. Il balbutia : « Laisse-moi, laisse-moi tranquille », et, portant ses mains à sa poitrine, il éclata en sanglots. Ce fut une détente pour El-Zaki ; le spectacle de cette crise lui donna de l’assurance.

— Tu la rencontrais souvent ? demanda-t-il brusquement.