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taires. Devant une potiche il s’écria : « Le but de la vie… » ; devant un guéridon incrusté de nacre : « Être indispensable… ». Il questionna une fine broderie persane : « Ai-je un rôle ? … ». Ayant haussé les épaules, il fit trois tours dans la pièce, les mains croisées sur le dos, en se dandinant. Fatigué, il s’accroupit sur une natte.

— J’ai eu tort autrefois, la propagande que j’avais entreprise devait aboutir à un schisme. Le soufisme en somme n’est qu’une doctrine d’impiété. Dieu seul est témoin de lui-même.

Quoique dite sur un ton énergique, cette phrase banale le fit bâiller. Il essaya de s’emporter :

— J’humilierai ma pensée rebelle… J’irai à la Mecque pour confesser mon orgueil. Le passé, la tradition, la race sont les éléments les plus puissants, les plus sages de mon être et désormais je veux croire et agir comme aurait agi et cru le plus obscur de mes aïeux.

Il avait prononcé ces derniers mots avec emphase, l’index raidi vers les dalles. Mais il avait beau feindre l’enthousiasme, il ne parvenait pas à se mystifier. Les yeux baissés, conscient de la stupidité de ce qu’il allait dire, il répéta :

— Que d’années perdues !

Il prit les Prairies d’Or dans la bibliothèque et s’assit sur un divan. À mesure qu’il tournait les pages, l’ennui le gagnait. Il murmura :

— Ce livre est admirable…

Il le déposa sur le guéridon d’ébène, se cala confortablement dans ses coussins.

— Si Mohamed Riffa n’est pas sincère, son