Mais une main s’était abattue sur son épaule…
— Ne blasphème pas ! Chienne !
Elle hissa vers le vieillard son visage convulsé, mouillé de pleurs et de bave et que la poussière avait souillé. Longtemps elle soutint le regard d’Abd-el-Rahman, pour voir la mort bien en face et en triompher. Lorsqu’elle retomba sur le tapis, elle n’était plus qu’une loque.
— Je suis coupable, dit-elle d’une voix presque éteinte… J’ai commis l’adultère… Par ta barbe blanche ! pardonne-moi…
Cependant le vieillard était sorti de son atmosphère de torpeur et s’était redressé pour répondre à l’appel de sa race. L’honneur, la tradition exigeaient de lui un effort. Transfiguré, rajeuni, il repoussa du pied l’épave et d’un pas résolu quitta la salle.
Dans le palais morne, une volonté venait de renaître. Abd-el-Rahman préparait froidement le châtiment nécessaire, car Nour-el-Eïn était le fruit de sa chair et ses actes le prolongement des siens.
À l’entrée du jardin, un homme est couché sur le ventre. Il attend, immobile, le menton sur les poings, la prunelle dilatée.
Tout à coup retentit un bruit sauvage.
Goha dit machinalement :
— La Cheika est morte.
Midi. Des insectes bourdonnent dans la lumière. Des nuées de moucherons flottent sur le sol. Les muezzins chantent.
La porte d’entrée s’ouvre. Abd-el-Rahman en sort les épaules voûtées.