« Le cheval me fatigue, songeait-il… et puis mon wékil n’est pas très intelligent, Riffa a peut-être raison… » Il en voulait à son voisin, plutôt que de son empiétement, de n’avoir pas évidemment raison et de lui causer une préoccupation que, dans le fond de son âme, il considérait inutile.
Il fut interrompu à cet endroit de ses réflexions par une voix de femme. C’était Mabrouka qui pénétrait dans la bibliothèque. Il leva sur elle un regard fatigué et fut désagréablement surpris par sa corpulence et par ses joues rouges.
— Qui t’a dit de venir, demanda-t-il ?
Mabrouka, sûre d’accomplir un devoir sacré, s’installa sur le divan, tira lentement d’une poche une tabatière qu’elle posa sur ses genoux :
— Je ne suis pas ingrate, dit-elle enfin.
Depuis qu’elle avait quitté son mari, Mabrouka vivait avec quatre servantes et un eunuque dans une maisonnette entourée d’un petit jardin qu’El-Zaki avait louée, sur les indications de Warda, aux environs de la mosquée du Daher. Elle avait exigé en entrant que les murs extérieurs fussent badigeonnés du même rouge que le palais dont le caprice de Nour-el-Eïn l’avait chassée. À l’intérieur, elle avait obtenu que la décoration de la salle de réception fût rafraîchie et qu’une dalle de marbre brisée fût remplacée par une neuve. Dans sa solitude, elle s’était rapprochée tellement de ses esclaves que toutes les cinq vivaient de la même vie, passant les journées à jouer aux